UN CATHOLIQUE PEUT IL
…OU DOIT IL S’ABSTENIR ?

Le point sur la question

Par Pierre Legrand.

Je veux revenir ici sur le grave problème de l’abstention. Pourquoi grave ? Parce qu’il constitue ce que l’on peut appeler une véritable apostasie vis à vis des bienfaits supposés que nous procure le suffrage universel, tous les millions de « rois de France » s’exprimant ainsi en vertu du dogme de la souveraineté populaire, dogme que l’on ne saurait remettre en cause sans verser obligatoirement dans l’hérésie formelle et constituée !

Ainsi ne craignons-nous pas de dire et d’affirmer qu’en régime démocratique, s’abstenir c’est mal et c’est pour le moins faire œuvre de rébellion ouverte vis à vis d’un régime qui nous apporte ses bienfaits et nous confirme à chaque élection dans l’exercice de notre souveraineté individuelle, une et indivisible.

D’aucuns vous diront que s’abstenir c’est le seul moyen de faire imploser le système de l’intérieur. Ce raisonnement est en partie vrai, seulement en partie, car il repose encore une fois sur l’expression ou la non expression d’un pouvoir thaumaturgique que ne maitrisent pas beaucoup les dites consciences citoyennes… Cette expression positive ou négative, pour pouvoir être validée, requiert de s’accorder avec la religion du nombre, car plus il y aura d’abstentionnistes, plus le régime tremblera(it) sur ses bases… Ce qui présuppose très démocratiquement une sorte d’éveil des masses, c’est à dire une conscientisation quasi mystique du plus grand nombre…! Ce vote en négatif ne sort pas des schémas systémiques qui en réalité sont tous sous-tendus par le dogme central de la souveraineté populaire en accord absolu avec la religion des droits de l’homme ! Remettre un tant soit peu ce dogme en cause, c’est en quelque sorte remettre instantanément sur son trône le Roi de France sacré à Reims !

Ainsi l’abstention devient-elle une sorte de remède miracle pour l’imaginaire collectif des réactionnaires (ce mot ici ne revêt aucune tonalité péjorative, je tiens à le préciser) ! Car même en imaginant — et ici l’imagination teintée d’espoir demeure reine — que l’abstention permette de faire imploser ce régime, rien ne dit que la solution archaïque, passéiste et historique soit en mesure d’être réalisable dans le contexte actuel de confusion et d’ignorance généralisée. Nos contemporains, en état de collapsus mental et spirituel ne sont pas prêts à accepter et même à conceptualiser un retour en arrière aussi brutal ! Cela me semble relever du rêve tout éveillé ! Ainsi, l’abstention se trouve ipso facto reléguée dans notre inconscient collectif comme un projet bénéfique mais qui reste impossible à actualiser faute de munitions et de soldats. En ce sens, s’abstenir suffira à certains pour assumer valablement leur volonté de nuire à un régime qu’ils exècrent, sachant bien que la plupart des abstentionnistes le seront pour des motifs nombreux et variés, infiniment moins nobles que leurs aspirations réactionnaires. Conscients qu’ils seront toujours impuissants face à la religion du nombre qui s’exprime même dans l’abstention, nos abstentionnistes réactionnaires continueront dans les nuées de leur imagination à attendre je ne sais quel miracle ayant trait, de près ou de loin, avec la Sainte Urne !

Il y a deux sortes de réactionnaires que par dérision amicale, je nommerai « démocrates » ! Ils sont tous deux des « sauveurs de la France » et l’on ne saurait remettre en doute leur sincérité et leur probité morale. Les premiers vont aller urner, au moins au premier tour, pour tenter de « sauver la France » ! Beaucoup d’entre eux voteront Éric Zemmour, quelques uns Marine Le Pen et moins encore pour Dupont-Aignan… ce sont à la fois des affectifs et des angoissés qui pensent que leur devoir sacré c’est d’aller au plus urgent et de bouter hors du royaume son ennemi le plus redoutable qui a déjà sévi pendant les 5 ans de son mandat électif… Ces réactionnaires là ont encore un lien, ténu certes, mais réel avec le système démo(n)cratique ; ils pensent qu’en user est légitime et que retourner les armes de l’ennemi contre lui-même relève d’une tactique qui aurait fait ses preuves… On cherchera dans l’histoire des républiques un exemple vraiment évident de cette pensée magique… Mais passons, car chez ces réactionnaires là l’imagination a durablement pris le pouvoir flattant habilement leurs egos impulsifs, affectifs et angoissés. Que leur candidat arrive, comme par miracle, au second tour et vous les verrez redoubler de foi et de gratitude en un système qu’ils honnissaient quelques minutes auparavant ! Si par malheur leur candidat est relégué à une place subalterne, ils feront alors amende honorable sur l’autel de leurs désillusions ! C’est comme ça ! Admirons chez eux l’amour inconditionnel de la France et l’authenticité de leur souffrance à voir cette dernière perdre tous ses titres de gloire, au premier rang desquelles figure en très bonne place celui de « Fille aînée de l’Église »…Ces réactionnaires là ont toute ma compassion et même si je ne partage pas avec eux leur posture qui fait la part trop belle au système, il ne me viendrait toutefois pas à l’idée de remettre en question dans mon esprit leur qualité de « réactionnaire » au sens le plus noble du terme…

L’autre catégorie de réactionnaires — abstentionnistes radicaux dans leur immense majorité — relève d’une toute autre approche psychologique. Tout comme les premiers ci-dessus évoqués, ces réactionnaires là n’ont plus depuis belle lurette aucune illusion sur la perversité intrinsèque du régime, de ses pompes et de ses dogmes… A priori, ils s’interdisent toutes les flatteries potentielles que pourraient leur apporter leur imagination, imagination qu’en bon catholiques instruits et cultivés ils savent être la porte principale d’entrée de l’Adversaire du genre humain. Ainsi, il n’y a en principe chez eux aucune place pour l’illusion intellectuelle. Nous verrons plus loin que c’est un peu plus compliqué en réalité ! Ces réactionnaires là sont psychorigides dès qu’on évoque ce qui leur tient le plus à cœur. Ils sont tous pour le drapeau blanc d’Henri V (Comte de Chambord) et ne comprennent pas que l’on puisse ne pas comprendre les raisons hautement profondes du prétendant au Trône… Pour eux la révolution est un bloc que l’on ne combat que dans l’absence de toute compromission. Ces réactionnaires là s’interdisent toute empathie coupable vis à vis de ceux qui ne partagent pas leur point de vue qui d’ailleurs s’appuie en très grande part sur la doctrine de l’Église et de ses Pontifes. Ce sont des dogmatiques et des « intégristes » au sens noble du terme encore une fois… Au cri de « Montjoie Saint Denis » ils participeraient volontiers à la bataille finale pour remettre le fils de Saint Louis sur le Trône de France. Chevaliers dans l’âme, ils ne se soucient pas du « qu’en dira-t-on » et considèrent la France moderne et révolutionnaire comme un cadavre spirituel qui ne demande qu’à être mis au tombeau. Pour eux, après quinze siècles de monarchie de droit divin, s’impose de façon absolu le choix de Dieu sur la France. Ainsi considèrent-ils total le renversement anthropologique et irréversible l’inversion métaphysique actée par la Révolution dite française et confirmée par le conciliabule dit de Vatican II, validant l’éclipse de l’Église annoncée clairement par Notre-Dame dans ses apparitions reconnues par l’Église.

L’abstention est pour eux la seule arme humaine qui leur reste ! C’est là que je veux faire mesurer à mes lecteurs le danger d’un hiatus qui peut intervenir dans l’analyse de la portée de l’abstention. Nos réactionnaires abstentionnistes ne voudraient à aucun prix être confondus avec la cohorte innombrable de ceux qui optent pour l’abstention pour des motifs bassement populaciers. Certes c’est très louable, en théorie ! Oui mais voilà, comment vont-ils se départir d’une considération obligatoirement numérique ? S’ils cèdent à la comparaison (en leur défaveur évidemment) ils retombent de facto dans le piège infernal du système qui privilégie à la fois le secret et la puissance du nombre ! Ainsi affirmer que s’abstenir c’est le seul moyen pour faire imploser le système, relève de la pieuse méthode Coué ! C’est l’imaginaire qui reprend le pouvoir et prête au bon peuple une éthique et des intentions qu’il n’a pas, n’a guère et même ne peut avoir… (nota P.L. : le peuple, dans un état chrétien, est fait pour être gouverné et non pour « gouverner » !!!)

Beaucoup, providentialistes de cœur autant que de doctrine, verront bien le piège et discerneront les limites de leur posture abstentionniste… Certains seront alors tentés, dans un ultime pied-de-nez au système, de rejoindre dans l’affolement de l’instant la position des premiers et de se ruer sur la première urne venue pour y cracher un bulletin vengeur comme le serpent crache son venin !

Les malheureux ! Ce faisant ils agiront follement, abdiquant d’un coup leurs sacro-saints principes et cachant dans le secret des urnes leur dérisoire débandade…

De quelque côté qu’on se tourne, il faut bien considérer que ces élections républicaines sont véritablement les bacchanales du Prince de ce monde et qu’il n’y a sur terre nul remède humain qui soit à même d’offrir une solution durable et conforme à la volonté divine.

Je vais bien sûr terminer ces longues réflexions par un constat d’amertume qui ne plaira ni aux uns ni aux autres, ancrés qu’ils sont dans leurs espoirs un peu fous et/ou leurs certitudes non inébranlables…

Combien de nos contemporains et a fortiori de nos frères dans la foi prennent en compte quand ils vont voter ou lorsqu’ils s’abstiennent la véritable économie du châtiment et en particulier du châtiment des nations ? Une infime minorité… Il n’y a plus de remède et nous devons nous préparer à la colère de Dieu qui pèse sur le monde… Les conflits qui sont aux portes de l’Europe devraient nous faire réfléchir à l’imminence éventuelle des châtiments, à la fois personnels et nationaux… Dieu est patient et se laisse toucher si on l’implore avec un cœur contrit… Mais comment pourrait-on penser vraiment que des élections républicaines aient le pouvoir de nous permettre de « Sauver la France » ??? Il est là le piège du Démon car en lui il n’y a qu’homicide et mensonge. Ces deux facultés démoniaques recouvrent en réalité des effets bien distincts et faciles à comprendre. Le démon est homicide dès le commencement car son but unique et ultime est la damnation du plus grand nombre ! Sa haine du genre humain est sans limite et nous serions tous damnés si Notre Seigneur n’était pas venu s’incarner pour nous sauver. Dieu est jaloux de Sa Gloire et ne supporte pas de la partager avec un ange déchu, même si cet ange fut, avant sa chute, le plus beau joyau de Sa Création ! Orgueil quand tu nous tiens !… Le « NON SERVIAM » du démon est le dogme principal, fondateur, si j’ose dire, du royaume infernal. Mais cela ne suffirait pas si le démon n’était pas aussi MENTEUR et Prince du mensonge ! C’est par le mensonge (et son corollaire l’imagination) que le Démon entraine les âmes vers les voies de perdition. C’est par le mensonge qu’il nous fait croire en la démocratie, qu’il nous fait révérer la souveraineté populaire et son âme damnée qu’est le suffrage universel et qu’il nous fait croire qu’aller mettre un bout de papier dans une urne va pourvoir « sauver la France » !!! Quelle dérision !

Ceux qui ont eu le courage de me lire jusqu’au bout repartiront « reboostés » ou abattus, c’est selon… Je leur conseille vivement de ne pas rabâcher mentalement la posture qu’ils auront adoptée pour ce dimanche d’élection mais de confier à Dieu, dans le secret de leur chambre et de leur cœur, leurs intimes espoirs et leurs vœux les plus pieux pour le royaume de France. Cette jachère diabolique ne durera pas mais nous devrons, comme notre Maître Bien-Aimé, faire au moins le trajet jusqu’au tombeau en portant notre Croix… qui risque d’être de plus en plus lourde au fil des ans…

Il n’y aura pas d’autre solution ! Adjutórium nostrum in nómine Dómini.

Sursum corda !

Pierre Legrand.