Il part au ciel pour nous envoyer l’Esprit Saint

Puissent les juifs comprendrent et se convertir !

À nous d’agir aujourd’hui pour être un des dix

 

 

DOM GUÉRANGER

 

L’ANNÉE LITURGIQUE, LE MARDI DES ROGATIONS.

Procession des Rogations à Sorgues

 

Les Supplications de l’Église continuent aujourd’hui encore, et l’armée du Seigneur parcourt pour la seconde fois les rues des cités et les chemins ombragés des campagnes. Joignons-nous-y, et faisons entendre ce cri qui pénètre le ciel, Kyrie eleison ! Seigneur, ayez pitié ! Songeons au nombre immense de péchés que chaque jour et chaque nuit voient se commettre, et implorons miséricorde. Aux jours du déluge, « toute chair avait corrompu sa voie » (Gen. VI, 12) ; mais les hommes ne songeaient pas à demander grâce au ciel. « Le déluge vint et les perdit tous », dit le Seigneur (Luc. XVII, 27). S’ils eussent prié, s’ils eussent fait amende honorable à la divine justice, la main de Dieu se fût arrêtée ; elle n’eût pas déchaîné sur la terre les cataractes du grand abîme (Gen. VIII, 2). Un jour doit venir aussi, où non plus les eaux, mais un feu allumé à la colère céleste s’élancera tout à coup, et il embrasera cette terre que nous foulons. Il brûlera jusqu’aux racines des montagnes (Deut. XXXII, 22), et dévorera les pécheurs qui seront surpris dans leur fausse sécurité, comme il arriva aux jours de Noé.

 

 

Mais auparavant la sainte Église, opprimée par ses ennemis, décimée par le martyre de ses enfants, réduite aux abois par les défections, dépourvue de tout appui terrestre, sentira que le jour est proche ; car la prière sera devenue rare comme la foi.

 

Veillons donc et prions, afin que ces jours de la consommation soient retardés, afin que la vie chrétienne si épuisée reprenne un peu de vigueur, et que ce monde vieilli ne s’affaisse pas en nos temps. Nous sommes encore partout, mais notre nombre a diminué visiblement. L’hérésie occupe de vastes régions où la catholicité fleurissait autrefois ; dans les pays épargnés par l’hérésie, l’incrédulité et l’indifférence ont amené la plupart des hommes à n’être plus chrétiens que de nom, et à enfreindre sans remords les devoirs religieux les plus essentiels ; chez un grand nombre de ceux qui remplissent encore leurs obligations de catholiques, les vérités sont diminuées (Ps. XI), l’énergie de la foi a fait place à la mollesse dans les convictions, des conciliations impossibles sont tentées et suivies, les sentiments et les actions des saints qu’animait l’Esprit de Dieu, les actes et les enseignements de l’Église sont taxés d’exagération et d’incompatibilité avec un soi-disant progrès ; la recherche des aises est devenue une étude sérieuse, la poursuite des biens terrestres une noble passion, l’indépendance une idole à laquelle on sacrifie tout, la soumission une honte qu’il faut fuir ou dissimuler ; enfin le sensualisme, comme une impure atmosphère, imprègne de toutes parts une société que l’on dirait avoir résolu d’abolir jusqu’au souvenir de la Croix.

 

 

De là tant de périls pour cette société qui rêve d’autres conditions que celles que Dieu lui a voulu imposer. Si l’Évangile est divin, comment les hommes en pourraient-ils prendre le contrepied, sans provoquer le ciel à lancer sur eux ces fléaux qui écrasent quand ils ne sauvent pas ? Soyons justes, et sachons convenir de nos misères devant la souveraine sainteté : les péchés de la terre se multiplient en nombre et en intensité d’une manière effrayante ; et pourtant, dans le tableau que nous venons de tracer, nous n’avons parlé ni de l’impiété forcenée, ni des enseignements pervers dont le poison circule partout, ni des pactes avec Satan qui menacent notre siècle de descendre au niveau des siècles païens, ni de la conspiration ténébreuse organisée contre tout ordre, toute justice, toute vérité. Encore une fois, unissons-nous à la sainte Église, et crions avec elle en ces jours : « De votre colère, délivrez-nous, Seigneur ! »

 

 

Une autre fin des Rogations est d’attirer la bénédiction de Dieu sur les moissons et les fruits de la terre ; c’est la demande du pain quotidien qu’il s’agit de présenter solennellement à la majesté divine. « Tous les êtres, dit le Psalmiste, élèvent avec espoir leurs yeux vers Vous, Seigneur, et Vous leur donnez leur nourriture en la saison convenable ; Vous ouvrez la main, et Vous répandez Votre bénédiction sur tout ce qui respire » (Ps. CXLIV).

 

Les Rogations

 

Appuyée sur ces touchantes paroles, la sainte Église supplie le Seigneur de donner, cette année encore, aux habitants de la terre la nourriture dont ils ont besoin. Elle confesse qu’ils en sont indignes par leurs offenses ; reconnaissons avec elle les droits de la divine justice sur nous, et conjurons-la de se laisser vaincre par la miséricorde. Les fléaux qui pourraient arrêter tout court les espérances orgueilleuses de l’homme sont dans la main de Dieu ; il ne lui en coûterait pas un effort pour anéantir tant de belles spéculations : un dérangement dans l’atmosphère suffirait pour mettre les peuples aux abois. La science économique a beau faire : bon gré, mal gré, il lui faut compter avec Dieu. Elle parle de Lui rarement ; Il semble consentir à se voir oublié ; mais « Il ne dort pas, celui qui garde Israël » (Ps. CXX). Qu’Il retienne Sa main bienfaisante, et nos travaux agricoles, dont nous sommes si fiers, nos cultures, à l’aide desquelles nous nous vantons d’avoir rendu la famine impossible, sont aussitôt frappés de stérilité. Une maladie dont la source demeurera inconnue fondra tout à coup, nous l’avons vu, sur les produits de la terre ; et ce serait assez pour affamer les peuples, assez pour amener les plus terribles perturbations dans un ordre social qui s’est affranchi de la loi chrétienne, et n’a plus d’autre raison de tenir debout que la compassion divine.

 

Et cependant, si le Seigneur daigne cette année encore octroyer fécondité et protection aux moissons que nos mains ont semées, il sera vrai de dire qu’Il aura donné la nourriture à ceux qui L’oublient, à ceux qui Le blasphèment, comme à ceux qui pensent à Lui et L’honorent. Les aveugles et les pervers, abusant de cette longanimité, en profiteront pour proclamer toujours plus haut l’inviolabilité des lois de la nature ; Dieu se taira encore, et Il les nourrira. Pourquoi donc n’éclate-t-Il pas ? pourquoi contient-Il Son indignation ? C’est que Son Église a prié, c’est qu’Il a reconnu sur la terre les DIX JUSTES (Gen. XVIII, 32), c’est-à-dire le contingent si faible dont Il se contente dans Son adorable bonté. Il laissera donc parler et écrire ces savants économistes qu’il lui serait si aisé de confondre. Grâce à cette patience, il adviendra que plusieurs se lasseront de courir ainsi les voies de l’absurde ; une circonstance inattendue leur dessillera les yeux, et un jour ils croiront et prieront avec nous. D’autres s’enfonceront toujours plus avant dans leurs ténèbres ; ils défieront la justice divine jusqu’à la fin, et mériteront que s’accomplisse sur eux ce terrible oracle : « Le Seigneur a fait toutes choses pour lui-même, et l’impie pour le jour mauvais » (Prov. XVI, 4).

 

Pour nous qui nous faisons gloire de la simplicité de notre foi, qui attendons tout de Dieu et rien de nous-mêmes, qui nous reconnaissons pécheurs et indignes de ses dons, nous implorerons, durant ces trois jours, le pain de sa pitié, et nous dirons avec la sainte Église : « Daignez donner et conserver les fruits de la terre : Seigneur, nous vous en supplions, exaucez-nous ! » Qu’il daigne exaucer cette fois encore le cri de notre détresse ! Dans un an nous reviendrons lui adresser la même demande. Marchant sous l’étendard de la croix, nous parcourrons encore les mêmes sentiers, faisant retentir les airs des mêmes Litanies, et notre confiance se fortifiera de plus en plus, à la pensée que, par toute la chrétienté, la sainte Église conduit ses enfants dans cette marche aussi solennelle qu’elle est suppliante. Depuis quatorze siècles, le Seigneur est accoutumé à recevoir les vœux de ses fidèles à cette époque de l’année ; nous ne voudrons plus désormais atténuer les hommages qui Lui sont dus, et nous ferons nos efforts pour suppléer, par l’ardeur de nos prières, à l’indifférence et à la mollesse qui s’unissent trop souvent, pour faire disparaître de nos mœurs tant de signes de catholicité qui furent chers à nos pères.

 

Nous ajouterons ici une prière empruntée à l’antique Liturgie gallicane, et composée à l’époque où la pieuse institution à laquelle sont consacrés ces trois jours était encore dans sa première ferveur.

 

CONTESTATIO

 

Vere dignum et justum est, te tota cordis contritione in jejunio laudare, omnipotens sempiterne Deus, per Christum Dominum nostrum. Qui nos mysteriorum tuorum secretis informans, pacificum nemus ore columbæ gestatum, Noe oculis ostendens, nobis de virente arbore crucis gloriosum signum expressit : quem columbæ species in Christi decoravit honore, cunctis colendum Spiritus sanctificatione demonstrans. Cujus animalis innocentia esse similes præoptantes, ab eoque sanctificari Spiritu, cujus ipse sumpsit speciem, exorantes ; in hoc jejunio triduana humiliatione instituto, invictum hoc signum cum plebium cuneis præferentes, atque Majestatem tuam psallencii modulatione laudantes, petimus, omnipotens Deus : ut accipias cuncta plebis vota, quæque quoquo ritu tibi reddit subjecta : et ita eos in hoc jejunio sanctifices, ut a cunctis mereantur exui peccatis.

 

Il est juste et raisonnable ô Dieu tout puissant et éternel, de vous offrir nos vœux, en accompagnant ce jeûne annuel de toute la contrition de nos cœurs, par Jésus-Christ notre Seigneur, qui étant venu à nous pour nous manifester la profondeur de vos mystères, nous a révélé le symbole qui fut offert aux yeux de Noé dans la branche de l’olivier pacifique que la colombe portait dans son bec, lorsqu’il nous a présenté le signe glorieux de la croix, qui est l’arbre verdoyant. Cet arbre, que la colombe mystique a dédié à l’honneur du Christ, elle l’a en même temps sanctifié par la grâce de l’Esprit-Saint, afin qu’il fût pour tous l’objet d’un culte religieux, et nous inspirât le désir de retracer en nous l’innocence de cet oiseau, et de recevoir la sanctification par le divin Esprit dont il figura un jour la présence. Nous offrons donc nos vœux dans ce jeûne et cette humiliation de trois jours, portant en tête des bataillons formés de fidèles le signe invincible de la croix, et faisant retentir dans le chant des psaumes la lou-ange de votre divine Majesté. Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, d’agréer tous les hommages que vous présente votre peuple et tous les rites sous les-quels il les exprime, et de nous accorder, au moyen de ce jeûne, la sanctification de nos âmes, en leur faisant mériter d’être affranchies de tout péché.

 

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Le lecteur continuera sa méditation par la lecture du texte des abbés Lémann :

 

Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ

 

Mgr Augustin Lémann, 1836-1909 et Mgr Joseph Lémann 1836-1915 ;

fils d’Israël ; Prêtres de Jésus-Christ

 

Eh bien, laissez-nous vous le demander à vous-mêmes : devant un pareil spectacle n’y a-t-il pas pour tout homme une raison d’honneur, disons plus une raison de justice qui oblige à ne point ratifier le jugement du Sanhédrin, avant d’avoir examiné par soi-même ce qu’était Jésus-Christ ?

 

 

L’OBJET DE CET ÉCRIT

 

Parmi les assemblées qui sont demeurées responsables devant la postérité, il en est une sur laquelle pèse une responsabilité exceptionnelle : c’est l’assemblée qui présida aux derniers jours de la vie nationale du peuple juif.

 

Ce fut elle qui fit comparaître et condamna Jésus-Christ.

 

Elle porte dans l’histoire un nom à part : on l’appelle le SANHÉDRIN.

Décret du Sanhédrin contre Jésus

Décret du Sanhédrin contre Jésus

 

Prononcer devant des Israélites ce nom de sanhédrin c’est rappeler, selon eux, l’assemblée la plus docte, la plus équitable, la plus honorable qui fût jamais. Malheur à celui qui oserait, en présence de ses coreligionnaires, émettre le moindre blâme à l’égard des hommes ou des actes de cette assemblée ; il ne serait pas moins coupable que s’il parlait contre l’arche d’alliance. Et cependant, la connaissent-ils à fond, les Israélites, cette assemblée qu’ils tiennent en si grande vénération ? Nous osons affirmer que non.

 

On les habitue dès l’enfance à la respecter ; mais ce qu’elle était, ce qu’elle a fait, ils l’ignorent. Ignorance terrible, imposée à dessein par le rabbinisme. C’est toujours le mot de Saint-Paul : la vérité captive (Rom., i, 18) !

 

Nous allons, avec le secours de Dieu, déchirer les voiles. Nos anciens coreligionnaires pourront enfin connaître la vérité. Des documents juifs de la plus haute importance et d’une authenticité irrécusable ont passé dans nos mains. Ils vont nous servir à faire connaître complètement ce que valait le sanhédrin.

 

 

La valeur d’une assemblée se révèle d’une double manière : d’abord par l’examen des personnes qui la composent, ensuite par l’examen des actes qu’elle produit.

Pour apprécier la haute assemblée juive au temps de Jésus-Christ, il nous faudra donc traiter successivement ces deux questions :

  • Premièrement, examiner ce que valaient, comme personnes, les membres qui la composaient ;
  • Deuxièmement, examiner ce que vaut, devant le droit hébraïque, sa procédure contre Jésus-Christ.

 

Donc : Valeur des personnes, Valeur des actes, telles sont les deux parties de cet écrit.

 

La première n’a jamais été entreprise. La difficulté de se procurer les parchemins juifs, de les déchiffrer, de les explorer pour retrouver çà et là des renseignements sur les différents membres qui constituaient le sanhédrin au temps de Jésus-Christ, a toujours arrêté les historiens. Aussi se sont-ils généralement bornés à juger de toute l’assemblée par deux personnages plus en relief, Anne et Caïphe.

 

La seconde a déjà été tentée, il y a trente ans, dans un opuscule intitulé : Jésus devant Caïphe et Pilate (Chez Garnot, Libraire éditeur, Paris, 1850). Ce travail est dû à la plume de l’honorable M. Dupin, ancien procureur général à la cour de cassation. Il l’entreprit pour réfuter l’Israélite Salvador, qui avait essayé de légitimer le jugement et la condamnation de Jésus[1]. L’écrit de M. Dupin est resplendissant de clarté, de science, et, l’on peut ajouter, de respect pour Jésus-Christ. Aussi est-on fondé à croire qu’il a mérité à son auteur cette franche profession de foi chrétienne faite, avant de mourir, entre les bras de l’archevêque de Paris (Mgr Darboy).

 

Toutefois le travail de M. Dupin, si lumineux soit-il, n’a pas épuisé la question. Nous osons espérer que le nôtre pourra y ajouter quelque chose.

 

Car, outre que M. Dupin n’a point examiné la valeur morale des membres du sanhédrin qui lui étaient totalement inconnus, il n’a révisé le procès de Jésus qu’à grands traits et d’une manière rapide, négligeant d’entrer dans tous les replis et les incidents du procès. On reconnaît à son travail le procureur général à la cour de cassation, à qui quelques énormités judiciaires ont suffi pour déclarer qu’un pareil jugement méritait évidemment d’être cassé. Pour nous, c’est pas à pas, dans tous ses détails, la législation juive à la main, que nous avons cru devoir reprendre le procès de Jésus. Nous le révisons en fils d’Israël.

 

De plus, dans le travail de M. Dupin, c’est l’action confuse du peuple juif et de ses chefs qui apparaît ; les degrés de culpabilité ne sont pas dégagés. Nous, dans notre travail, prenant à partie le sanhédrin, nous disons : « Voilà le grand coupable ! C’est lui qui a égaré le peuple juif ». Nous montrons alors les menées du sanhédrin dirigé par Caïphe.

 

Dans un autre travail, qui paraîtra plus tard, nous envisagerons également la part de responsabilité qui revient à toute la nation juive. Cet écrit aura naturellement pour titre : Le Sanhédrin avec le peuple juif devant Pilate.

 

 

 

 

 

 

[1] Histoire des institutions de Moïse et du peuple hébreu, T. I, liv. IV, ch. III : Jugement et condamnation de Jésus.