ISIDORO MATAMOROS

LES BAPTÊMES COPTES MONOPHYSITES SONT TRÈS SOUVENT INVALIDES
L’anti Apostolicae curae
par Isidoro Matamoros
Janvier 2018
Isodoro Matamoros après son travail sur le baptême en anglais dans le nouveau rite conciliaire où la nullité de ces baptêmes est démontrée : http://blog.catholicapedia.net/v²-escroquerie/le-bapteme-conciliaire/ continue ses recherches et découvre ce qu’il en est des baptêmes coptes.
En annexe, suite aux travaux de Léon XIII, rappelons que les évêques catholiques anglais, depuis longtemps, obligeaient de rebaptiser les Anglicans qui se convertissaient à la religion catholique, accompagnant ce baptême d’une abjuration.
LES BAPTÊMES COPTES MONOPHYSITES SONT TRÈS SOUVENT INVALIDES
L’anti Apostolicae curae
par Isidoro Matamoros
Janvier 2018
Reprenons la déclaration commune des « papes » François-Tawadros II du 28 avril 2017 :
« Aujourd’hui nous, pape François et pape Tawadros II, (…) nous déclarons mutuellement que, dans le même esprit et d’un même cœur, nous chercherons sincèrement à ne plus répéter le baptême qui a été administré dans nos respectives Églises pour toute personne qui souhaite rejoindre l’une ou l’autre. »
Quarante-quatre ans après la Déclaration commune de leurs prédécesseurs Paul VI et le patriarche Shenouda III, le 10 mai 1973, le chef de la secte conciliaire François et le patriarche Tawadros II ont à leur tour signé côte à côté une déclaration commune, au terme d’une rencontre au patriarcat, au premier jour du voyage du « pape » en Égypte.
Dans cette déclaration commune, signée le 28 avril 2017 au Caire (Égypte), le « pape » et le patriarche copte monophysite mettent un terme à la pratique du « double baptême », consistant à rebaptiser les fidèles passant d’une église à l’autre.
Dans ce document, ils expriment leur volonté d’
« intensifier (leurs) efforts communs afin de persévérer dans la recherche d’une unité visible dans la diversité, sous la conduite de l’Esprit Saint approfondissons nos racines communes dans la foi apostolique en priant ensemble et en recherchant les traductions communes de la Prière du Seigneur et une date commune pour la célébration de Pâques ».
Mais, revenons au passé. Nous constatons avec étonnement qu’il y avait une époque, probablement jusqu’à Paul VI, où l’église Copte catholique rebaptisait strictement tous les convertis provenant du schisme monophysite. Eh ! oui !
ÉTUDES, revue jésuite, oct. 1976, article “œcuménisme au proche orient”, page 572 :
« Autre problème concret, très sensible en Égypte : la reconnaissance réciproque des sacrements, en particulier du baptême et du mariage. Depuis la fin du siècle dernier, les coptes catholiques avaient adopté la pratique de rebaptiser sous condition tous les coptes orthodoxes qui voulaient entrer dans l’Église catholique. Pratique humiliante pour les personnes concernées, car cette manière d’agir équivalait à les considérer comme n’étant même pas chrétiens. Pour l’Église copte orthodoxe elle-même, c’était comme une injure : cette Église, qui a maintenu sa foi et sa fidélité tout au long d’une histoire souvent très difficile, voyait pratiquement mis en doute le fondement même de son existence. Cette attitude des coptes catholiques a eu comme conséquence une réaction analogue de la part des orthodoxes. Ils ont mis en question la validité du baptême catholique et ont adopté, à une période assez récente, la pratique de rebaptiser tous les catholiques qui se joignent à leur Église, à l’occasion de mariages mixtes ou autrement. Un tel durcissement réciproque, dépourvu de tout fondement théologique sérieux, suscite évidemment des méfiances et des ressentiments qui ne se laissent pas surmonter du jour au lendemain. Au cours des dernières années, les catholiques ont adopté une attitude plus souple et plus éclairée, mais la réaction orthodoxe restait très vive, encore récemment, … »
Citons encore une autre source :
G. Giamberardini. « La Réitération du baptême des coptes qui reviennent à l’unité catholique», dans « Proche-Orient Chrétien n° 2 (1952) p. 214-242 ; n° 3 (1953), p. 119-144, 306-322 ».
Il faut savoir que les coptes orthodoxes (monophysites) pratiquent deux rituels différents de baptême.
- Le rituel court, avec une forme comme celle des catholiques.
- Le rituel long dans lequel la forme était regardée comme trithéiste ou tridynamique par l’Église catholique.
Les monophysites pratiquent toujours ce dernier encore aujourd’hui, comme on peut le voir dans cette vidéo :
À chaque immersion le prêtre dit :
- « Je te baptise au nom du Père. Amen. »
- « Je te baptise au nom du Fils. Amen. »
- « Je te baptise au nom du Saint-Esprit Consolateur. Amen. »
Pourquoi est-ce invalide ?
Cela représente une multiplication de noms, alors que le nom de Dieu doit être prononcé au singulier. Un seul nom, une seule substance de trois personnes divines (saint August. in Johann. tract. 6,9 ; saint Thomas, III q.66 a.5 ad 6 : « Bien qu’il y ait trois noms personnels pour les trois Personnes, il n’y a pourtant qu’un seul nom essentiel. Or la puissance divine qui agit dans le sacrement, appartient à l’essence. C’est pourquoi on dit « au nom » (singulier), et non pas « aux noms » (pluriel). » ; Nicolas Gihr, page 266, (et Gihr se réfère en plus à la théologie morale du Père G. Antoine S.J. dans une note de bas de page).
Ils ont encore une autre manière de conférer le baptême et celle-là est pire : 4min 50sec :
- « Béni soit Dieu le Père. Amen. »
- « Béni soit son Fils unique notre Seigneur Jésus-Christ. Amen. »
- « Beni soit le Saint-Esprit Consolateur. Amen. »
Selon la doctrine des papes Alexandre III et VIII, c’est invalide (Denz. 398 ; DH 757) :
« Si quelqu’un plonge un enfant trois fois dans l’eau au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, Amen, et qu’il ne dit pas : « Je te baptise au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, Amen », l’enfant n’est pas baptisé. »
Denz. 1317, contre les jansénistes ; DH 2327, proposition condamnée 27 :
« Il fut un temps où un baptême conféré sous cette forme : « Au nom du Père, etc. », en omettant « Je te baptise », était valide. » Mais, Denz. 1321, censure d’Alexandre VIII : condamnées et prohibées comme étant, selon le cas, téméraires, scandaleuses, malsonnantes, proches de l’hérésie, sentant l’hérésie, erronées, schismatiques et hérétiques.
Conclusion
- Cette façon de flatter les monophysites avait commencé avec la promulgation du nouveau rituel des sacres par Paul VI en 1968, dont il assurait que son texte était toujours « magna ex parte » pratiqué parmi les coptes et les syriaques. C’est peut-être une autre histoire, mais c’est très lié.
- La trahison faite par Paul VI la même année en livrant les reliques de saint Marc au patriarche monophysite d’Alexandrie.
- L’invitation du patriarche Chénouda III par Paul VI en 1973 à Saint Pierre de Rome pour réciter ensemble le Credo de saint Athanase, suivie d’une déclaration commune le 10 mai :
« En accord avec nos traditions apostoliques transmises à nos Églises et conservées en elles, et en conformité avec les trois premiers conciles œcuméniques, nous confessons une seule foi en l’unique Dieu. Un en trois Personnes, la divinité du Fils unique incarné de Dieu, deuxième Personne de la Sainte Trinité, Verbe de Dieu, splendeur de sa gloire et image fidèle de sa substance, qui s’est incarné pour nous en prenant pour Lui-même un corps réel avec une âme raisonnable, et qui avec nous a partagé notre humanité, à l’exclusion du péché. »… « La vie divine nous est donnée et est alimentée en nous par les sept sacrements du Christ dans son Église : le baptême, le saint chrême (la confirmation), la sainte eucharistie, la pénitence, l’onction des malades, le mariage et les saints ordres. »
- En 1974, fondation d’une commission mixte que avait pour but d’enlever les points qui scandalisaient les monophysites depuis assez longtemps. Par exemple, la non-reconnaissance des faux sacrements monophysites. Parce que, si le baptême valide manque, les autres sacrements sont invalides.
Il faut savoir que le choix des nouveaux évêques coptes est fait par le patriarche. Vu que les coptes aiment les cérémonies longues, le choix du rituel long de baptême qui contient la forme invalide, n’est pas rare. Pendant cette longue histoire de 1500 ans de monophysisme, il aurait suffi qu’un non-baptisé prenne le siège d’Alexandrie pour remplacer tous les évêques monophysites en Égypte par ses propres créatures, il mettrait ainsi fin à la succession apostolique.
Bien que le baptême valide ne soit pas nécessaire pour garantir les baptêmes à venir (car même un non-baptisé peut conférer le baptême), il est cependant absolument nécessaire à la validité des autres sacrements, y compris les ordres. Nous tenons donc que les monophysites n’ont plus de ministres ordonnés dans un sens catholique.
- La cinquième étape est l’adoption des coutumes monophysites au niveau du baptême pour l’église Copte-catholique. SVP, ne demandez pas à Notre Dame d’Égypte proche de la station de Métro « Chapelle », comment ils font leurs baptêmes ! ! !
- Enfin, n’oublions pas le message d’Eugène IV à l’adresse des coptes monophysites dans la Bulle sur l’union avec les coptes et les Éthiopiens, « Cantate Domino », du 4 février 1442 (1441 selon le comput de Florence) :
« Elle [la très sainte Église romaine, fondée par la voix de notre Seigneur et Sauveur] croit fermement, professe et prêche qu’aucun de ceux qui se trouvent en dehors de l’Église catholique, non seulement païens mais encore juifs ou hérétiques et schismatiques ne peuvent devenir participants à la vie éternelle, mais iront « dans le feu éternel qui est préparé par le diable et ses anges » Mt 25,41 à moins qu’avant la fin de leur vie ils ne lui aient été agrégés ; elle professe aussi que l’unité du corps de l’Église a un tel pouvoir que les sacrements de l’Église n’ont d’utilité en vue du salut que pour ceux qui demeurent en elle, pour eux seuls jeûnes, aumônes et tous les autres devoirs de la piété et exercices de la milice chrétienne enfantent les récompenses éternelles, et que personne ne peut être sauvé, si grandes que soient ses aumônes, même s’il verse son sang pour le nom du Christ, s’il n’est pas demeuré dans le sein et dans l’unité de l’Église catholique. »
Enfin rappelons que le nouveau rituel des sacres épiscopaux issu de Vatican II a été étudié sérieusement par le site Rore-Sanctifica (http://www.rore-sanctifica.org/) qui a démontré d’une façon définitive, irréfutable (et jamais réfutée) que ce rituel n’est pas douteux mais est ontologiquement, CERTAINEMENT, invalide selon les enseignements irréformables du Magistère.
P. S. Pour ceux qui maîtrisent l’allemand, consultez le document complet par Isidoro Matamoros :
ANNEXE :
QUE PENSER DES BAPTÊMES ANGLICANS ?
On enseigne habituellement que n’importe qui peut baptiser, à condition que celui qui baptise ait la même intention que celle de l’Église. Malheureusement les Anglicans ne voulaient pas faire ce que voulait l’Église et les évêques anglais, très tôt, le comprirent, obligeant de rebaptiser ceux qui, venant de l’Anglicanisme, se convertissaient à la Foi Catholique.
LA CONTROVERSE
revue des objections et des réponses en matière de religion
Sous la direction de M. J.-B. JAUGEY
tome troisième, 1882, premier semestre, p. 208-227
Vintage-Book – Controverse Revue – 1882 – Volume 3
LES ORDRES ET LE BAPTÊME DANS L’ÉGLISE ANGLICANE
L’ORDRE DE LA CORPORATE UNION
LA RÉVISION DE LA VERSION ANGLICANE DU NOUVEAU TESTAMENT
Le public anglais s’intéresse vivement aux discussions religieuses. Plusieurs revues leur sont exclusivement ou principalement consacrées ; d’autres font à ces questions une place plus ou moins large; les journaux mêmes les traitent souvent dans des articles de fond ou dans des lettres. Ajoutez les essais, les traités, les livres sur ces matières, qui paraissent chaque année en grand nombre et trouvent toujours des lecteurs.
Ce noble peuple n’est pas tellement absorbé par l’industrie et le commerce qu’il n’ait souci de ce qui concerne l’âme et les choses divines. Depuis que le schisme l’a jeté hors de la doctrine véritable, il la cherche avec une curiosité inquiète par le libre examen. Chacune des innombrables sectes qu’il nourrit prétend la posséder, l’expose à sa manière et défend son opinion contre toutes les autres ; en sorte qu’en ce pays la controverse est prodigieusement diverse et ondoyante et qu’il n’est point facile d’en donner une idée claire et complète.
La vieille querelle de la légitime succession des évêques et de la validité des ordinations dans l’église Anglicane n’est pas encore éteinte ; elle s’est même ranimée dans ces derniers temps. On sait quelles graves objections les docteurs catholiques soulèvent à ce sujet. Tout l’épiscopat anglican dérive de Matthieu Parker qui sous le règne d’Élisabeth occupait le siège archiépiscopal de Cantorbéry et qui en raison de cette dignité consacrait tous les évêques du royaume. Or, Parker n’était pas évêque. Barlow qui fut son consécrateur avait-il reçu lui-même le caractère épiscopal ? Cela est fort contesté. Nommé évêque de Saint-Asaph, il passa au siège Saint-David avant d’avoir été consacré ; cela résulte de l’acte de sa confirmation pour ce dernier siège, le registre porte qu’il était alors simplement prêtre, in ordine sacerdotali constituto. Fut-il consacré depuis ? Jamais on n’a pu fournir une preuve certaine de cet acte important. M. Haddan soutient que de cet argument négatif on ne peut rien conclure (Apostolical Succession in the Church of England, by the Rev. A. W. Haddan, B. D), et M. Nicholson, touchant cette question en passant, ne fait que citer cet auteur (Apostolical Succession in the Church of Sweden by the Rev. A. Nicholson, LL. D. Incumbent of Christ Church, Leamington). Mais les arguments positifs ne manquent pas : on les trouve développés dans un ouvrage classique du chanoine Estcourt sur les ordres anglicans (The question of Anglican Orders).
D’ailleurs il est douteux qu’il ait fait sérieusement la consécration de Parker. D’après d’anciens témoignages la cérémonie aurait eu lieu à Cheapside, dans une taverne. Lingard et le chanoine Estcourt accordent aux anglicans qu’elle se fit dans la cathédrale de Lambeth ; cependant le récit officiel qu’on en lit dans les registres présente plus d’une difficulté ; ce rite singulier que les évêques assistants auraient été consécrateurs avec Barlow, qu’ils auraient avec lui imposé les mains et prononcé les paroles sacramentelles, semble être une circonstance arrangée après coup pour répondre aux catholiques qui niaient que Barlow fût évêque.
Mais soit : admettons que Barlow était évêque et qu’il a consacré Parker. Quel rituel a-t-il suivi dans cette consécration ? Le rituel d’Édouard VI. Eh bien, la forme prescrite dans ce rituel pour la consécration épiscopale ne sauve pas l’essence du sacrement. Cette formule fut rejetée de tous les évêques qui avaient été ordonnés sous Henri VIII selon le rite romain. Le Courayer, l’avocat bien connu de la validité des ordinations anglaises, est forcé d’en convenir. « Il est constant, dit-il, que sous Élisabeth les catholiques anglais refusèrent de reconnaître Parker pour évêque, aussi bien que ceux qu’il avait consacrés : Sanderus, Stapleton, Harding et tous ceux qui ont écrit contre les anglicans, en fournissent des preuves authentiques. »
À ces difficultés les anglicans répondent bien quelque chose, opposent quelques témoignages. Dans un petit livre où il a condensé en deux cents pages tout ce qu’il a pu ramasser de plus fort en faveur de l’anglicanisme et contre l’Église catholique (Plain reasons against joining the Church of Rome. London, 1880), le docteur Littledale passe rapidement sur cet endroit dangereux, et prenant l’offensive : C’est, dit-il, la hiérarchie anglo-romaine fondée par Pie IX en 1850 qui est elle-même schismatique. Et il lui applique les canons qui condamnent les évêques intrus. Une autre preuve qu’elle est anti canonique, c’est un crime affreux dont elle s’est rendue coupable. Écoutons un moment M. Littledale ; aussi bien nous occuperons-nous quelque jour de son livre, il est bon de faire dès à présent sa connaissance.
« Une portion considérable du clergé anglo-romain, dit-il, est composée d’ecclésiastiques ou de laïques qui ont quitté l’Église d’Angleterre. Ils ont tous été rebaptisés ; non pas seulement un ou deux, dans tel ou tel cas lorsqu’il pouvait s’être élevé un doute raisonnable sur la valide administration du sacrement, mais le baptême a été réitéré dans tous les cas : ce qui montre la folle détermination d’en méconnaître toujours la validité. Or, en recevant une seconde fois le baptême, les convertis n’ont pas seulement commis un sacrilège suivant la doctrine romaine (Cat. conc. Trid. ii, ij, 56), mais ils ont encouru, aussi bien que ceux qui les ont rebaptisés et tous ceux qui ont pris part à la cérémonie, la peine d’irrégularité, et sont devenus pour toujours incapables de remplir une fonction ecclésiastique quelconque, lors même qu’ils n’auraient pas su qu’ils avaient déjà été baptisés, “attendu qu’en consentant à un crime si énorme (res nefanda, immanissimum scelus) ils ont crucifié de nouveau « Jésus-Christ »” (André, Droit canon, au mot Irrégularité).Tous les sacrements administrés par ces ecclésiastiques convertis sont donc, d’après les principes romains, nuls, sans valeur et sacrilèges. » (Plain reasons etc. p. 215).
Ainsi raisonne M. Littledale, docteur en droit civil et en droit canonique.
Tous les ministres anglicans ne partagent pas, tant s’en faut, la confiance de cet aventureux canoniste. Plusieurs d’entre eux, affligés de voir l’abaissement, la confusion et l’isolement, où leur Église est tombée, ont résolu d’unir leurs efforts pour remédier ce triste état de choses. Dans ce dessein ils ont fondé au sein de cette église une société que d’autres appellent une secte, mais qu’ils ont nommée, eux, un « ordre, l’ordre de la Corporate Reunion », c’est-à-dire de la réunion en un corps. Depuis quelque temps on parlait de cette société sans savoir au juste ce qu’il en était ; elle s’enveloppait d’un certain mystère. Mais au mois de novembre dernier un article de la Nineteenth Century, revue très autorisée en Angleterre, souleva une partie du voile. Il était signé par le docteur Fréderic-Georges Lee, ministre de Lambeth, auteur d’ouvrages estimés, qui passe pour être un des membres principaux et des fondateurs de l’ordre nouveau.
Nous apprenons par l’article du docteur Lee que cet ordre, préparé par un synode tenu à Londres, a été fondé deux mois plus tard dans la même ville, le 8 septembre 1877, qu’il se recrute exclusivement dans l’église Anglicane et qu’il a déjà des membres et des fonctionnaires dans la plupart des diocèses de cette même église. Il reconnaît sincèrement les maux profonds dont l’anglicanisme est dévoré, et il croit avoir enfin trouvé un moyen efficace de les guérir : deux choses d’un très grand intérêt pour nous.
Ces maux, quels sont-ils ? Dans un document pour ainsi dire officiel les chefs de l’ordre les ont résumés en six points :
- Extrême confusion dans l’organisation et la discipline de l’église Anglicane.
- Diversité grave dans son enseignement doctrinal.
- Sa juridiction spirituelle tombée.
- Sa liberté spirituelle perdue.
- Incertitude au sujet des sacrements, provenant de la honteuse négligence qui a longtemps prévalu dans l’administration du baptême.
- Manque d’une succession incontestée dans l’épiscopat.
Les quatre premiers points sont exposés avec éloquence dans le Pastoral de l’ordre : c’est le nom donné à l’acte où les principes de l’ordre ont été formulés, acte qui fut accepté après mûr examen au synode de Londres dont nous avons parlé, promulgué le 8 septembre 1877 du haut des degrés de la cathédrale de Saint-Paul, envoyé à tous les évêques doyens et représentants de la Convocation ou assemblée officielle du clergé de l’anglicanisme, au Saint-Père et a beaucoup de prélats et de théologiens catholiques distingués. En voici quelques passages.
« Sans entrer dans des détails inutiles, il suffira de dire que les choses en sont venues à un tel point que toute trace d’existence en corps distinct a complètement disparu de l’Église. On le voit par le mode de nomination, par ce qu’on appelle « élection » et « confirmation » des évêques, par le scandaleux serment d’hommage exigé d’eux à leur entrée en charge ; par l’érection de nouveaux sièges et la division de sièges anciens, comme pour Oxford et Peterborough au XVIe siècle, dans des temps plus rapprochés de nous, Ripon, Saint-Alban et Truro ; par la manière de pourvoir à ces nouveaux sièges au moyen de simples lettres patentes royales ; et tout récemment par la loi pour règlementer le service divin dans les églises, loi qui autorise tout Anglais, baptisé ou non, à se faire l’accusateur du clergé de sa paroisse.
« Dans toutes ces circonstances l’indépendance de l’Église comme corps distinct a été de propos délibéré et effectivement traitée comme n’existant pas ; et cette silencieuse mais monstrueuse révolution a eu pour complices tous les évêques sans exception. La prétendue « suprématie royale » qu’on donnait à l’origine comme une simple revendication des anciens droits de la couronne, n’est plus maintenant qu’un prétexte dont se couvrent les ennemis de l’Église pour en agir avec elle comme il leur plait, pour faire servir ses propres institutions à l’avilir de plus en plus, à la ruiner et à renverser le christianisme lui-même. Ces choses ont été faites ouvertement, à la face du ciel et sont connues de tous les hommes. » (Pastoral, pp. 7, 8)
L’ordre de la Corporate Reunion proteste énergiquement contre ces abus. Il proteste aussi
« contre la négligence tolérée qui domine dans la manière d’administrer le baptême : contre la coutume de confirmer sans le saint chrême et de conférer, suivant un rite incomplet, un sacrement encore en usage dans l’Église d’Angleterre ; enfin contre l’abolition totale de la pratique apostolique d’oindre d’huile les malades, ce qui amoindrit les privilèges spirituels de chaque personne baptisée et la prive au moment de la mort d’une partie importante de son légitime héritage. » (Pastoral. p. 9.)
Que le sacrement de baptême ait été souvent administré dans l’anglicanisme avec une négligence déplorable, dit le docteur Lee, cela n’est hélas ! que trop vrai. Cette négligence va toujours croissant, sauf dans la Haute Église, qui n’est qu’une minorité, et il est probable que le mal ne fera qu’empirer à l’avenir. Les preuves abondent.
« Le baptême, dit le cardinal Newman, est la condition préalable sans laquelle nul autre sacrement ne peux être conféré validement. Quand j’étais dans l’église Anglicane ce que j’ai vu de fautes commises dans l’administration du baptême, sans mauvaise intention je le veux bien, même par les membres de la Haute Église, suffit pour me jeter dans une grande inquiétude. » (Anglican Sacerdotalis m. Letter by John H. Newman)
M. W. Bennett, ministre de Frome, homme d’une grande expérience et ritualiste intrépide, témoigne que les choses ne se passaient guère autrement dans le dernier siècle.
« Le baptême, comme sacrement, écrit-il, avait presque disparu du milieu du peuple anglais. On apportait dans les églises des bassins vulgaires, tandis que les fonts baptismaux étaient changés en pots à fleurs pour les jardins du presbytère. On pouvait se demander dans bien des cas si l’eau, lorsqu’on en faisait usage, touchait réellement l’enfant qu’il s’agissait de baptiser. Souvent on altérait en les récitant les prières qui dans le rite du baptême exprimaient la doctrine de la régénération, ou on les omettait entièrement. Souvent l’eau n’était pas bénite ou consacrée ; on mutilait à dessein toute la cérémonie pour esquiver la doctrine qu’elle renfermait. » (The Church and the World : article, “Some Results of the tractarian movement of 1833”, by William Bennett. London, 1867)
L’auteur du Churchman’s Guide to Faith and Piety, feu M. Robert Brett, après avoir recommandé dans le texte de verser l’eau trois fois lorsqu’on baptise, et de ne pas asperger, ajoute en note : « Les parents et les parrains doivent exiger que l’on procède ainsi, car l’aspersion légère et faite à la hâte que reçoivent beaucoup d’enfants laisse douter s’ils ont été réellement baptisés avec de l’eau suivant le précepte du Christ » (p. 721). À ce propos le Month rapporte un fait qui montre combien cette précaution est sage.
« Nous avons entendu, dit le P. Clarke, un ministre anglican nous raconter que son prédécesseur, dans une paroisse de campagne, baptisait du haut de la chaire du lecteur par des aspersions qui rarement atteignaient au-dessous de lui les enfants portés dans les bras de leurs mères ou de leurs marraines. »
Voilà trois témoignages bien forts contre les deux dernières générations. Poursuivons. Tout récemment, au congrès de l’église de Swansea, un ministre de Winchester, M. Seymour affirma qu’il y avait dans le peuple une négligence lamentable du sacrement de baptême. C’est à peine, ajoutait-il, si dans l’église d’Angleterre un dixième de la population des grandes villes est baptisé. En ce point l’Angleterre est au dernier rang des nations chrétiennes, sauf peut-être l’Amérique où c’est encore pis (Guardian, 8 octobre 1879). En effet, d’après le témoignage d’un ministre du Massachussetts, dans telle église paroissiale protestante il n’y a pas eu de baptême d’enfant depuis vingt ans. Non loin de New-York, dans une florissante église presbytérienne de faubourg, trois enfants seulement ont été présentés pour le baptême en douze mois (Guardian, 28 janvier 1880).
Mais revenons à l’Angleterre. Pourquoi s’étonner de cette négligence, quand des ministres même attachent fort peu d’importance au baptême ? L’un pour consoler les parents d’un enfant mort sans baptême, l’ensevelit avec les cérémonies réservées pour les chrétiens (Guardian, 15 octobre 1879). L’autre admet à la cène ceux mêmes de sa paroisse qu’il sait n’être pas baptisés. Cette indifférence est commune chez les Wesleyens (Church Times. 9 avril 1880).
Un habitant de Leicester compulse les registres de cette ville pour les trois années 1877-78-79, et il trouve que sur 14,229 naissances il n’y a eu que 9,218 baptêmes, y compris ceux des adultes chez les Baptistes.
Un rapport lu dans une conférence du clergé et du peuple à Winchester, en 1880, constate que dans les quatre années 1876-1879 il y a eu, sur cent naissances à Portsmouth, 45,8 baptêmes ; à Southampton, 66,8 ; à Winchester, 79,6 ; à Ringwood, 67,3 ; dans l’île de Wight, 58,3. Le nombre total des naissances pour ces quatre ans a été de 35,707 ; le total des baptêmes enregistrés dans les églises, de 19,919 ; en somme 55,7 baptêmes sur cent naissances.
Dans les grandes villes manufacturières et dans les pays de mines la proportion du nombre des baptêmes à celui des naissances est encore plus faible. À Birmingham, à Cardiff, à Newcastle-sur-Tyne, à Nottingham et à South Shields, elle n’est pas de 14 pour 100. Dans l’immense ville de Londres, d’après un travail sérieux publié par le Reunion Magazine, sur cent enfants qui naissent il n’y en a que dix-sept qui reçoivent le baptême. Et encore, parmi ceux qui le reçoivent, combien hélas ! le reçoivent invalidement !
Renvoyons donc le Dr Littledale au Dr Lee qui lui expliquera pourquoi les protestants convertis au catholicisme sont baptisés sous condition, à moins qu’ils n’aient une preuve indubitable de la validité de leur baptême.
S’il règne tant d’incertitude sur le baptême des anglicans, LA VALIDITÉ DE LEURS CONSÉCRATIONS ÉPISCOPALES DEVIENT PAR CELA SEUL DOUTEUSE [quid de Richard Nelson Williamson ? Ndr CP], et quand même la chaîne par laquelle leur épiscopat se rattachait à la succession apostolique n’aurait pas été interrompue au XVIe siècle, ils ne sont plus sûrs maintenant de sa continuité. Cette réflexion avait frappé il y a longtemps le cardinal Newman.
« Sans doute, écrivait-il, on peut montrer des anglicans dont le baptême est certainement valide. Mais mon argument ne porte pas sur les baptêmes d’à présent. Les évêques n’ont pas été baptisés à cette époque récente, mais au temps de leur enfance. Les évêques actuels ont été consacrés par d’autres évêques, ceux-ci par d’autres encore. Après ce que j’ai vu dans l’église Anglicane il m’est bien difficile de soutenir qu’il n’y a jamais eu, dans aucun cas, un évêque consécrateur non baptisé. Quelques évêques venus du nord avaient été nourris dans le presbytérianisme, d’autres étaient dissidents, d’autres appartenaient à la Basse Église, d’autres avaient été baptisés avec la négligence autrefois si commune. Il y a donc bien des raisons de croire que quelques consécrateurs n’étaient pas évêques par cette simple raison qu’à proprement parler ils n’étaient pas chrétiens. » (Anglican sacerdotalism. l. c.).
À ce très grave motif de douter que le caractère épiscopal se soit conservé dans l’anglicanisme le Dr Lee en ajoute un autre, c’est l’incurie avec laquelle on y accomplit le rite de la consécration. Il donne de cette incurie une preuve frappante, irrécusable, qu’il tire de la vie de Robert Gray, évêque de Capetown et métropolitain de l’Afrique, publiée par son fils, le Révérend Charles Gray. Ce prélat étant en Angleterre prit part à une cérémonie où trois évêques furent consacrés, ceux de Bangor, de Sainte-Hélène et de Brisbane. Il y eut un sermon excellent ; les évêques de Londres et de Llandaff firent la présentation ; l’archevêque de Cantorbéry, les métropolitains de Sidney et de Capetown reçurent le serment de leurs nouveaux suffragants respectifs, tout alla bien excepté l’imposition des mains que l’archevêque fit avec une extrême négligence, en ne prononçant qu’une fois les paroles. Et sur tant d’évêques présents il n’y en eut pas un qui pût ou voulût faire remarquer et réparer une faute qui mettait en risque l’essence du sacrement.
Les fondateurs de l’ordre de la Corporate Reunion ne se sont pas dissimulés les plaies de l’anglicanisme ; ils les considèrent avec douleur et les confessent avec franchise. Est-il vrai qu’ils en aient trouvé le remède ? Nous l’allons voir.
Ils se sont dit que, pour rentrer dans le catholicisme et s’y faire une position inexpugnable, trois choses étaient nécessaires et suffisantes : professer la vraie foi, posséder en entier tous les sacrements, renouer si bien la chaîne de la succession apostolique que sur ce point ni l’Église d’Orient ni celle d’Occident n’aient rien à objecter.
Premièrement donc, par un acte solennel, « ils ont pris pour base de leur ordre la foi catholique telle qu’elle a été définie par les sept conciles généraux reconnus par toute l’Église d’Orient et d’Occident avant le grand et déplorable schisme, et reçue dans le symbole des Apôtres, le symbole de Nicée et le symbole de saint Athanase ». Ils déclarent « qu’ils adhèrent sans réserve aux sublimes doctrines ainsi établies aussi bien qu’aux principes de constitution et de discipline ecclésiastiques posés et approuvés par les sept conciles généraux susdits ». En outre, « en attendant que l’Église universelle se soit expliquée sur ce sujet, ils acceptent toutes les décisions dogmatiques communes au concile de Trente et au synode de Bethléem sur la doctrine des sacrements » (Pastoral, p. 12, 13).
Voilà pour la foi. Quant aux sacrements, ils ont reconnu que le baptême étant la porte de tous les autres, ils devaient avant tout s’assurer qu’ils l’avaient réellement reçu ; en conséquence, tous les membres de l’ordre qui n’ont pu fournir de leur baptême une preuve directe, bien claire et concluante, ont été rebaptisés sous condition. Un simple certificat tiré des registres ordinaires, vu la négligence avec laquelle ce sacrement indispensable est conféré dans l’anglicanisme, a été regardé comme une preuve insuffisante. Pour la confirmation, qui dans l’Église officielle n’est qu’une sorte de catéchisme ou de rénovation des vœux du baptême, ils ont adopté un rite qui a reçu, disent-ils, l’approbation des théologiens les plus renommés de l’Orient et de l’Occident. La messe est rétablie ; le jour de la fondation de l’ordre elle a été célébrée en anglais suivant l’ancien rite de Salisbury abandonné depuis trois cents ans et plus. Ils ont repris l’usage de conserver la sainte Eucharistie pour les malades. Enfin ils se sont fait un pontifical en anglais, contenant des rites pour l’ordination d’un sous-diacre, d’un diacre et d’un prêtre, suivis d’un autre pour la consécration d’un évêque.
Il paraît que tous ont reçu la confirmation et que les ministres ont été ordonnés prêtres par celui ou ceux d’entre eux qui avaient reçu le caractère épiscopal. Des témoignages authentiques de tous ces actes, portant la signature d’autorités civiles reconnues au Foreign Office sont entre les mains des chefs de l’ordre et pourront au besoin être produits lorsque l’église établie sera séparée de l’État, privée de ses dîmes et que l’heure désormais prévue de sa ruine aura sonné.
Tout cela s’est fait assurent-ils, sans qu’aucun des canons universellement reçus dans l’Église ait été violé, sans qu’il y ait eu la plus légère atteinte portée aux droits d’un diocèse quelconque, sans qu’un évêque ait à se plaindre de la moindre intrusion. « Cela peut paraître étrange, dit M. Lee, mais ne laisse pas d’être rigoureusement vrai ».
Comment les chefs de l’ordre ont-ils obtenu ce résultat « étrange » ? C’est un secret qu’ils n’ont point jugé à propos de révéler. Néanmoins il en a transpiré quelque chose.
« Le bruit a couru parmi les catholiques, dit le Month, que, pour éviter toute difficulté de juridiction territoriale, ces messieurs avaient persuadé à trois évêques, un grec, un janséniste et, assurait-on, un romain, de s’embarquer avec eux sur un vaisseau nolisé tout exprès, et qu’arrivés au milieu de l’Océan, bercés sur le sein de l’abîme immense, ils ont fait la cérémonie qui les met en état de défier tous les contradicteurs qui leur contesteraient les dons sacrés attachés au caractère sacerdotal. À la vérité, cette circonstance qu’ils se seraient vantés d’avoir eu parmi leurs consécrateurs un évêque romain, montre qu’il y avait dans ce récit quelque chose de louche. Aucun évêque catholique n’aurait pu faire un tel acte sans forfaire au serment qui le lie au Pontife de Rome, et ils auraient, pensons-nous cherché en vain dans le monde entier un évêque apostat qui eût consenti à leur prêter son ministère. Mais on convenait généralement que sauf en ce point le récit était exact ; que trois industrieux ministres anglicans s’étaient introduits d’une manière ou d’une autre dans le vrai sacerdoce, et que les mains d’un évêque oriental ou janséniste, véritable évêque bien que schismatique, s’étaient posées sur leurs têtes et leur avaient conféré le pouvoir d’offrir validement (non pas légitimement) le sacrifice de la messe. C’était aussi le sentiment général qu’un d’eux, peut-être tous les trois, étaient devenus évêques, et l’on nommait les sièges (d’anciens sièges bretons, s’il nous en souvient) qui leur avaient été attribués. »
Ainsi s’expliquerait le passage suivant d’une lettre écrite au Dr Lee « par une autorité de l’ordre de la Corporate Reunion » qui signe « Lawrence, évêque de Caerleon », lettre qui est rapportée tout au long à la suite de l’article de la Nineteenth Century :
« Par des moyens absolument légitimes et honnêtes, y est-il dit, et sans nous permettre rien qui pût porter le moindre préjudice à l’état ministériel ou sacerdotal du clergé de l’Église établie, nous avons été mis à même d’obtenir une succession qui par un usage discret et charitable peut avec le temps faire disparaître entièrement tous les doutes au sujet de la validité des ordres de l’Église d’Angleterre. »
De son côté le Docteur Lee assure que l’ordre de la Corporate Reunion a partout en Angleterre une organisation parfaite au moyen de laquelle les personnes qui appartiennent à l’Etablissement peuvent être d’abord faits d’une manière certaine et valide membres de l’Église de Dieu, et ensuite fortifiés par les sept sacrements de l’Église universelle.
Comment ces promesses ont-elles été accueillies en Angleterre ?
« De temps à autre une âme hésitante, un esprit oscillant entre l’erreur et la vérité, désireux d’être éclairé, mais incapable de distinguer la lumière de la Pentecôte d’avec les pâles contrefaçons de l’hérésie moderne, s’est adressé à tel ou tel de ces ministres en possession d’un véritable épiscopat. Il exposait ses doutes sur l’anglicanisme : on s’efforçait de le rassurer en lui disant que, s’il n’était pas sûr du fait de la succession des évêques dans sa religion, il n’était pas nécessaire qu’il reniât l’Église de son baptême ni qu’il courbât le front devant un prêtre ou un pontife étranger ; car ils avaient, eux Anglais et anglicans, les pouvoirs sacrés dont il avait besoin, et ils offraient de lui donner des preuves si évidentes de leur consécration que les romains les plus fanatiques n’oseraient pas les contester » (The Month).
II y a donc quelques adhérents, mais infiniment plus de contradicteurs. Les objections sont venues des anglicans et des ritualistes, elles sont venues des catholiques.
Les anglicans ont crié à la trahison. Comment ! du sein de leur Église il s’élève des voix qui lui contestent ses plus précieux avantages, qui dénoncent comme incertaine la succession apostolique de ses évêques, qui l’accusent d’avoir supprimé la plus grande partie des sacrements, dissipé l’héritage sacré du Christ et laissé perdre ses dons divins, d’avoir accepté le joug d’une honteuse servitude, et par l’extrême négligence qu’elle a tolérée dans l’administration du baptême, fait douter non seulement si ses ministres sont prêtres, mais encore si ses enfants sont chrétiens ! L’évêque de Londres a prononcé dans sa cathédrale de Saint-Paul un long réquisitoire contre l’ordre de la Corporate Reunion et son entreprise « extravagante ». À quoi le docteur Lee répond que ce prélat ne peut refuser aux promoteurs de l’union religieuse la liberté de développer leurs idées et d’exécuter leur plan tout en restant dans l’Église établie, puisqu’il y souffre des ministres connus pour être calvinistes, luthériens, ariens, irvingites, swedenborgiens, ritualistes ou francs-maçons, que leurs discordes publiques et leurs controverses doctrinales n’empêchent pas de former un seul corps et de jouir paisiblement de leurs bénéfices.
Les ritualistes font au nouvel ordre une guerre de plaisanteries et de sarcasmes. Les plus sérieux arguments qu’ils lui opposent sont les deux suivants.
Premièrement, puisqu’il nie la juridiction légitime (ou légale, lawful) des successeurs de saint Augustin dans la province de Cantorbéry et de saint Paulin dans celle d’York, il est rebelle à l’autorité catholique. — N’oublions pas que les anglicans se vantent d’être catholiques à leur manière, non pas catholiques romains, mais catholiques sans épithète.
Secondement, le nouvel épiscopat qu’il introduit est destitué de toute juridiction spirituelle, et par conséquent schismatique.
La réponse de M. Lee au premier reproche des ritualistes est pleine de réticences et d’ironie. On comprendra la portée de ses paroles si l’on veut bien se rappeler que son parti proteste contre le serment prêté au souverain par les évêques le jour de leur consécration et contre l’ingérence du pouvoir royal dans les choses spirituelles. Mais non, dit-il, « il n’est pas vrai que l’ordre de la Corporate Reunion ait jamais nié en aucune manière la juridiction légale (lawful) du docteur Tait (archevêque de Cantorbéry) ou du docteur Thomson (archevêque d’York). La seule juridiction légale que ces dignitaires revendiquent ou possèdent est celle qui leur est donnée par la loi, je veux dire la loi du pays. Cette juridiction (ils l’ont tous deux publiquement déclaré) vient en Angleterre de la Reine, source de toute juridiction. En prêtant le serment d’hommage chacun de ces prélats a dit en pleine connaissance de cause :
« Je N. déclare que Votre Majesté est la seule souveraine gouvernante de son royaume dans les choses spirituelles et ecclésiastiques,… et, je reconnais que je tiens ledit épiscopat, aussi bien que tous ses droits spirituels et temporels, uniquement de Votre Majesté. »
On a avancé avec autant d’ignorance que de hardiesse que « droits spirituels » veut dire ici « droits temporels ». À cela quelqu’un a répondu fort à propos que s’il en est ainsi « droits spirituels » voudra dire « droits temporels » ce qui remet la chose en son état primitif, c’est-à-dire que la juridiction de tous les évêques, comme ils l’admettent eux-mêmes sans difficulté, vient uniquement et tout entière du souverain. « Pas un être raisonnable ne peut nier cela, pas un membre de l’ordre de la Corporate Reunion ne songe à le contester ». Ainsi parle le docte ministre de Lambeth. En d’autres termes, les évêques anglicans n’ont qu’une juridiction légale, telle qu’ils peuvent la recevoir de la souveraine autorité politique ; ce n’est pas une juridiction ecclésiastique.
Mais les évêques du nouvel ordre, de qui donc tiennent-ils leur juridiction ? M. Lee l’indique dans sa réponse à la seconde objection :
« Ils ne se sont attribué, dit-il, d’autre juridiction que celle qui leur est accordée par la société qui les a chargés de la gouverner. Au reste, ajoute-t-il, de ce qu’un évêque n’a point de juridiction spirituelle il ne s’ensuit pas qu’il soit schismatique. »
Cette dernière proposition est vraie : la juridiction peut être refusée ou retirée à un évêque sans qu’il cesse d’être catholique ; autrement il faudrait dire que saint Grégoire de Nazianze devint schismatique le jour où s’immolant pour la paix de l’Église il se dépouilla de toute sa juridiction et descendit du trône épiscopal de Constantinople.
Quant à la « juridiction » que la société de la Corporate Reunion accorde à ses chefs, comme une société littéraire ou industrielle se soumet aux présidents qu’elle s’est choisis, ce n’est pas une autorité spirituelle, épiscopale et divine ; nous n’y pouvons voir qu’une autorité de l’ordre temporel et d’une origine tout humaine. Mais les ritualistes n’ont rien à répliquer parce qu’ils se figurent que le pouvoir des clefs, au lieu de descendre du Vicaire de Jésus-Christ aux divers degrés de la hiérarchie, remonte au contraire de la multitude chrétienne aux ministres.
Les controversistes catholiques ont bien choisi leur point d’attaque. La société de la Corporate Reunion s’est donné un but essentiellement pratique : elle veut agir plutôt que discuter. Qu’est-ce en effet qu’elle se propose ? Deux choses: rendre aux anglicans les dons divins dont ils sont privés par la perte des sacrements et rentrer dans l’unité de l’Église catholique. Si la voie qu’elle a choisie au lieu de la conduire au but désiré, l’en détourne, son entreprise est mal conçue, son ingénieuse invention n’est qu’une nouvelle duperie du prince des ténèbres.
M. Lee répond au premier argument, qu’il prouve trop : « car, dit-il, si c’est un péché de donner sous condition la confirmation et les ordres, il s’ensuit que c’est un péché de baptiser sous condition ». Le docteur anglican s’est mépris. Nul catholique ne fait difficulté d’admettre qu’on peut administrer sous condition la confirmation et les ordres aussi bien que le baptême lorsqu’il y a de graves raisons de douter si ces sacrements ont été validement conférés. La question n’est pas là. Il s’agit de savoir si les ordres ont pu être donnés à des ministres anglicans par un évêque oriental, janséniste ou catholique sans que les saintes lois de l’Église aient été violées. Ils assurent qu’ils se sont arrangés de manière à ne transgresser aucun des canons reconnus par toute l’Église ; mais jusqu’à ce qu’ils aient fourni la preuve d’une affirmation si extraordinaire, on peut se dispenser de la croire. Si le récit du Month a quelque chose de vrai, s’ils ont imaginé de se mettre en dehors de tout diocèse pour ne léser les droits d’aucun, par quelle subtilité ont-ils tourné la loi antique, en vigueur dans l’église d’Orient comme dans celle d’Occident, qui défend à un évêque de faire des ordinations hors de son diocèse ? « Episcopus extra terminos suos incivitatibus et regionibus sibi non subjectis ordinationes facere non præsumito» (Can. ap. 34, al. 35). Comment un évêque catholique a-t-il pu croire possible de trouver sur la terre ou sur l’Océan une place où ne s’étende point la juridiction du Souverain Pontife ?
« Le second reproche adressé aux chefs de l’ordre de la Corporate Reunion, continue le Dr Lee, est tout simplement inexact, d’un ridicule qui saute aux yeux, de la pure rhétorique jetée au hasard : ils ont essayé de faire une Église nouvelle ! Mais c’est justement et précisément ce qu’ils n’ont pas fait. Il n’y a qu’Une Église — dans laquelle le P. Hutton et ceux qu’il condamne sont entrés également par l’unique porte — le baptême ». Si ce raisonnement était juste, s’il suffisait de recevoir validement le baptême pour être enfant de l’Église, les donatistes avaient droit de se dire catholiques et saint Augustin n’aurait pas dû leur refuser ce nom. Mais laissons la parole au Month :
« Nous accordons sans difficulté, dit le P. Clarke, que le baptême n’est pas seulement janua sacramentorum mais janua Ecclesiæ ; que nul n’est membre de l’Église visible de Jésus-Christ, s’il n’a été dûment baptisé ; que tous les petits enfants baptisés par qui que ce soit ont leur part des dons surnaturels et des grâces dont le trésor a été confié par Jésus-Christ à son Église visible sur la terre, et que s’il meurt avant d’avoir atteint l’âge de raison, il sera reçu dans le sein de Dieu et jouira éternellement dans le ciel de la vision béatifique ». Mais, ajoute-t-il, si cet enfant, devenu adulte, fait partie d’une des sectes qui sont hors du bercail de Rome, s’il n’obéit pas au Souverain Pontife, il n’est plus membre de l’Église de Jésus-Christ, il n’est plus catholique, tout baptisé qu’il est. Les autres sacrements qui pourront lui être conférés ne le rendront pas plus catholique qu’auparavant. Laïque, il reçoit réellement le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il se confesse à un vrai prêtre, il est confirmé par un véritable évêque ; prêtre, il dit validement la messe ; évêque, il donne la confirmation, les ordres, le caractère épiscopal est-il catholique pour autant ? Pas le moins du monde. Les pouvoirs spirituels qu’il a dérobés à l’Église n’empêchent pas qu’il ne soit rebelle au chef visible de l’Église et exclu de sa communion.
Le docteur Lee pourrait dire :
« Mais je ne suis point séparé de la communion de Rome. Je reconnais le pape comme mon supérieur légitime et me considère moi-même comme un prêtre romain. J’obéis, il est vrai, à l’évêque de Cantorbéry, mais non pas dans ce qui irait à l’encontre de Rome. Quand je demande à un évêque certain de me réordonner sous condition, je me mets dans l’état où mon supérieur légitime, le pape, veut que je sois. Je suis catholique, puisque je suis un chrétien baptisé, rendant au Souverain Pontife l’obéissance que je lui dois. Pour ce qui concerne Rome et Cantorbéry (ce sont les paroles mêmes du ministre anglican) je ne rejette les justes prétentions ni de l’une ni de l’autre, je reconnais les droits légitimes de tous les deux. Par le droit de mon baptême je suis un chrétien uni aux évêques de chacun d’eux. Ni l’une ni l’autre, que je sache, ne m’a retranché de sa communion. De fait, aucun chrétien baptisé ne peut être retranché du corps mystique du Christ sinon personnellement et par un jugement légitime et canonique. »
Le P. Clarke réfute sans peine ces subtilités. On peut être exclu de la communion de l’Église de deux manières, ou par une sentence canonique, ou sans procédure judiciaire, par ses propres actes, par exemple en faisant profession ouverte de schisme ou d’hérésie. Affirmer de propos délibéré une proposition condamnée par Rome comme hérétique ; s’associer de cœur et non pas seulement du bout des lèvres à un culte solennellement réprouvé par Rome comme une œuvre de schisme et d’hérésie ; se faire confirmer ou ordonner par un évêque en révolte contre le Saint-Siège, recevoir de ses mains la sainte communion, c’est se retrancher soi-même de l’Église visible de Jésus-Christ. Or les réunionnistes font tous les jours des actes pareils. Un ministre anglican qui dit être obéissant au pape, c’est une contradiction dans les termes. Il marche par une voie toute différente de celle du pape, et parce que le pape ne l’a pas déclaré nommément excommunié ou schismatique il croit n’être ni l’un ni l’autre : voilà qui est étrange. Qu’il demande au pape lui-même ce qu’il en est. La réponse ne sera pas douteuse.
Mais les clients du Dr Lee ont pour s’échapper une issue toute prête : ils en appellent à un concile général. Il n’en faut pas davantage pour qu’ils ne soient point catholiques. Ce vieux subterfuge de l’appel au concile général a été condamné par une douzaine de papes et par l’Église universelle réunie en concile ; y recourir, c’est nier la souveraine juridiction du Vicaire de Jésus-Christ et se mettre hors du bercail de l’Église.
Un catholique n’est pas seulement un homme qui croit aux sept sacrements, à la transsubstantiation, à la suprématie du Saint-Siège, au purgatoire, à l’Immaculée conception, qui prie la sainte Vierge et invoque les saints ; c’est un chrétien qui obéit de cœur aux décisions du Siège Apostolique, qui soumet son intelligence aux dogmes définis par le Souverain Pontife exerçant sa charge de Pasteur et Docteur de l’Église universelle. Il n’y a pas divers degrés de catholicité depuis l’infidèle ou le puritain jusqu’à l’anglo-catholique ou au grec : on est catholique ou on ne l’est pas ; entre le catholicisme et le schisme ou l’hérésie il faut choisir. Quand les réunionnistes feraient une congrégation séparée de l’église Anglicane, quand tous leurs pasteurs seraient prêtres et leurs sacrements de vrais sacrements, quand ils auraient tous les jours la messe dans leurs églises et qu’ils y recevraient réellement le corps et le sang du Sauveur, ils ne seraient pas plus catholiques, pas plus en communion avec Rome que les puritains et les méthodistes.
L’ordre de la Corporate Reunion a donc fait une vaine tentative ; est-elle du moins innocente ? Si elle l’était, dit le P. Clarke, elle pourrait nous faire sourire, mais nous la laisserions passer comme une aimable faiblesse de quelques hommes bien intentionnés et entreprenants qui font une expérience dont nous respecterions l’insuccès sans lui refuser notre sympathie et nos applaudissements.
Mais il n’en va pas ainsi. L’entreprise dont il s’agit, si l’on en a fait un rapport fidèle, n’est pas seulement inefficace pour l’union, elle y met obstacle ; elle n’est pas seulement une illusion de ses auteurs, mais elle se complique d’horribles sacrilèges. Il faut le dire, quoiqu’il nous en coûte, car ce serait rendre au docteur Lee et à ses amis un mauvais service que de leur cacher la vérité. À moins qu’ils n’aient l’excuse d’une ignorance invincible, ils se rendent coupables d’un péché dont ils n’ont qu’une faible idée. S’il faut avoir pitié des ministres anglicans non ordonnés qui prononcent leurs formules vides sur leur pain et leur vin, si l’évêque anglican fait une vaine cérémonie lorsqu’il met ses mains sur la tête de ses « candidats pour l’ordination », si la confirmation des anglicans n’imprime aucun caractère, si les paroles de leur absolution tombent des lèvres d’un homme qui n’a pas plus droit d’absoudre que les laïques qui l’entourent, quelle pitié n’aurons nous pas de ceux qui sans avoir été appelés, ni envoyés, ni autorisés, se sont jetés d’eux-mêmes dans les saintes fonctions du sacerdoce ! Chaque fois qu’ils disent validement une messe, que Jésus-Christ, fidèle à sa promesse, descend à leur voix sur l’autel, que leurs mains touchent leur Seigneur et leur Dieu, ils sont coupables… Le dirons-nous ? Mais encore une fois, pourquoi taire la vérité ? Ils sont coupables d’une effroyable insulte à leur Dieu. Espérons qu’ils ont une excuse dans leur ignorance et qu’on peut faire pour eux validement cette prière : « Ô Père ! pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Mais, qu’il y ait ignorance ou non, chaque communion qu’ils donnent, chaque action sacerdotale qu’ils accomplissent est au moins un sacrilège matériel ; le corps sacré de Notre-Seigneur est placé dans les mains d’un schismatique et d’un hérétique ; son sang est consommé par ceux que non seulement il ne reconnait pas comme siens, mais qui ne voulant pas se soumettre à son légitime Vicaire sur la terre ni obéir à ses représentants, ont cherché ceux qui l’outragent par l’abus des pouvoirs sacrés du sacerdoce, pour leur donner l’occasion de multiplier leurs outrages. Ils remédient à un schisme par un autre schisme bien plus grave que le premier. Est-ce là procurer l’unité du christianisme ? Non, c’est lui infliger une nouvelle déchirure. Est-ce remettre la branche morte en union avec l’arbre vivant ? Non, c’est la briser une fois de plus, tout en couvrant le nouveau fragment de feuilles et de fleurs qui ne lui appartiennent pas, mais ont été dérobées à l’arbre vivant et unies au rameau sec afin de cacher ainsi sa stérilité.
Ce vigoureux morceau est du Month. La même revue répond encore à ce que disent certains anglicans : « Si je ne croyais pas Notre-Seigneur présent dans nos temples ; tout aussitôt j’entrerais dans l’Église romaine ». Étrange raison en vérité ! dit-elle. S’il y était présent, ce serait un motif de plus de quitter une secte où des mains sacrilèges usent validement, mais illicitement des dons sacrés et surnaturels du sacerdoce. Si ce qu’on raconte sur l’ordre de la Corporate Reunion est exact, toutes les fois qu’un des ministres anglicans de cet ordre dit la messe et donne la communion, Jésus-Christ est présent, hélas ! Mais loin que cela serve à les rapprocher de l’Église catholique, la seule pensée que le Roi du ciel est présent dans leurs téméraires assemblées fait frémir tout catholique, et le repousse loin d’eux. Parce que l’arche de Dieu était présente au milieu des Philistins, ils n’en étaient pas plus Israélites. Loin d’être pour eux un bienfait, elle–était là pour leur malheur. La présence de Notre-Seigneur ne fut pas une source de grâces et de bénédictions pour les habitants de Bethléem, qui avaient fermé leurs portes à la Sainte Vierge et à saint Joseph; si elle fut janua cœli pour les petits Innocents (tout comme le baptême valide des réunionnistes ouvre le ciel aux petits enfants), leurs parents désobéissants n’y trouvèrent que deuil et malédiction.
La conclusion du P. Clarke est que l’ordre de la Corporate Reunion a tout simplement fondé un nouveau schisme, ajouté une secte de plus à tant d’autres qui combattent la sainte Église. Les auteurs et les coopérateurs de l’entreprise sont-ils coupables ou non ? Dieu seul le sait. Probablement, comme c’est l’ordinaire dans ces sortes d’assemblages, il y a eu un mélange de bons et de mauvais : quelques hommes droits qui aimaient Dieu dans leur cœur et qui soupiraient sincèrement après l’unité ; d’autres pleins d’orgueil et d’esprit de schisme, qui cherchaient (bien vainement !) à pénétrer dans la bergerie sans l’humble soumission, seule porte par où peuvent entrer dans l’Église catholique ceux qui ont grandi hors de son enceinte. Dieu connaît ceux qui sont à Lui. Quelques membres du nouvel ordre (puisse le docteur Lee leur donner l’exemple !) se soumettront — simplement et sans condition — à cette Chaire de Pierre vers laquelle plusieurs d’entre eux tournent des regards ardents d’espérance. Les autres, nous le savons bien, continueront à jeter leurs pierres aux catholiques tout comme aux ritualistes et aux puritains ; intrus dans le sanctuaire du Très-Haut, ils ne cesseront pas de profaner les saints mystères par la sacrilège consécration du corps et du sang de Jésus-Christ, d’assister et de participer au festin de l’Agneau sans porter la robe nuptiale qui n’est gardée que dans l’Église fondée sur le rocher de Pierre.
LA RÉVISION DU NOUVEAU TESTAMENT DE L’ÉGLISE ANGLICANE
Nos lecteurs n’ont pas oublié l’excellent article de M. J.-A. Faivre (La Controverse, 16 octobre 1881) sur la traduction anglicane révisée du Nouveau Testament. Elle continue à être l’objet de vives controverses dans le sein de l’Église établie. Les catholiques suivent avec intérêt ce débat parce que, dit le Tablet, un de leurs principaux organes, le livre traduit, est le plus important de tous les livres, parce que les traducteurs jouissent d’une haute réputation de savoir et que leur travail consciencieux laisse voir à chaque page qu’ils ont eu de grands égards pour l’autorité de la Vulgate. La question agitée en ce moment est celle que sir Edmond Beckett a prise pour titre d’une publication récente : La version révisée du Nouveau Testament doit-elle être autorisée ? (Should the Revised New Testament be Authorised ? by Sir Edmond Beckett ; Bart., LL. D. etc., London, 1882). L’auteur, tout en reconnaissant à cette œuvre un grand mérite d’érudition, ne pense pas qu’elle puisse avantageusement remplacer la version ancienne à laquelle toutes les oreilles sont accoutumées. Commuent est-ce que les réviseurs ont tenu leur promesse de toucher aussi peu que possible à la version reçue ? Sur 7,959 versets qu’il y a dans le Nouveau Testament, les changements dépassent le nombre de 36,000, c’est-à-dire qu’on en compte en moyenne quatre ou cinq par verset. Il s’ensuit ou bien que les premiers traducteurs ont commis des bévues sans nombre et ne méritent pas les éloges que les réviseurs leur ont donnés, ou que ces derniers ont fait une multitude de corrections sans nécessité et par pur caprice.
Un autre reproche que leur adresse sir Edmond Beckett, c’est d’avoir souvent gâté la belle langue de la vieille traduction par leur érudition intempestive.
« Malheureusement, dit-il, l’homme du monde le plus capable de les aider à écrire l’anglais qu’exigeait cette œuvre, n’a pas accepté l’invitation d’être un membre de leur société. C’est qu’il n’a pas, sur la traduction, tout à fait les mêmes idées que les réviseurs. Le cardinal Newman (car on le voit bien, c’est de lui que je parle) a écrit quelque part :
« S’il faut éviter avec grand soin d’introduire des idées nouvelles dans le texte original ou d’en omettre qui s’y trouvent, toutefois dans un livre destiné à être lu par tout le monde la fidélité doit consister à exprimer en anglais (en bon anglais, cela va sans dire) le sens de l’original. Les mots du texte en font pénétrer l’exacte signification, et l’érudition est nécessaire pour bien voir tout ce qu’ils peuvent donner ; mais ensuite, si la précision et la clarté exigent quelque sacrifice, il vaut mieux, dans une œuvre populaire, être compris des gens sans critique qu’applaudi par les critiques. »
« Rien de plus sensé que ces réflexions, elles ont à peine besoin d’être appuyées sur une si grande autorité littéraire. Les réviseurs, poussés par quelque mauvais génie, ont choisi l’autre membre de l’alternative et recherché l’approbation des savants : ils ont reçu leur récompense. »
Oh ! si le cardinal Newman donnait aux catholiques une nouvelle traduction anglaise de la Bible !
F. DESJACQUES