SAINTE JEHANNE D’ARC VIOLÉE ?
——— NON. JAMAIS.

Une mise au point importante
Je fus un des premiers lecteurs du livre Jeanne d’Arc, Le PROCÈS de ROUEN, de Jacques Trémolet de Villers, qui nous fit la dédicace suivante :
Pour Louis-Hubert et Marie-Christine Remy,
en souvenir d’une rencontre où ils m’ont
fait découvrir le Père J. B. Ayroles et la
perversité de l’Université de Paris,
Très amicalement
le 5 janvier 2016,J. T. V.

Je dévorais immédiatement son livre et appréciais ses commentaires de juriste et d’avocat sur le Procès de Rouen, sur les juges, et surtout sur sainte Jehanne d’Arc. Il nous faisait découvrir une dimension inconnue de l’amour de la France, de la fougue, de la ténacité, de l’humour, de la Foi, de la solitude, de l’importance des Voix, des souffrances, du martyr, du courage de cette grande sainte qui nous passionne tous les deux.
Je remarquais plusieurs oublis, peut-être inconnus de l’auteur et qui en est excusé ne pouvant parler de tout, Jehanne étant immense.
Par contre je fus choqué, très choqué, par la note de son préfacier Maître Olivier Sers qui écrivit (texte à l’identique) en note p. 8 :
« Viol consommé selon la déposition de Martin Ladvenu le 5 mars 1450 devant Guillaume Bouillé (Doncoeur III, p. 45) : — Item, idem loquens asserit quod sepedicta Johanna eidem revelavit quod in carcere illo post suam abjurationem fuit violenter multum infestata et oppressione et ejus corruptione etiam (Maître Olivier Sers : je souligne) a quodam magnate Anglicorum ».
En lisant ces lignes je fus scandalisé, ne les connaissant pas, ne les traitant que de « calomnieuses », sachant que la sainte Église avait canonisé Jehanne sous le titre de Vierge. Et j’oubliais ce passage.
Quelques jours après, une amie qui avait acheté le livre sur mon conseil m’appela pour me dire combien ces lignes l’avaient, elle aussi, scandalisée. Elle me demandait d’y répondre, mais je n’en avais pas le temps.
Mon épouse en juillet dernier (2017) se mit à lire le livre de Maître Tremolet, et elle aussi me fit part de son très vif étonnement et me reprocha de n’y avoir pas fait une réfutation. Toujours très sensible à la vérité, elle me dit combien de lecteurs ont dû être trompés et combien pour l’honneur de la Vérité, pour l’honneur de Jehanne et de la sainte Église, il était important d’étudier sérieusement cette accusation et si possible de la rectifier. Et elle me fit mettre au travail.
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J’allais d’abord consulter la référence : Doncoeur III, p. 45, que j’avais en bibliothèque. Le texte y était bien exactement cité (1). Mais je me penchais p. 44 sur la traduction du R. P. Doncoeur, qui dans son livre donnait le texte latin à droite aux pages impairs et la traduction à gauche aux pages paires, et je découvris :
« Item, le déposant affirme que Jeanne lui avait avoué que dans cette prison après son abjuration, elle fut assaillie très violemment par un grand seigneur anglais qui la voulait forcer et violer. »
Et le Père Doncoeur, pourtant latiniste distingué, n’ajoute rien. Il ignore le ejus corruptione etiam. Cette omission est importante et n’est pas une erreur, car le P. Doncoeur en 1956, connaît le jugement de l’Église qui la canonise comme Vierge (2).
Le cardinal Parocchi, l’un des ponents (3) de la cause, avait expliqué que
« Rome a voulu que Jeanne entrât dans la gloire des Bienheureux, comme elle était entré à Reims, par la grande porte ; elle a voulu que sa vie angélique tout entière fût examinée au grand jour et qu’aucun de ses détails ne restât dans l’ombre et n’eût un jour les critiques de la malveillance. » (4)
Le R. P. Ayroles dans La Vraie Jehanne d’Arc, tome V, p. 143 donne la déposition de Martin Ladvenu dans les mêmes termes : « un millourt d’Angleterre l’avait forcée ». Un seul commentaire, dans La Vraie Jeanne d’Arc, tome 1, p. 172 :
« Un témoin très grave, le consolateur et le soutien visible de Jeanne à la dernière heure, F. Martin Ladvenu, de l’ordre de Saint-Dominique, donne une explication (de la reprise des habits d’homme) que la plume se refuse à retracer. Le sceau virginal renversait tout l’échafaudage de calomnies élevé contre l’angélique jeune fille ; un milord anglais fit ce que les tyrans païens n’osèrent tenter que rarement. Elle disait publiquement que cela était la cause pourquoi elle avait repris habit d’homme. Ce sont les paroles du confesseur de la martyre le matin même du supplice. »
Toutes les nombreuses pages de son Tome 1 de La Vraie Jeanne d’Arc sur la Virginité dans l’Église et sur la Virginité de Jeanne prouvent que le R. P. Ayroles n’a jamais douté.

La Vraie Jeanne d’Arc, disponible aux Éditions ACRF : https://acrf.info
Maître Olivier Sers ne se trompe donc pas sur la traduction de Martin Ladvenu. Mais le R. P. Doncoeur ne nous trompe pas en omettant ces 3 mots si graves. Il fallait trouver l’explication.
Maître Tremolet de Villers avait pourtant la réfutation dans son livre, réfutation donnée par Jehanne elle-même. À la p. 278, il cite Jehanne qui, en apprenant qu’elle était condamnée à être brûlée, s’écria :
« Hélas ! me traite-t-on ainsi horriblement et cruellement, qu’il faille que mon corps net et entier, qui ne fut jamais corrompu, soit aujourd’hui consumé et rendu en cendres… »
Même phrase dans le R. P. Ayroles, op. cit. p. 145.
Mais je préfère la traduction donnée dans le Dictionnaire encyclopédique de Jehanne d’Arc, qui au mot Viol de Jeanne d’Arc dans la prison, p. 1926 écrit :
« Hélas ! Comment peut-on me traiter si cruellement que mon corps vierge qui n’a jamais éprouvé aucune souillure soit consommé, par le feu ? »
D’ailleurs, quelques lignes plus haut on lit :
« La réaction de Jeanne, quand on lui annonce le 30 mai, qu’elle va être brûlée le jour même, montre bien qu’il n’y a pas eu de viol dans la prison ».
Cette plainte de Jehanne est la vraie réponse à toute fausse accusation. N’avait-elle pas dit que concernant sa virginité « elle est certaine d’aller au ciel si elle la garde de corps et d’esprit » (5).
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En cherchant longuement, relisant tous les volumes que j’ai sur ce sujet, je découvris enfin chez Joseph Fabre (6) l’explication, dans son Procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, Hachette, 1913, tome second, page 84, note 2 (citée complètement), concernant la déposition du frère Martin Ladvenu :
« La déposition de 1450 porte, évidemment par erreur, qu’il l’avait forcée. La déposition de 1456 et la seconde déposition de 1452 précisent qu’il tenta seulement de la forcer : « tentavit eam vi opprimere« . Qu’il n’y ait eu que tentatives répétées mais jamais viol consommé, voilà qui est abondamment établi par les témoignages de Manchon (voir p. 35 et 37), de Boisguillaume (p. 49), de Taquel (p. 56), d’Isambard de la Pierre (p. 95), du prieur Thomas Marie (p. 118). — À rapprocher du propos du clerc bourguignon auteur du Journal de Paris. Il fait dire à Jeanne « qu’une fois ou lui volt (voulut) faire de son corps déplaisir ; mais elle sailly (sauta) d’une haute tour en bas sans soy blecier (blesser) aucunement ». Arrière donc cette vilaine légende, récemment rééditée à grand bruit, qui représente Jeanne violée par les prêtres, ou par un lord, ou par les gardiens anglais ! »
Ainsi le frère Martin Ladvenu s’est reprit dès 1452 et 1456, rectifiant sa déclaration de 1450. Voici la déclaration de 1456 (Quicherat T. III, déposition de Martin Ladvenu) :
…deponit quod ipse audivit ab eadem Johana quod quidam magnus dominus anglicus ad eam in carceribus introeerat, et eam tentavit vi opprimere…
En conclusion on est sûr que Martin Ladvenu s’est repris et il nous confirme que sainte Jehanne d’Arc ne fut jamais violée.
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Pour Jehanne sa virginité était si importante qu’elle en fit son drapeau : Jehanne La Pucelle. Elle avait offert sa virginité à Dieu, dès que saint Michel, dans une de ses premières visites (elle avait 12 ans révolus !), le lui avait demandé. Inutile de préciser que là était son trésor. L’Église l’a démontré. Et donc combien elle a dû souffrir et se débattre lors des différentes tentatives de viol.
Pour cette ultime tentative, le 23 mai 1431, qui, d’après le Dictionnaire Johannique, p. 1927, fut l’œuvre de Richard Beauchamp, comte de Warwick (7), un de ceux qui firent tout pour la condamnation de Jehanne par le bûcher, notre Jehanne, sortant de maladie, épuisée physiquement et moralement par son procès, fit certainement appel au grand saint Michel, et dans cette bataille, à un contre un, remporta une éminente victoire qui mérite d’être soulignée. Si Warwick avait réussi, inutile de dire combien les Anglais l’auraient fait savoir et s’en serait servi contre elle. Ne fut-ce pas ici la plus grande victoire de Jeanne ?
Jehanne Vierge ? Indubitablement. Éternellement. Mais aussi martyr de la virginité comme le précise le R P. Ayroles :
« Elle est martyr de la chasteté. L’habit viril, témoignage permanent de sa résolution de poursuivre sa mission, est en même temps une sauvegarde pour sa vertu. Elle ne l’a quitté, après la sentence de Saint-Ouen, que parce qu’on lui a promis que cette vertu serait sauvegardée par la prison ecclésiastique et la compagnie d’une femme honnête. La promesse fut violée ; la prisonnière fut plus que jamais exposée à des attentats innommables. Pour se protéger, elle reprend le vêtement masculin, sachant bien qu’elle va fournir à ceux qui ont soif de sa mort le prétexte qu’ils cherchent pour la lui faire subir ; mais, ainsi qu’elle le dit, elle préfère mourir qu’être en butte aux horreurs qui la blessent dans ce qui lui est bien plus cher que la vie » Tome V, pp. 567-568.
Soyons heureux, pour l’honneur de sainte Jehanne d’Arc, pour l’honneur de la sainte Église de savoir qu’elle ne fut jamais violée.
Mais Jehanne ne fit pas seulement son épopée. Elle, qui priait sans cesse Dieu (Dieu premier servi !), fait l’épopée de Dieu sur la France, épopée qui mérite une longue méditation.
Tout d’abord le choix d’une libératrice ; sa formation dès 13 ans ; le choix de ses formateurs, éducateurs et conseillers ; la France au bord d’une grande catastrophe ; une « Libératrice » ne venant sauver que quand tout est perdu ; sans moyens ; sans argent ; sans troupes ; mais s’appuyant sur son Roi ; lui redonnant espoir ; gagnant des victoires miraculeuses ; lui enseignant l’importance du sacre ; le faisant sacrer ; puis guérir les écrouelles, prouvant qu’il est bien le oint choisi par Dieu ; ramenant l’ordre et la paix en France ; pour finir dans un martyr terrible pour tout racheter, se sacrifier pour les autres, pour donner exemple aux générations suivantes et pour tout cela s’appuyant sur une vertu primordiale, une Pucelle, une de ces Vierges, grandes amies de Dieu : telle est la geste de Dieu ! telle est la geste de Dieu par les Francs !
Le mardi 15 août 2017, en la fête de la Reine de France et de la Reine des Vierges,
Louis-Hubert REMY

[1] Vérifié diligemment par un ami dans Quicherat, T. II p. 8 : Item, dépose que la simple Pucelle lui révéla que, après son abjuracion et renonciacion, on l’avait tourmentée violemment, en la prison, molestée, bastue et déchoullée, et qu’un millourt d’Angleterre, l’avoit forcée…
[2] Sur l’infaillibilité des canonisations, l’abbé Vacant (du Dictionnaire de Théologie Catholique) dans son étude sur Le Magistère ordinaire de l’Église et ses organes, écrit : « L’infaillibilité de ce magistère [magistère ordinaire] s’étend non seulement aux vérités de foi catholique, comme le définit le concile du Vatican, non seulement aux vérités qui, sans être de foi catholique, appartiennent à la tradition, comme l’enseigne Pie IX dans sa lettre à l’archevêque de Munich, mais encore à tous les points qui ont quelque connexion avec la révélation. Elle s’étend, par conséquent, aux conclusions théologiques, aux faits dogmatiques, à la discipline, à la canonisation des saints ». Plus loin il précise que cette infaillibilité des canonisations n’est pas de foi mais de certitude. Le P. Goupil dans La Règle de la Foi indique aussi que les canonisations sont infaillibles, et précise : « Notons toutefois que ce jugement infaillible n’exclut pas toute erreur sur certaines circonstances accidentelles de la vie du saint : son nom, détails de sa vie, etc., voire la confusion de deux saints en un seul personnage ou au contraire le dédoublement d’un même unique saint. L’enquête que fait l’Église pour la canonisation est une étude historique où suffit la certitude du même ordre sur la vie et les miracles du saint. Le jugement dogmatique de la canonisation, assuré de l’assistance du Saint-Esprit, dépasse en certitude la condition préliminaire de l’étude historique, sans évidemment la contredire. Ajoutons que depuis longtemps déjà la rigueur des procès de canonisation est telle que même une erreur historique importante y est pratiquement quasi-impossible ». En l’occurrence, il ne s’agit pas de circonstances accidentelles mais essentielles, donc l’erreur est absolument impossible.
[3] Cardinal ponent : « Celui des juges d’un tribunal collégial qui est le rapporteur de la cause dans l’assemblée, et rédige par écrit les sentences » Chanoine L.-E. Marcel, Dictionnaire de culture religieuse et catéchistique (1949) p. 715.
[4] Dictionnaire encyclopédique de Jehanne d’Arc, de Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau, Desclée de Brouwer, 2017, p. 1169.
[5] Dans la table analytique de La Vraie Jeanne d’Arc, le P. Ayroles, au mot virginité, l’écrit, mais malheureusement la référence donnée (II, 263) ne correspond pas. Ce qui est à regretter, puisque Jeanne, canonisée, est au ciel, ce qui impliquant donc, d’après cette phrase, qu’elle fut toujours parfaitement vierge.
[6] Un de ces grands spécialistes universitaires, qui comme Quicherat, Siméon Luce, Vallet de Viriville, Marius Sepet, Pierre Champion, et tant d’autres firent des découvertes importantes mais qui furent heureusement, bien souvent recadrées par le R. P. Ayroles.
[7] Le Père Ayroles est lui aussi de l’avis que ce fut le comte de Warwick : « Que tant d’infamies marquent à jamais dans l’histoire, du stigmate le plus indélébile, le nom de Warwick, le gardien du château, vraisemblablement le milourd qui s’est rendu coupable d’un attentat qu’on ne raconte ni de Néron ni de Dioclétien » Tome V, p. 433. Mais ce qui est étonnant, c’est que le même comte Warwick avait délivré Jeanne d’une semblable tentative de la part de ses gardes (Quicherat Tome III, p. 147 : « Semel, dum clamabat, ipse comes venit ad clamorem et in adjutorium, ita quod nisi advenisset, dicti custodes eam violassent. » Déposition de Guillaume Manchon le 17 décembre 1455).
Étiquetéamour de la France, assaillie, aucune souillure, canonisé, canonisée comme Vierge, cardinal Parocchi, condamnée à être brûlée, courage, Doncoeur, ejus corruptione etiam, épopée de Dieu sur la France, explication, fausse accusation, foi, forcer, fougue, frère Martin Ladvenu, grande sainte, Guillaume Bouillé, honneur de Jehanne, honneur de la Vérité, humour, importance des Voix, Jacques Trémolet de Villers, jamais corrompu, Jehanne d'Arc, Joseph Fabre, La Vraie Jeanne d'Arc, Le Procès de Rouen, Louis-Hubert Remy, Maître Olivier Sers, Maître Tremolet, Martin Ladvenu, martyr, martyr de la virginité, non jamais !, Notre-Dame, Père J. B. Ayroles, Pour l’honneur de Sainte Jehanne d’Arc, R. P. Doncoeur, R.P. Ayroles, Reine de France, Reine des Vierges, Richard Beauchamp, Sainte Église, Sainte Jeanne d’Arc, Sainte Jeanne d’Arc violée, Sainte Vierge, Sainte Vierge Marie, scandalisé, solitude, souffrances, ténacité, titre de Vierge, victoire de Jeanne, violer, virginité, Virginité de Jeanne