Louis-Hubert Remy par lui-même

 

 

 

Né en 1943, à Poitiers, la ville du Cardinal Pie et du grand saint Hilaire : j’ai été baptisé, catéchisé (par Melle de Maistre, parente proche de Joseph de Maistre), communié dans l’église du grand saint Hilaire, élevé dans une famille nombreuse chrétienne, puis dans un collège exemplaire[1], et donc formé dans l’Église en ordre. J’ai vécu, à vingt ans, cette Révolution Conciliaire qui va marquer toute ma vie.

Mes parents respectant les lois du mariage eurent dix enfants en treize ans. Nos deux grands-parents étaient d’un milieu bourgeois aisé. Nous, nous vécûmes pauvrement, pas misérablement mais connaissant ce qu’étaient les prières vécues du « pain quotidien » et de la « providence« . Par contre nous n’avions qu’un vrai trésor : la Foi et la vie chrétienne.

Orphelin de mère en 1962, notre mère, grande chrétienne (plus de 300 messes furent dites à sa mort), nous a mieux élevée du ciel que si elle avait vécu les années terribles de la révolution conciliaire.

J’ai connu toute la ville de Poitiers présente aux processions du Sacré-Cœur, remplissant son immense cathédrale et j’ai vu d’années en années cette cathédrale se vider jusqu’à la suppression de cette procession.

J’ai connue l’église Saint-Hilaire (où est la tombe de sa fille, sainte Abre) archicomble pour les conférences de Carême ou pour l’apologie annuelle du grand Saint Hilaire. C’est le cardinal Pie qui avait fait revivre saint Hilaire, premier docteur de l’Église.

J’ai connu l’Église une. Une depuis deux mille ans, une dans sa foi, une dans sa doctrine, une dans ses catéchismes, une dans son éducation, une dans ses rituels, une dans la sainte Messe, une dans sa hiérarchie, une dans ses saints, une dans ses missionnaires, une dans ses calendriers, une dans sa grille amis-ennemis, etc.

 

En dehors d’une bonne formation catéchistique, d’une régulière vie sacramentelle et d’un début de vie intérieure, rien, ni personne, ne nous avait préparé à ce que l’on appellera, à juste titre : la Révolution Conciliaire.

 

Né dans une famille scoute (maman, dieppoise, cheftaine de meute, avait eu son chef de groupe comme témoin de mariage : Yves de Verdilhac, plus connu sous le nom de Serge Dalens), un peu de scoutisme m’avait formé à la débrouillardise, à la générosité, (c’est l’origine de beaucoup d’hommes politiques et de clercs), à donner sans compter, mais sans aucune formation suffisante. On y découvre le sens de l’injustice, mais pas celui de La justice. On sait voir les apparences, sans bien comprendre les manipulations qui sont derrière. On a une formation insuffisante sur le bien et le mal, sur les bons et les mauvais.

 

J’ai appris depuis combien ce mouvement, même catholique, était une contre-formation. Comme dit Mgr Delassus, c’est la franc- maçonnerie pour les jeunes. On l’a vu au moment de la révolution conciliaire : tous les scouts, ou presque, tombèrent dans la révolution nouvelle.

À cela une explication. Les Scouts se marient avec des femmes scoutes, les Guides. Généreuses, joyeuses, ayant le sens du devoir, bonnes chrétiennes, elles sont des compagnes appréciées et souvent ce sont elles qui commandent dans les ménages. Mais attachées aux amies guides (l’amitié scoute est unique), elles communiquèrent beaucoup ces années-là, prenant avis de leurs amies, qui mal formées tombèrent toutes (et avec elles leurs familles) dans les nouveautés. N’était-ce pas le scoutisme qui fut le début des innovations liturgiques ?

Franc-maçonnerie pour les jeunes avons-nous dit. Oui la fraternité scoute, à l’exemple de la fraternité franc-maçonne, lors de circonstances cruciales comme celle du ‘concile’, a joué un rôle absolument primordial.

Autre déformation importante du scoutisme et qui va s’imposer dans les mentalités modernes : il y a toujours 5% de bon dans un homme pas chrétien. Il faut monter cet homme à 20 % de bon, puis à 50%, pour finir à en faire un vrai chrétien …ou un demi-chrétien comme les accuse dom Guéranger et ces demi-chrétiens vont avoir une influence redoutable sur le monde chrétien.

À toute époque il y a eu dans le monde chrétien, un mélange d’ivraie et de bon grain, mais j’accuse cette époque de la soi-disant action catholique (dont le scoutisme catholique) de n’avoir pas vu que l’on trouve normal de semer de l’ivraie dans le champ du Seigneur. Ne soyons pas surpris que cinquante plus tard, l’ivraie ait étouffé le bon grain.

Il en sera de même de toutes les fausses conversions du protestantisme juste avant le concile, fausses conversions qui imposèrent l’après-‘concile’.

On avait oublié la règle d’or d’une vraie conversion, appliquée par nos ancêtres : adore ce que tu as brûlé, mais surtout brûle ce que tu as adoré.

 

Tout d’abord on m’avait mal défini ce qu’était un vrai chrétien. Il m’a fallu faire les Exercices de saint Ignace pour le comprendre. La formation scoute ne le fait pas. Elle forme des débrouillards, des généreux, mais pas des adultes chrétiens. On l’a vu fréquemment, ce sont souvent des adolescents prolongés.

Un adulte est celui qui connaît convenablement le vrai et le faux ; le bien et le mal ; le beau et le laid ; le juste et l’injuste ; et qui tient même quand il est seul.

L’instant le plus délicat et le plus important de l’éducation est le passage de l’adolescence au monde adulte. Et c’est à ce moment décisif, où l’on confie un enfant à des chefs de 22 ans environ (j’ai été moi-même chef de troupe à 21 ans, généreux mais sans expérience), à des chefs qui n’ont aucune expérience de la vie, aucune vraie connaissance des enfants qui leur sont confiées, les coupants du père de famille, qui s’il est bien formé, est seul capable de bien diriger son enfant.

Ensuite qu’est-ce qu’un chrétien à 100% ? J’ai vu des protestants et des laïcs scouts se convertir. Malheureusement il leur reste beaucoup de leurs années protestantes ou laïques et de leurs idées protestantes ou laïques. N’ayant pas connu de scoutisme musulman, je ne sais s’il y a eu de vraies conversions.

Cette idée de la progression, 5, 10, 20, 50% fait que l’on se satisfait vite et que souvent, on arrête vite la progression, faisant des « demi-chrétiens » comme disait le R.P. Vallet après dom Guéranger, une civilisation de demi-chrétiens.

Par les Exercices de saint Ignace, j’ai appris que l’on combat, par l’examen de conscience et la lutte contre le défaut particulier, surtout sur les 5, 10% qui manquent. C’est une tout autre approche.

 

Heureusement j’avais aussi découvert la Cité Catholique, la rue des Renaudes, les congrès de Lausanne et surtout Chabeuil et les Exercices de Saint Ignace. Ayant fait ma première retraite avec le fameux Père Barrielle, il m’a offert le Pour Qu’Il règne de Jean Ousset. J’ai été converti pour la vie. J’ai renouvelé ensuite ma retraite presque tous les ans.

Là seulement ou presque on y apprend par le Principe et Fondement la finalité de la vie, le salut éternel, et les moyens pour y arriver. Là on y apprend la méditation, la contemplation, l’oraison, l’examen de conscience, la lutte contre le défaut particulier ; L’appel du Christ-Roi ; Les deux étendards ; Les trois classes d’hommes ; l’élection ; et cette merveille que sont Les règles du discernement des esprits, si utile pour se guider à toute époque.

C’est ce qui manque aux jeunes générations, car sont rares les prêtres capables de prêcher cela. Les exercices nous permettent de comprendre et de vivre une vie chrétienne incarnée. On y apprend à aimer Dieu, spécialement par la méditation de la Passion. Car la religion Catholique est une religion Incarnée, pas intellectuelle ou philosophique. Notre religion est une religion d’actes, d’actes chrétiens, de choix, les mêmes depuis 2000 ans. La vérité ne peut changer. La Foi ne peut changer comme L’acte de Foi et le Credo, qui en sont le condensé, nous font le répéter. Et cette Foi nous procure la vie éternelle, fin de notre parcours sur la terre. Le catéchisme, celui de saint Pie X ou de Trente, et après Spirago et Gaume, que je préfère, devinrent ma référence de lecture, sans oublier, Le Libéralisme est un péché, La Royauté sociale de N.S.-J.C. etc.

 

J’avoue que je ne suis pas un passionné de la philosophie, connaissant les principes de base, mais je suis très réservé sur les thomistes. Toute ma vie j’en ai rencontré, conciliaires ou tradis, et tous avaient deux principes :

  1. Tous les autres thomistes n’ont rien compris ;
  2. Je suis le seul à avoir compris saint Thomas !

Préférant juger l’arbre à ses fruits plutôt que d’essayer de comprendre à partir des principes, je leur posais un exercice pratique, par exemple : l’homme en blanc est-il catholique ? ou la religion conciliaire est-elle la religion catholique ? avec une seule réponse : oui ou non. Que n’ai-je entendu !

C’est un peu caricatural, mais si peu.

 

Il y a deux sortes de fidèles, les combattants de la Foi et les consommateurs de sacrement, les catholiques blêmes, BLM (bourgeois, libéraux, mondains) qui sont le plus grand nombre et les plus redoutables. Au moment de la crise conciliaire, j’ai vu toutes ces familles, pieuses souvent, bien élevées, tout abandonner en peu de temps. Depuis longtemps elles ne donnaient plus de vocations, elles n’étudiaient plus leur religion, depuis longtemps elles étaient devenues tièdes. Dieu les a vomies ! On reverra la même chose avec les catholiques BLM de la “Tradition”.

 

Quand, en 1970, j’ai connu le R. P. Vinson, prêcheur des Exercices, il m’a appris qu’un libéral était le plus dangereux ennemi de la foi, et bien souvent, inconvertissable. Toute ma vie, je l’ai vérifié. La révolution conciliaire a réussi car elle n’a rencontré comme opposants que des libéraux, aujourd’hui encore.

 

J’étais un cas unique dans mon entourage, traité d’entier et d’excessif. Je vis tout le monde, fidèles et clercs accepter les réformes, ce qui s’avéra une apostasie. Une apostasie, sans rien comprendre et voir. Quel aveuglement ! C’était bien le mystère d’iniquité ! Les clercs n’avaient qu’un mot à la bouche, qu’ils nous répétaient sans arrêt : obéissez. Aujourd’hui, rien n’a changé.

 

Ayant dû faire mon service militaire, je suis parti en coopération, à Touggourt, au Sahara, comme professeur de mathématique et de sciences en première et seconde. Trois années scolaires qui m’ont permis de connaître le désert, l’Islam et surtout les textes conciliaires. Formé par la Cité Catholique, j’avais organisé un petit groupe d’études où nous étudiions les textes conciliaires. C’est pourquoi notre curé, le R. P. Raimbaud, Père Blanc, avec qui nous travaillions, deviendra le successeur de Mgr Georges Mercier, très médiatisé lors de Vatican II (et avec qui j’ai mangé souvent), seul connaissant bien les textes conciliaires. J’avoue que je n’avais pas une grande admiration pour les Pères blancs, préférant de beaucoup les Petites Sœurs du Père de Foucauld. J’étais au sacre de Mgr Raimbaud à Luçon, en 1958.

Cette connaissance des textes conciliaires m’a obligé à étudier ce que l’on croyait avant et pourquoi ces changements.

 

J’ai compris que l’apostasie du ‘concile’ était due à un aveuglement, juste châtiment de péchés en amont. Le ‘concile’ n’est pas le début d’une époque, mais la fin d’un temps, la conséquence de trahisons antérieures : modernisme, progressisme, et surtout manque terrible au devoir de direction des évêques qui, malgré la fonction que leur impose le sens du mot évêque, c’est-à-dire : surveillant, avaient prévariqué en laissant tout aller.

Tel est le rapide résumé de ma vie entre 20 et 30 ans : subir des nouveautés, des nouveautés, des nouveautés sans cesse dans l’Église. Et RÉSISTER !

 

* * *

 

Heureusement, n’ayant pas encore télé, internet, portables, nous avions du temps pour lire, pour discuter, pour étudier, pour réfléchir et pour choisir. On a tous choisi. Un chrétien ne subit pas, il choisit chaque dimanche d’aller au nouveau culte ou d’aller à celui de toujours. On a beaucoup prié, réfléchi, médité, passé des nuits blanches à se poser des questions, à choisir. Qui suivre ? On sentait bien que tout cela n’était pas normal. On avait lu saint Paul qui, très ferme, avait annoncé :

« Si un ange du ciel, vous annonçait un autre évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! Je l’ai dit, et je le dis encore maintenant : si quelqu’un vous annonçait un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! » (Galates I, 89)

 

Mais était-ce bien pour notre époque ? Tous, Papes, évêques, prêtres nous traitaient d’orgueilleux si nous osions même simplement poser une question. Tous ils donnaient l’exemple de l’obéissance et de la soumission. Comment avoir raison à un âge si jeune contre ces clercs que nous vénérions souvent ?

 

Très vite heureusement, quelques rares clercs commencèrent à réagir, à poser des questions, à résister et à s’opposer. Ils furent souvent précédés par des laïcs courageux et clairvoyants. Fallait-il encore les connaître !

 

Voici pour l’histoire une liste (bien sûr pas exhaustive) des auteurs et des bulletins, que j’ai connus (sans ordre chronologique ou d’importance) :

Mgr Lefebvre, Fideliter ; Mgr Guérard, Cassiciacum ; l’abbé Ricossa, Sodalitium ; Madiran, Itinéraires ; abbé de Nantes, la Contre-Réforme Catholique ; Mgr Thuc, Einsicht ; Paul Scortesco ; Duchochois, Lumière ; La Franquerie, Chiré, Lecture et Tradition ; Michèle Reboul, Monde et Vie ; abbés Lefèvre, Berto, Roul, La Pensée Catholique ; Marcel Clément, L’homme Nouveau ; Pierre-Michel Bourguignon, Didasco ; don Villa, Chiesa Viva ; Jean Ousset, Cité Catholique, Permanences ; Jean Daujat ; Louis Jugnet ; l’abbé Coache, Le Combat de la Foi ; Introïbo ; le Père Barbara, Forts dans la Foi ; l’abbé Zins, Sub tuum praesidium ; l’abbé Belmont ; Avrillé, Le Sel de la terre ; le Bulletin de l’Occident chrétien ; Félix Causas, Sous La bannière ; Myra Davidoglou, La Voie ; Chabeuil ; dom Augustin ; Arnaud de Lassus, l’Action Familiale et Scolaire ; Michel de Saint-Pierre, Credo ; Melle Lebaindre ; Luce Quenette, etc.

 

Mais aussi depuis :

La Voix des Francs ; Catholiques Semper Idem ; les frères Dimond ; l’abbé Schoonbroodt, Virgo Maria, Rore Sanctifica.

 

Il y a de tout dans cette liste y compris des combattants qui furent bons au départ mais qui finiront par apostasier.

 

Ainsi, une cinquantaine de meneurs ou de chefs de file débattaient dans ces bulletins, se critiquant, se répondant les uns aux autres, polémiquant, débattant, faisant partager leurs idées, leurs réflexions, leurs travaux, leurs découvertes pour permettre de voir clair dans cette guerre en grande partie occulte imposée par un ennemi violent. Ils ne furent pas d’égale importance, comme des abbés de Nantes (nous avons tous été Nantistes à une époque) ou des Madiran qui s’imposaient à tous, mais ils furent à l’origine de la découverte de nombreux auteurs anciens, de quantités de textes oubliés et fort utiles.

La Tradition, comme on l’appelait, a énormément travaillé. Il a fallu tout réapprendre car comme dit J. de Maistre : « l’histoire depuis trois siècles, n’est qu’une conspiration contre la vérité ».

 

La Tradition a obligé l’ennemi à parfois reculer, mais au final, ça ne l’a pas empêché d’avancer sans arrêt. Il a fini par s’imposer et à imposer ses réformes qui n’avaient qu’un seul but : détruire le passé.

 

Un livre exceptionnel (un pavé de 700 pages) vient, dernièrement, de faire le point sur ce combat, leurs auteurs, leurs opposants. Il s’impose par la qualité de son travail : Le réseau Rampolla et l’éclipse de L’Église Catholique,[2] par Henri Barbier, (Éditions Fatima-Christ-Roi, 2018). Il est indispensable à lire pour comprendre cette lutte gigantesque entre La Vérité et l’erreur, ou comme l’a si bien dit Mgr Delassus, LA CONJURATION ANTICHRÉTIENNE, le Temple Maçonnique voulant s’élever sur les ruines de l’Église Catholique.

 

Nous avions compris que la révolution conciliaire était le fait des clercs, des clercs seuls, qui au ‘concile’ apostasièrent, et qui, après le ‘concile’, imposèrent leur apostasie, nous laissant abandonnés, pauvres laïcs, victimes ou otages. On nous disait : ils ont grâces d’état. On a vu 2500 évêques, tous (à part une toute petite résistance), docteurs en philosophie ou en théologie ou en droit canon, tous formés dans le catéchisme le plus classique, tous apostasier, avec grâce d’état. Nous ne comprenions pas. Les laïcs désertèrent les églises et les clercs, religieux, religieuses défroquèrent[3]. J’avoue que quand j’ai vu mon aumônier scout poussant un landau et une femme à son bras, ce fut un choc terrible.

Dans les meilleures familles ce fut la débandade, de nombreux ménages divorcèrent, les enfants furent abandonnés aux prêtres révolutionnaires et engendrèrent des descendants révoltés. On voit où on en est aujourd’hui.

 

La découverte du message de La Salette, nous avait appris que la TSVM avait dès le 19 septembre 1846, repris les clercs et les clercs seuls, annonçant les trahisons futures. Elle avait même osé parler de cloaques d’impuretés, d’impuretés de mœurs ou de doctrine. C’était ce que nous voyions, ce que nous vivions.

 

De la lecture, des discussions, on dut passer à l’action, surtout dès 1970 où l’on voulut nous imposer la dite « nouvelle messe« . Assistant à la première nouvelle ‘messe’ dans mon église paroissiale, celle de Saint-Hilaire de Poitiers, voyant mon saint et vieux curé ne pas plier le genou après la consécration, je suis sorti immédiatement en disant : « ça jamais ! ». Et je n’ai plus jamais assisté à cette nouvelle ‘messe’.

 

 

Les églises très vite se vidèrent, ne laissant pas d’autres possibilités à ceux qui tenaient à faire leur salut, avec les mêmes sacrements que leurs pères, avec les mêmes sacrements de toujours, de construire des petites structures de défense, pour prier, prier intensément et recevoir les grâces nécessaires pour vivre en vrais chrétiens. J’ai donc bien connu ce démarrage, l’an 1 de la résistance. Quelle foi, quel enthousiasme, que de générosités. Je ne sais s’il y eut dans le passé un tel dévouement pour les très rares clercs qui résistaient.

 

Beaucoup de laïcs se mirent alors à créer des chapelles dites : « Saint Pie V » ou « Saint Pie X« , à chercher des prêtres pour les desservir et à faire connaître la Résistance aux fidèles pouvant être intéressés.

C’est ainsi qu’à Poitiers, je créais, dans la maison familiale, la première chapelle du refus. Nous fûmes obligés d’aller chercher des prêtres dans quatre départements limitrophes, n’en trouvant aucun dans la Vienne. Inutile de dire que les sorties de Messe étaient accompagnées de débats passionnés, car, sans arrêt, l’ennemi imposait ses nouveautés.

Soulignons que ce combat de la Messe fut souvent au départ l’œuvre de laïcs, les clercs résistant étant très peu nombreux et souvent pusillanimes.

Ce n’est qu’à partir de l’été 1976 que le nombre de clercs commença à augmenter. Enfin nous avions un chef, un évêque, qui avait compris la révolution conciliaire et qui s’y opposait. Nous étions compris et rassurés. L’homme est fait pour obéir, et nous pouvions obéir.

 

Vint donc Écône, qui dans un souci généreux voulut prendre en main toutes les chapelles résistantes, mais en commençant par jeter les vieux prêtres, et surtout les laïcs, combattants de la première heure. « Ôte-toi de là que je m’y mette« . Il faut avoir vécu ces années-là pour en parler. N’est-ce pas, M. l’abbé Aulagnier ? Et l’on revit le règne des clercs.

Nous étions enchantés de voir ces jeunes clercs plein de foi et de dynamisme qui enseignaient de vivre en état de grâce. Mais assez vite il fallut déchanter. Ils nous parlaient de l’Église des catacombes, mais bien vite on se rendit compte qu’ils préféraient l’Église des châteaux. L’argent les a pourris. Pas d’analyse de la situation, pas de réflexions pour comprendre comment on en était arrivé là, aucune leçon tirée : on fait comme avant ! On n’avait rien appris, on retomba dans les mêmes bêtises.

 

Mais nous, nous avions beaucoup appris. On découvrait des clercs bien souvent incultes sur beaucoup de points.

— que ce soit sur la vie de l’âme (Les trois âges de la vie intérieure) ;

— dans la direction de conscience ; même au confessionnal ;

— dans une foi chevillée au corps ;

— dans la connaissance de l’ennemi (démonologie, judéo-maçonnerie) ;

— dans la compréhension de La Révolution dite française, de ses causes, de sa suite ;

— dans l’analyse de Vatican II et de la révolution conciliaire, de ses causes, de sa suite ;

— dans l’enseignement du modernisme ;

— dans la place du pouvoir temporel, de son importance, de son fonctionnement ;

— dans le rôle de la vocation et de la mission de la France ;

— dans l’apostolat du Règne du Sacré-Cœur ;

— dans les sermons médiocres et sans fruits ;

— dans leur gestion du personnel, où, faisant comme avant, ils ne paient pas chrétiennement leur personnel ;

— dans l’usage révolutionnaire de la propriété : c’est à nous, on en fait ce que nous voulons ; c’est ainsi que j’ai vu des enfants renvoyés des écoles car la famille ne pouvait pas payer 50 € ; par contre on dépensait des milliers d’euros bêtement ;

— dans la formation des hommes, de vrais hommes virils, chefs de famille, combattants, dans ce monde de matriarcat, leurs devoirs envers leurs épouses et leurs enfants ;

— dans l’éducation des femmes, avec leurs devoirs particuliers, vis-à-vis de leur époux, de leurs enfants ;

— dans les devoirs des parents et des enfants ;

— dans les devoirs des supérieurs et des inférieurs ;

— dans les préparations au mariage, des insuffisances chroniques, d’où de nombreux échecs ;

— dans la sélection des vocations, où l’on sélectionne des prêtres plus par leur obéissance que par leur zèle, d’où un fort % de prêtres rejoignant la secte conciliaire (Fraternité Saint-Pierre, Institut du Christ-Roi, Institut du Bon Pasteur, ou diocèses) ;

— dans une formation matérialiste, course au bac, recherche de situation ;

— dans l’inexistence d’élites : rien de formés à l’Institut saint Pie X en quarante ans ;

— dans une ignorance abyssale, pour la plupart, des Pères de l’Église, et même de la sainte Écriture ;

— dans des insuffisances de l’enseignement des études ecclésiastiques, alors que le R. P. Aubry, félicité par saint Pie X qui a écrit : « il faut s’appuyer sur les travaux du R. P. Aubry, pour réformer les études ecclésiastique ».

— dans une méconnaissance du vrai rôle de la T.S.V.M. , de La Salette, de son message, osant même critiquer la T.S.V.M. ;

— etc. etc.

Toutes choses que nous avions appris avant, et qui nous firent découvrir des clercs trop souvent incompétents et prétentieux. Ils furent formés, comme avant, alors qu’avant s’était bien mal fini, d’où manque d’une réflexion et d’une recherche approfondie des causes de l’effondrement.

Nous redécouvrîmes l’orgueil des clercs et le mépris des laïcs. Nous n’étions supportés que pour les dons et pour leur confier nos enfants dans leurs écoles. Et rajeunis de cinquante ans, nous réentendîmes : Obéissez ! Obéissez !

 

N’est-ce pas la Fraternité Saint Pie X que Catherine Emmerich (qui dans ses visions nous avait fait découvrir la destruction de l’Église, en particulier par des clercs qui disaient où frapper) avait en vue, en disant :

« Après une autre vision, elle dit comment cette restauration serait entreprise par le clergé et les bons fidèles, dès avant la déroute de la franc-maçonnerie, mais alors « avec peu de zèle« . Ces prêtres et ces fidèles lui semblaient n’avoir ni confiance, ni ardeur, ni méthode.

« Ils travaillaient comme s’ils ignoraient complètement de quoi il s’agissait, et c’était déplorable.

« Déjà toute la partie antérieure de l’église était abattue, il n’y restait plus debout que le sanctuaire avec le Saint-Sacrement. J’étais accablée de tristesse ».

Heureusement la suite est d’une grande consolation :

« Alors je vis une femme, pleine de majesté, s’avancer dans la grande place qui est devant l’église. Elle avait un ample manteau relevé sur les deux bras. Elle s’éleva doucement en l’air, se posa sur la coupole et étendit sur l’église, dans toute son étendue, son manteau qui semblait rayonner d’or. Les démolisseurs venaient de prendre un instant de repos ; mais quand ils voulurent se remettre à l’œuvre, il leur fut absolument impossible d’approcher de l’espace couvert par le manteau.

« Cependant, ceux qui rebâtissaient se mirent à travailler alors avec une incroyable activité. Il vint des ecclésiastiques et des séculiers, des hommes d’un très grand âge, impotents, oubliés, puis des jeunes gens forts et vigoureux, des femmes, des enfants, et l’édifice fut bientôt restauré entièrement ».

 

Distributeurs de sacrement, ils ne formèrent que des consommateurs de sacrement. Demi-chrétiens, ils ne formèrent que des demi-chrétiens. Fini pour eux et pour les laïcs le combat de la Foi. On leur avait construit tout un petit monde, bien tranquille, avec chapelles, absolutions, messes, pèlerinages, retraites spirituelles pour les meilleurs, limitées à une vie intérieure sans vagues, écoles, séminaires, communautés diverses, hommes, femmes.

 

Que voulez-vous de plus ? Les quelques troublions qui voulaient plus, que ce soit dans les chapelles, dans les écoles, dans les séminaires (où on revenait à un libéralisme ancien, tout en se déclarant antilibéraux), ces quelques troublions étaient priés de se taire, de ne pas amener la division et souvent rejetés, oubliant que ce n’est pas celui qui dénonce l’erreur qui engendre la division, mais c’est celui qui enseigne l’erreur.

 

On faisait comme avant. La preuve en est que, bien qu’un travail immense de redécouverte des antilibéraux ait été faite, ait été éditée, ils n’en tinrent aucun compte, n’en parlant jamais. Que ce soit Écône, Verrua et autres formés dans le passé par Écône, tous se disent antilibéraux, mais aucun ne connaît et diffuse les livres antilibéraux.

 

Le pire est l’abbé Belmont. Il a dans sa chapelle l’éditeur de ces livres, il n’en parle jamais. Jamais, ô grand Dieu, il n’organisera une vente de ces livres pouvant former ses fidèles : ils pourraient découvrir que leur pasteur est bien très court sur des sujets importants pour les chefs de famille.

N’a-t-il pas un séminariste de troisième année, l’abbé Athanase Sauget, qui fait, avec sa permission et certainement ses conseils, tout un discours contre Mgr Gaume (disponible sur Internet), dans une pseudo-démonstration-philosophico-bouillie-bordelaise. Un séminariste de troisième année, contre un Mgr Gaume qui a mérité six Brefs de cinq Papes différents (à une époque où recevoir un Bref était considéré comme presque une auréole) et une encyclique de Pie IX sur ses travaux ! Quel sens de l’Église ! Et il faudrait préférer suivre cet abbé que Mgr Gaume ! C’est à hurler ! Quel orgueil monstrueux ! Honte à ce séminariste ! Et à son maître !

 

Alors, j’ai vécu l’effondrement de Chabeuil, de Fontgombault, de dom Augustin-Marie, de l’abbé Aulagnier, de l’abbé Laguérie, de l’abbé de Tanoüarn, du Père de Blignières, et de tant d’autres, qui éprouvés ont lâchés. J’ai pu vérifier cette phrase terrible de saint Paul :

« Car il est impossible pour ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, qui ont eu part au Saint-Esprit, qui ont goûté la douceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde à venir, et qui pourtant sont tombés, de les renouveler une seconde fois en les amenant à la pénitence, eux qui pour leur part crucifient de nouveau le Fils de Dieu et Le livrent à l’ignominie » (Hb vi, 4-6).

 

Voilà pourquoi il nous a fallu reprendre le combat.

 

 

 

 

 

Extrait du livre de Louis-Hubert Remy « JEAN VAQUIÉ par Louis-Hubert REMY » disponible aux ACRF :

https://boutiqueacrf.com/brochures/173-jean-vaquie-par-louis-hubert-remy-9782377520954.html

 

 

 

 

 

 


 

[1] Collège saint Gabriel, à Saint-Laurent-sur-Sèvre, éduquant suivant la spiritualité de saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

 

[2] Disponible dans notre Boutique Officielle des ACRF :

https://boutiqueacrf.com/livres/148-le-reseau-rampolla-l-eclipse-de-l-eglise-catholique-2e-edition-9782816204247.html ou par courrier aux ACRF, 50 ave des Caillols, 13012 Marseille ; 40 € franco (32 € + port).

 

[3] 135.000 en quarante ans : http://www.golias-news.fr/article5610.html (lien indisponible dorénavant)