
LETTRE-CONSEIL POUR LA GUÉRISON DE BIEN DES ÂMES MALHEUREUSES
[ezcol_1half]
Mes chers Frères et Sœurs,
Voici les conseils du RP Ventura (Gioacchino Ventura di Raulica 1792†1861), qui avait une telle expérience des âmes que Pie IX lui a confié la grave et délicate mission d’être l’examinateur des évêques.
[/ezcol_1half]
[ezcol_1half_end]
Lisez donc, plusieurs fois, je vous prie, avec attention ce document qui, bien comprit, peut être le remède pour bien des âmes qui désirent guérir et ne savent comment faire… !
[/ezcol_1half_end]
LE REMÈDE CONTRE LE VICE DE LA CHAIR
La maladie qui affligeait la femme de l’Évangile dans son corps, qui a été guérie par le seul touché de la robe du Christ, signifie aussi les maladies qui affligent tant de pauvres chrétiens dans leurs âmes. Dans ces jours de tant de corruption par rapport aux mœurs, de tant de séduction de la part du monde, de tant d’indifférence en matière de religion, oh ! qu’il est grand le nombre des jeunes gens des deux sexes qui se laissent entraîner dans ce vice, qui, quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse pour le justifier, n’est et ne sera toujours qu’une source de malheur et de confusion ! Que de belles âmes, de nobles natures qui, tout en croyant, au commencement, pouvoir en rester à des relations d’esprit et de cœur dont la pudeur n’aurait pas à s’alarmer, trahies par leur faiblesse, subjuguées par la tyrannie du respect humain, tombent tous les jours dans tous les désordres de la chair ! Arrivées au fond de cette boue, en se souvenant du passé, elles regrettent bien d’avoir mal commencé, et cependant elles ne savent jamais se décider à en finir. Elles baignent de leurs larmes, en secret, leurs propres chaînes ; mais elles ne se croient pas assez fortes pour les rompre. Elles font à Dieu des promesses de tenir bon, qu’elles démentent à la première occasion, à la première rencontre. En tombant, elles se relèvent quelquefois ; mais c’est pour retomber de nouveau.
Eh bien ! âmes doublement malheureuses, et parce que vous n’avez plus de part à la paix, au bonheur de la sainte vertu, et parce que vous ne trouvez que des épines, de la honte et du remords dans les sentiers du vice, ne désespérez pas, vous dit saint Pierre Chrysologue ; car qu’est-ce qui vous empêche de vous approcher souvent, et même tous les jours, de Jésus-Christ résidant dans l’Eucharistie, et de Le toucher bien autrement que n’a pu le faire sainte Véronique, puisque vous pouvez, par la communion, faire du Corps divin de cet aimable Sauveur votre nourriture, en Le recevant en vous-mêmes ? Est-ce que vous pouvez douter, par exemple, que la fréquente communion de la chair du Fils de Dieu puisse fortifier votre cœur et vous guérir de toutes les infirmités de votre âme, en sachant que rien que le bord de la tunique couvrant cette même chair divine, touché une seule fois par Véronique, l’a guérie d’une vieille et incurable infirmité du corps ?
On a beau essayer d’autres remèdes, le vice de la chair corrompue de l’homme ne peut être guéri d’une manière durable, complète et parfaite, que par la chair immaculée de Jésus-Christ.
Le mariage lui-même, qui, selon saint Paul, est un remède contre les ardeurs de la concupiscence naturelle, n’en est pas un, ou ne suffit pas tout seul, ou toujours, contre des habitudes invétérées, devenues comme une seconde nature. Pour quelques-uns qui, en se mariant, sortent tout à fait des voies du libertinage où ils se trouvaient engagés, le plus grand nombre n’en sort que pour y revenir, pour s’y enfoncer toujours davantage et s’y perdre. Les péchés d’adultère sont, de nos jours, plus nombreux que les péchés de fornication. C’est que, comme Jésus-Christ l’a dit, le démon de l’impureté ne peut être vaincu, chassé, que par la mortification et la prière : Hoc genus dæmoniorunt non ejicitur, nisi in oratione et jejunio (Matth., XVII, 20).
Et la Communion eucharistique, faite dans de bonnes conditions, par laquelle le Dieu que l’on prie réside corporellement dans l’homme priant, est la prière la plus sûre pour atteindre son but, est la prière par excellence, la prière complète, la prière parfaite. C’est que la Communion eucharistique, complément du sacrifice divin, est l’acte suprême du culte et de la vraie piété, auquel est annexée une vertu souveraine ; vertu non seulement expiatoire du péché, mais aussi médicinale contre le péché. C’est que l’Eucharistie est appelée, dans les Livres saints, le froment des élus, le vin engendrant les vierges, le pain de la vie et de l’intelligence, l’eau de la vraie sagesse du salut : Frumentum electorum, et vinum germinans virgines (Zach., IX). Panis vit et intellectus, et aqua sapientiæ salutaris (Eccl., XV, 3). C’est, dit saint Chrysostome, parce que l’effet le plus propre, le plus direct de cet auguste sacrement est de calmer les insolentes exigences de la chair, de mortifier le moi charnel de l’homme, et d’élever sur ses ruines un MOI tout spirituel et divin.
Voulez-vous une preuve sans réplique, sensible, frappante de ce prodige ? Regardez ces religieuses de tous les ordres que la France répand dans le monde entier, ces mères dévouées que la charité catholique improvise tous les jours à l’orphelin, à l’enfant abandonné ; ces providences visibles de toute espèce de misère, de malheur et d’infortune ; ces anges terrestres, ces prodiges vivants de toutes les vertus ; ces filles héroïques, l’honneur du sexe, la consolation de l’humanité souffrante, la gloire de l’Église, que le monde païen lui-même, aussi bien que le monde chrétien, envie à la France, et auxquelles l’incrédulité elle-même n’a pu s’empêcher de rendre un éclatant hommage (On connaît l’éloge que Voltaire a fait des Filles de la Charité).
Or, savez-vous, mes frères, d’où elles tirent cette force supérieure, ce courage viril qui leur fait braver tous les dangers, la mort même; qui les fait triompher du mal, bien plus redoutable que la mort, et qui les élève tant au-dessus d’elles-mêmes, et de la misère et de la faiblesse de l’humanité ? Elles le tirent de la sainte table. C’est à la Communion eucharistique, à ce foyer de pureté et d’amour, qu’elles puisent cet esprit de charité qui en fait l’admiration, le confort du monde, et cet esprit de chasteté qui garantit si bien leur jeunesse et leur beauté contre les mauvais penchants de la nature et contre la séduction de toutes les passions, en fait des esprits angéliques en des membres humains, et les fait passer au milieu de la corruption de tous les vices, comme la lumière passe sur la boue sans en être tachée.
Spectatrices donc de ces prodiges que la fréquente communion produit sous vos yeux, prenez courage, âmes faibles et qu’une suite de chutes lamentables a rendues plus faibles encore, et soyez sûres que l’attouchement, non pas de la robe seulement, mais du Corps divin du Seigneur par la communion, vous rendra cette FORCE que vous cherchez en vous-mêmes ; cette FORCE de briser les liens qui tiennent captif votre pauvre cœur ; cette FORCE d’éloigner de vous des occasions dans lesquelles vous avez fait une expérience déplorable de votre faiblesse.
Que le sentiment de votre indignité ne vous effraye pas d’approcher du Dieu de la pudeur. Jésus-Christ, dans Son Sacrement, n’est pas seulement le bonheur des justes, mais aussi le remède des malades et le soutien des faibles. Il n’y est pas seulement l’époux de l’âme qui la réjouit, le père qui la nourrit, l’ami qui la console ; mais il est surtout et avant tout le médecin qui la guérit. Loin que vos infirmités spirituelles soient un motif légitime de vous éloigner de ce divin médecin, elles sont au contraire une raison de plus, dit saint Grégoire, de le chercher et d’avoir recours à Sa charité : Jésus-Christ Lui-même nous ayant dit, en parlant de ce mystère de Son amour, que ce ne sont pas les sains, mais les malades, qui ont besoin du médecin : Non est opus valentibus medico, sed male habentibus (Matth., IX). Aussi donc plus vous vous sentez malades, plus vous devez vous approcher de l’Eucharistie, ce pain qui fait les FORTS, cet antidote universel de toutes les infirmités de l’âme.
Un homme qui se met à jouer à un jeu quelconque, avec un habile joueur, craint, croit même qu’il va perdre la partie ; mais cette croyance, cette crainte de perdre, n’exclut pas le désir sincère qu’il a de gagner. Il en est de même par rapport à l’âme. Une expérience funeste vous a appris combien peu vous pouvez compter sur vos résolutions et sur vos promesses de ne plus retomber. Vous craignez donc, vous croyez même qu’après votre communion vous retomberez peut-être. Mais cette persuasion et cette appréhension très fondées de retomber n’empêchent pas que votre résolution de tenir bon ne soit sincère. La crainte de retomber est une pensée de l’esprit ; la résolution de ne pas retomber est un acte de la volonté, et l’une de ces choses peut bien coexister avec l’autre. Tâchez donc que votre résolution soit sincère ; prouvez, en faisant ce qui est en votre pouvoir de faire, que vous voulez vraiment revenir à Dieu ; et par là seulement vous serez assez bien disposés pour communier : Dieu ne demandant pour se communiquer à l’âme que la droiture de la volonté et la sincérité du cœur : Quam bonus Israël Deus, iis qui recto sunt corde.
Le ministre du sacrement de la pénitence, aux pieds duquel, comme devant Dieu, vous aurez répandu votre cœur, saura bien distinguer si votre volonté est sincère, si vous voulez vraiment ce que vous dites vouloir ; et il ne vous en demandera pas davantage. Il ne prétendra pas que vous ne péchiez plus pendant un certain temps avant de vous donner la grâce de l’absolution et de la communion. Ce serait vouloir que vous soyez guéri avant d’avoir fait usage des seuls remèdes qui peuvent vous guérir. Après les premières absolutions, les premières communions même, il est possible que, malgré la sincérité de votre repentir, vous retombiez de nouveau : tout comme les premières doses du quina (quinine) ne coupent pas à l’instant la fièvre. Mais n’importe. Revenez au confessionnal, à la sainte Table ; touchez, touchez toujours le corps du Seigneur, et vous finirez par être complètement guéri. La guérison parfaite de l’âme, tout comme la guérison parfaite du corps, est l’affaire du temps. On ne se corrige pas plus dans un instant d’une vieille habitude au mal, qu’on ne guérit dans un instant d’une maladie invétérée ; et il en est des sacrements, de ces puissants remèdes de l’âme, comme il en est des remèdes du corps, qui, appliqués une première fois, font du bien, et ne guérissent tout à fait qu’autant que l’on continue à en faire usage (Applicata juvant, continuata sanant).
Eh oui, oui, pauvres âmes que les mauvaises habitudes charnelles ont réduites à un état de faiblesse qui en vous faisant rougir de vous mêmes vous désespère, il y a une ressource, il y a une espérance de santé et de vie même pour vous dans le remède de Son corps divin, que le Seigneur nous a laissé dans Son sacrement. Approchez-vous de Lui, approchez-vous de Lui toujours ; communiez toujours avec les dispositions d’une vive foi, d’une profonde humilité, d’une entière confiance, avec lesquelles Véronique a touché la robe du Seigneur : et vous aussi non seulement serez guéries de vos honteuses infirmités, mais vous pouvez vous élever à une grande sainteté, à une grande perfection. Vous qui ne vous croyez pas même dignes d’être les derniers serviteurs du Seigneur, vous pouvez en devenir les enfants chéries, n’ayant plus rien à craindre de Sa justice, mais tout à espérer de Sa bonté : Confide, filia. Votre foi, soutenue par les œuvres, vous sauvera : Fides tua te salvam fecit. Et vous saurez par votre propre expérience que cette pratique de sublime piété, de la piété parfaite, parce qu’elle résume en elle le dogme, le culte et la morale, la Communion eucharistique est utile à tout, puisque, en vous délivrant des misères de la vie présente, elle vous fera trouver le bonheur de la vie future : Pietas ad omnia utilis est, promissionem habens vitæ, quæ nunc est, et futuræ.
C’est la grâce que nous vous souhaitons.
Dominus vos benedicat, et ab omni malo defendat.
Frère Floris