
Ce n’est pas chez nous qu’on ment, …c’est chez les autres !
Plus ils sont diplômés, plus ils racontent des mensonges.
Jusqu’à Vaticand’Eux, la chaire de vérité était l’Église, et non l’Université.
Cher amis lecteurs, nous vous avons donné une première partie, le 16 octobre courant, des deux textes fondamentaux « Pour en finir avec les ennemis de nos traditions », aujourd’hui voyons le texte de Mgr Jean-Joseph Gaume.
Pour en finir avec
les ennemis de
la Sainte Ampoule
et du Sacre de Clovis
par le Chanoine Cerf
Histoire et description de Notre-Dame de Reims
1841
pour en finir avec
les imposteurs
par Monseigneur Gaume
L’ÉVANGÉLISATION APOSTOLIQUE DES GAULES
2è partie de
L’Évangélisation Apostolique du globe
1879
CHAPITRE XV – ÉVANGÉLISATION APOSTOLIQUE DES GAULES EN PARTICULIER.
Oppositions de quelques critiques modernes, insensées et malsaines. – La Gaule chrétienne, fille des Apôtres. – La France, une des premières à connaître le Christianisme. – Preuves de raison. – Paroles de Tertullien. Témoignage de Taraud. – Nullité des Textes de Grégoire de Tours et de Sulpice Sévère. – Le Bref de Paris. – Note de Baronius.
Après les preuves de l’évangélisation apostolique du globe tout entier : in universo orbe, il peut bon droit, paraître superflu de produire des raisons particulières, pour assurer la même gloire aux églises des Gaules : il n’en est pas ainsi. Sous prétextes, que nous examinerons bientôt, des critiques modernes et des critiques français s’obstinent à nier l’évangélisation de la France par les apôtres en personne, ou par les compagnons de leur apostolat.
Insensées et malsaines sont leurs prétentions.
Insensées : elles ne reposent sur aucun fondement solide, et nous leur opposons une négation radicale.
La vérité est 1° qu’en France, la foi remonte aux premiers jours de l’Église naissante. À l’exemple de ses sœurs de l’Orient et de l’Occident, la Gaule peut dire en toute assurance : Et moi aussi; je suis fille des apôtres. Je ne suis pas un enfant posthume, je connais ma généalogie. Comme celui de mes sœurs, mon acte de baptême date de l’époque écoulée entre la croix du Calvaire et la ruine de Jérusalem.
La vérité est 2° qu’après la Palestine, la France la première peut-être, a connu le christianisme je veux dire a été sérieusement informée de la naissance de Notre-Seigneur et des miracles qui éclatèrent autour de Son berceau : venons aux preuves.
Nous demandons d’abord à nos critiques jansénistes et gallicans : Où avez-vous vu qu’en annonçant la prédication de l’évangile par toute la terre, avant la ruine de Jérusalem, Notre-Seigneur ait dit : Cet évangile sera prêché dans tout l’univers, in universo orbe, excepté dans les Gaules ?
Où avez-vous vu que saint Paul, annonçant à deux reprises différentes, l’an 58 et l’an 60, que l’évangile avait fait le tour du monde, ait placé cette restriction : excepté dans les Gaules ?
De quel droit mettez-vous aux paroles du Fils de Dieu et des apôtres une limite qui n’existe pas, et que ni l’Écriture ni les Pères n’y ont jamais trouvée ?
Sur quelle autorité vous permettez-vous d’exclure les Gaules du bienfait de l’évangélisation apostolique ? Les Gaules étaient-elles un coin de terre inconnu ? N’étaient-elles pas, au contraire, une des parties les plus considérables et les plus florissantes de l’ancien monde ? Ne formaient-elles pas un assemblage de nations très connues et très redoutées ? N’étaient-elles pas aux portes de Rome, demeure de saint Pierre, spécialement chargé de former l’immense bercail dont il était le chef ?
Et pendant vingt-cinq ans, saint Pierre serait demeuré à Rome, les bras croisés, en face des Gaules, journellement fréquentées par les Romains, sans y venir lui-même, ou sans y envoyer un seul missionnaire ! Et parmi les autres apôtres ou les soixante-douze disciples, qui visitèrent les peuples les plus obscurs, les plus reculés de l’Afrique, de l’Europe et de l’Asie, pas un n’aurait eu la pensée d’évangéliser les Gaules!
Poser de pareilles questions, n’est-ce pas les résoudre ?
D’ailleurs, est-ce que dans les témoignages des Pères, notamment saint Irénée et Tertullien, les Gaules et toutes les Gaules ne sont pas nommées, parmi les nations appelées primitivement à la foi ? Enfin, nos anciennes traditions ne sont-elles pas unanimes à faire remonter l’origine de nos grandes églises jusqu’aux apôtres !
Pour fermer la bouche à ses détracteurs, la France peut donc leur dire ce que l’Église elle-même dit aux hérétiques :
« Qui êtes-vous ? quand et d’où êtes-vous venus ? que faites-vous chez moi n’étant pas miens ? de quel droit, Marcion, coupez-vous ma forêt ? qui vous autorise, Valentin, à détourner mes canaux ? qui vous donne le pouvoir, Apelles, de déplacer mes bornes ? La possession est à moi : pourquoi venez-vous ici, tous tant que vous êtes, semer et brouter dans mon champ ?
« La possession est à moi ; je possède depuis longtemps ; je possède la première ; j’ai des titres certains, signés de la main des premiers possesseurs : je suis héritière des apôtres » (De præscript., ch. XXXVII.)
Cette glorieuse prétention est bien fondée. Écoutons d’abord un vénérable organe de nos anciennes traditions.
« Nous ne trouvons pas un des anciens évêchés des Gaules, qui n’ait eu pour fondateur quelque disciple de Jésus-Christ ou des apôtres. Saint Paul passant en Espagne laissa Trophime à Arles ; saint Pierre envoya à Bourges saint Ursin, qui avait été lecteur en la dernière cène, où Notre-Seigneur institua le Très Saint Sacrement ; saint Martial à Limoges, qui prêcha aussi à ceux de Bordeaux, de Toulouse, de Cahors et d’Aquitaine.
« On croit que c’est de lui que saint André dit à Notre-Seigneur, dans le désert, qu’il y avait un enfant qui portait cinq pains et deux poissons, et qui ressuscita un mort avec le bâton que saint Pierre lui avait donné.
« À Cologne, saint Materne, le fils unique de la veuve de Naïm, ressuscité par Notre-Seigneur. À Trèves, saint Euchaire ; à Châlons, en Champagne saint Memmius ; à Reims, saint Sixte ; à Orléans, saint Aubin, un des soixante-douze disciples.
« Le christianisme fit de grands accroissements en Gaule sous les empereurs Galba, Othon, Vittelius, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva, Trajan, par les soins des prédicateurs que saint Pierre y avait envoyés.
« Saint Clément, son successeur en la chaire, continua l’ouvrage que son maître avait commencé, et envoya en ces provinces plusieurs disciples de Notre-Seigneur, et presque tous les grands hommes qui faisaient profession de christianisme, pour travailler à l’instruction du peuple, le plus docile qui soit dans le monde.
« À Lyon, saint Pothin ; à Tours, saint Gatien ; à Rouen, saint Nicaise ; au Mans, saint Julien avec Simon le Lépreux. Saint Denys, Aréopagite, était venu d’Athènes avec ses compagnons : Eutrope, Regulus, Jonas, Rustique, et Éleuthère. Saint Clément l’envoya dans les Gaules et lui donna quatre autres compagnons : Sanctinus, Tautinus, Lucianus et Eugenius, autrement Marcellus, la plupart citoyens Romains.
« Saint Denys arrive en Provence avec sa chère troupe qui venait de Rome, d’Asie, de Grèce et de Palestine, pour déraciner l’idolâtrie et prêcher l’évangile en Gaule. À Arles, il apprit l’état de l’Église, les mœurs et les enseignements que son maître saint Paul avait donnés aux habitants de cette ville. Il y laissa Regulus ou Rieul pour gouverner cette église qui n’avait point de pasteur, Trophime étant déjà décédé. Lui-même continua son chemin et dispersa ses disciples selon le besoin » (1).
Cependant, après une possession paisible de plus de quatorze siècles, des hommes, qui se croyaient d’autant plus habiles qu’ils étaient plus dédaigneux, vinrent contester aux églises des Gaules, à celle de Paris en particulier, leurs titres originaires et bafouer leurs traditions. Grâce à l’esprit de dénigrement qui soufflait alors sur l’Europe, ils réussirent à former une école de négateurs. Recrutée tour à tour parmi les protestants, les jansénistes, les gallicans, les rationalistes, tous fils de leur éducation païenne, cette triste école comptait encore, dans ces derniers temps, quelques représentants attardés (2).
Voués au noble métier de dénicheurs de saints, maîtres et disciples ont trouvé bon de décapiter nos églises et de laisser les Gaules ensevelies, jusqu’au milieu du troisième siècle, dans les ténèbres du paganisme, tandis que le reste du monde jouissait depuis longtemps de la lumière de l’évangile. Sur quoi appuyaient-ils cette prétention, assez peu patriotique ? sur deux textes isolés : l’un de Sulpice Sévère, l’autre de Grégoire de Tours.
Nous arrêter à discuter ces textes et à les réfuter, serait recommencer un travail fait par vingt auteurs et bien fait (3). Il nous suffira de dire :
1° que le texte de Sulpice Sévère a été mal traduit ; cela sciemment et dans l’intérêt de la cause ;
2° que le texte de Grégoire de Tours a été interpolé ;
3° qu’en les supposant bien traduits et non interpolés, ces textes prouvent rien contre l’apostolicité immédiate de nos églises, attendu qu’ils sont en contradiction avec le sens commun, l’autorité des Pères, les faits les plus éclatants de l’histoire et le témoignage de toutes nos traditions. Voilà ce qu’ont démontré avec une incontestable évidence les auteurs que nous venons de nommer et les savants compagnons de leurs travaux (4).
Il y a trois cents ans, Baronius fermait, par ces paroles bonnes à rappeler, la discussion sur l’autorité de Grégoire de Tours en particulier, par conséquent de Sulpice Sévère et des hypercritiques, tous à cheval sur ces deux auteurs :
« Quant au texte de Grégoire de Tours, qui met au troisième siècle la mission de saint Denys à Paris, et qu’on oppose à toute la tradition : ce texte est aussi vrai que ceux, où cet auteur recule à la même époque la mission de saint Trophime à Arles, de saint Paul à Narbonne, de saint Martial à Limoges, qui tous furent envoyés par les apôtres, comme l’attestent clairement les actes et les anciens martyrologes. Que Grégoire me pardonne : il ne s’est pas trompé seulement sur les temps anciens, mais encore sur les choses de son époque, comme je l’ai souvent démontré. » (Annot. ad Martyrol., 9 novembre)
CHAPITRE XVI – ÉVANGÉLISATION APOSTOLIQUE DES GAULES EN PARTICULIER
Histoire du Martyrologe des Gaules, Martyrologium Gallicanum – Origine de cet ouvrage. – Soins apportés à sa rédaction. – Son importance. – Il consacre l’apostolicité immédiate de nos églises. – Il met à néant les objections des critiques modernes.
La plupart des auteurs cités au chapitre précédent ont eu de glorieux prédécesseurs. Dès le principe, la France, la vraie France, la France de la tradition, s’émut à l’audacieuse prétention des hypercritiques. Une réaction puissante se manifesta sous Louis XIII : voici à quelle occasion.
À l’exemple de ses prédécesseurs, le pieux monarque récitait chaque jour son bréviaire. Comme il disait l’office de saint Denys l’Aréopagite, apôtre de Paris, le Père Sirmond entra chez le roi : « Quel Saint Denys fêtez-vous aujourd’hui ? lui demanda le prince ». Sirmond lui répondit : « Je fête saint Denys, venu dans les Gaules au milieu du troisième siècle : c’est lui, et non pas saint Denys l’Aréopagîte, qui est l’apôtre de Paris ».
Troublé de cette réponse, le roi garda le silence. Quelques jours après il fit appeler du Saussay, protonotaire apostolique, et depuis évêque de Toul, un des plus laborieux, des plus modestes et des plus savants hommes de son siècle. Le roi se plaignit des attaques dirigées contre la tradition des églises de France. Elles lui paraissaient injurieuses, mal fondées et funestes au royaume.
« Veuillez donc, ajouta le monarque, vous mettre à l’œuvre et, en vengeant nos traditions, nous conserver le patrimoine que nous avons reçu de nos pères. Écrivez, en mon nom, dans tout le royaume, afin qu’on vous envoie tous les documents utiles à votre travail. »
Du Saussay s’empresse d’obéir. Au nom de sa Majesté, il commence par écrire à tous les archevêques et évêques des Gaules, aux chapitres et aux ecclésiastiques séculiers connus par leur science.
« Je vous prie, leur dit-il, de m’adresser tous les documents que vous possédez sur l’origine de vos églises, sur les saints de vos provinces et de la Gaule en général ».
De toutes parts, on répond avec empressement et les matériaux abondent.
« Un chapitre ne suffirait pas, dit du Saussay, pour nommer toutes les églises, de qui nous avons reçu les secours demandés. Afin de tout dire d’un seul mot, j’affirme en conscience qu’un très grand nombre de sièges épiscopaux et d’églises mères, depuis Aoste, Tarantaise, Sion, situées dans les Alpes, jusqu’à l’Océan qui sépare la France de l’Angleterre ; depuis Trèves jusqu’à Auch ; depuis Rouen jusqu’à Toulouse ; depuis Amiens jusqu’à Arles, se sont empressés de mettre leurs titres à notre disposition, Quelques-unes même de ces églises nous ont envoyé non seulement l’histoire de leur fondation, la succession de leurs évêques, le catalogue des saints locaux, et de leurs saintes reliques ; les monuments, médailles, inscriptions, manuscrits dans un ordre parfait ; mais encore leurs histoire intégrales manuscrites, les unes récentes, les autres anciennes : le tout avec une munificence au-dessus de tout éloge » (Apparatus ad Martyrol. Gallic., ch. XXV, p. XC, edit. in fol., 1637).
Après le clergé séculier, le consciencieux prélat écrivit au clergé régulier. La plupart des plus célèbres monastères de France lui ouvrirent leur trésors : manuscrits, diplômes, chartes, tout ce qui avait échappé de monuments anciens aux ravages des protestants lui fut communiqué (ibid.).
Après le clergé, les laïques. Comme on savait dans toute la France que le savant protonotaire travaillait par ordre du roi, toutes les archives des municipalités des villes et des provinces lui furent ouvertes. Il en tira les documents les plus variés et les plus authentiques. Lui-même rechercha avec ardeur, tous les monuments publics et particuliers des églises et des monastères, publiés ou inédits,
« J’ai recherché, dit-il, avec un soin jaloux, les livres liturgiques, surtout les anciens, les bréviaires, les missels, les martyrologes. Quelques-uns de ces livres remontent à plus de cinq cents ans ; plusieurs, à plus de six cents ans, comme le prouvent les indications des calendriers, les caractères de l’écriture, les vignettes sur parchemin, admirables de travail et de piété.
« De plus, toutes les histoires générales des Gaules, les chroniques communes et particulières, les registres des villes, et autres monuments publics ; les archives manuscrites ou publiées des églises et des monastères ; les annales sacrées et profanes des nations étrangères, que j’ai pu découvrir, je me les suis procurées, et j’en ai tiré parti pour appuyer et orner ce martyrologe, afin que, paraissant accompagné de la vérité et de l’autorité, il fût reçu avec plaisir et profit » (ibid.)
Il ne s’en tient pas là. Dans son ardent amour de la vérité, il envoie partout des hommes intelligents et sûrs, pour fouiller les archives sacrées et profanes des églises même les plus obscures, et lui rapporter tout ce qui aurait pu échapper à ses correspondants (ibid.).
Des trésors d’antiquités étaient entre les mains de l’illustre prélat. Restait à tirer parti de cette collation, la plus riche qui fut jamais. Aussi modeste savant, du Saussay ne voulut pas se charger lui seul d’un pareil travail. Pour l’exécuter, il s’adjoignit les plus graves et les plus savants hommes de l’époque : entre autres le père Sirmond, jésuite, non suspect ; le célèbre Claude Robert, auteur de la Gaule Chrétienne ; Nicolas Camuzat, chanoine et antiquaire de Troyes ; le père André Raisin, abbé des Célestins, au diocèse de Soissons, infatigable chercheur ; le père Hugues Ménard, bénédictin dont le nom seul fait autorité ; le bénédictin Othon Mottet, de Toulouse; le très érudit archidiacre de Carcassonne, dom Siméon, et d’autres non moins habiles.
De pareilles richesses, recueillies avec de pareils soins et mises en œuvre par de pareilles mains, est sorti le Martyrologe des Gaules (Martyrologium Gallicanum, deux grands volumes in-folio).
Nous demandons si, au point de vue scientifique et littéraire, il est beaucoup d’ouvrages, ou même s’il en est un seul, qui offrent les mêmes garanties ?
Mais ce n’est pas tout : un martyrologe présente un caractère particulier d’autorité, car il est plus qu’un livre ordinaire. La rédaction exige une attention scrupuleuse et une conscience à toute épreuve. En effet, le martyrologe est le catalogue officiel des saints d’un ordre religieux, d’un pays ou de l’église universelle. Les défenses les plus sévères des souverains pontifes empêchent d’y placer des personnages dont la sainteté serait douteuse. Agir autrement serait induire les fidèles dans de graves erreurs et exposer l’Église elle-même aux moqueries des hérétiques et des incrédules.
Aussi les différents auteurs des martyrologes anciens et modernes ont eu soin de s’entourer de tous les documents possibles et de citer les sources où ils les ont puisés. On peut s’en convaincre en lisant les martyrologes de saint Jérôme, de Bède, d’Usuard, d’Adon, de Molanus, de Maurolicus, de Galesinius, de Baronius, d’Henriquez et d’autres:
Du Saussay a compris ce devoir.
« Je puis affirmer, dit-il, que la rédaction de ce martyrologe a été faite avec toute la candeur et toute la diligence qu’on peut attendre d’un historien sincère. Dieu m’est témoin, je le déclare sérieusement et nettement, que je n’ai laissé entrer dans ce travail, par fraude ou par malice, rien contre la vérité reconnue ; rien sans indication et sans preuve des faits contenus dans les histoires qui m’ont été confiées ; rien contre ma conscience; rien, j’en ai la confiance, contre la foi et la religion catholique ; rien contre les bonnes mœurs ; rien par haine ou par amour de qui que ce soit ; mais, autant que mes études et mon travail l’ont permis, j’ai tout pesé au poids du sanctuaire » (Apparat., ch. XXII, p. 73).
À moins d’accuser d’ignorance ou de fourberie les hommes les plus respectables et toutes les églises d’un grand royaume, nous pouvons donc accepter avec une entière confiance les documents contenus dans le martyrologe, sur l’évangélisation apostolique des Gaules. Qu’on veuille bien se le rappeler, lors, qu’on lira, extraites de cet ouvrage, les biographies de nos premiers missionnaires. Ces biographies sont l’histoire de tous les personnages nommés dans le Nouveau Testament, depuis l’évangile de saint Matthieu jusqu’à l’Apocalypse inclusivement.
Grâce à ce travail monumental, les grandes églises de France, comme toutes leurs sœurs d’Orient et d’Occident, peuvent dire, preuves en mains : Nous aussi, nous sommes filles des apôtres, notre acte de naissance remonte aux premiers jours du christianisme. Du Nord au Midi, nous pouvons nous glorifier d’avoir reçu le don de la foi de saint Pierre et de saint Paul en personne, des compagnons de leur apostolat, et des amis intimes du Sauveur.
Voici Marseille, Tarascon, Aix, Avignon, qui montrent inscrits en tête de leurs annales les noms bénis de Lazare, Marthe, Madeleine, Maximin. À leur suite, viennent nos plus vénérables églises qui, d’une voix unanime, répètent : Saint Pierre envoya dans l’Aquitaine Martial, à qui Limoges, Bordeaux, Toulouse, Cahors, Rodez, sont redevables du don de la foi ; Front, qui apporta l’évangile à Périgueux ; Trophime, à Arles ; Bénigne, à Dijon et à Langres ; Lin, à Besançon ; Denys l’Aréopagite, à Paris ; Sixte, à Reims ; Sabinius, à Sens ; Julien, au Mans ; Clément, à Metz ; Memmius, à Châlons ; Sanctinus, à Chartres, Meaux et Verdun ; Ursin, à Bourges ; Austrémoine, en Auvergne ; Eutrope, en Saintonge ; Materne et Valère, à Trèves et à Cologne ; Euchaire, Egiste et Marcien, en Germanie.
Saint Paul, se rendant en Espagne, laissa dans nos provinces méridionales Crescent, Sergius Paulus, et Aphrodisius qui fondèrent les églises de Vienne, de Narbonne et de Béziers. Tels sont, et beaucoup d’autres, les missionnaires que les apôtres et surtout saint Pierre, envoyèrent dans les Gaules (5).
En terminant, nous demanderons aux hypercritiques comment ils osent opposer, sans rougir, Sulpice Sévère et Grégoire de Tours à toute la tradition ? Supposons, ce qui n’est pas, les textes de ces deux auteurs bien expliqués et non interpolés : quelle créance méritent, devant n’importe quel tribunal, deux témoins qui se trompent souvent, qui se contredisent, qui sont en opposition avec la logique, avec l’histoire et avec une succession quinze fois séculaire de témoins nombreux, dignes de toute confiance et unanimes dans leur témoignage ? (6)
Si les rôles étaient changés, c’est-à-dire, si les hypercritiques avaient pour eux la logique, l’histoire, toute la tradition, et que nous fussions réduits à leur opposer seulement deux écrivains d’une autorité plus que douteuse sur le point du débat, ils chanteraient victoire. Aux yeux de tout homme impartial, ils auraient raison, car nous aurions tort.
Qu’ils se jugent donc eux-mêmes et que, renonçant à de tristes préjugés, fruits d’une éducation fausse ou d’une étude superficielle, ils cessent de s’attirer les reproches trop fondés d’ignorance, d’entêtement et de mauvaise foi.
CHAPITRE XVII – SUITE DU PRÉCÉDENT.
Les Gaules ont connu avant les autres nations la venue du Rédempteur : Preuves. – Le retentissement des premiers miracles du Christianisme. – Les Gaulois, gardes du corps d’Hérode. – Archélaüs, fils d’Hérode, exilé dans les Gaules, dix-sept ans avant la mort de Notre-Seigneur.
Dans les Gaules la foi remonte aux premiers jours du christianisme : c’est une vérité établie dans le chapitre précédent. Nous avons ajouté qu’entre toutes les contrées de l’Occident, les Gaules ont été les premières sérieusement informées de la présence du Fils de Dieu parmi les hommes ; il reste à le prouver.
De toute éternité la France avait été choisie pour être la fille aînée de l’Église. Avant tout raisonnement, nous ne pouvons nous empêcher de croire qu’en cette qualité elle a dû connaître, avant ses sœurs, les grands événements qui signalaient la venue du Messie et la présence du Messie Lui-même. C’est là une de ces belles harmonies qu’on rencontre à chaque pas dans les œuvres de la sagesse éternelle, et dont un esprit superficiel peut seul mettre en doute la touchante réalité. D’ailleurs, de cette glorieuse prédilection, l’histoire va bientôt nous fournir les preuves les plus concluantes.
En attendant, nommons quelques-uns des évènements prodigieux dont il s’agit, et qui se rattachaient intimement à la personne de Notre-Seigneur.
Tels sont : 1° Les miracles qui resplendirent autour du berceau de saint Jean-Baptiste et dont le retentissement ébranlait la Judée ; les prédications du précurseur aux soldats et aux multitudes de toute condition, accourues sur les bords du Jourdain, pour entendre cette voix du désert et recevoir le baptême de la pénitence ; l’effrayante austérité du plus grand des enfants des hommes, qui le faisait prendre par les savants eux-mêmes, pour un des anciens prophètes, pour Élie et pour le Messie en personne ;
2° L’étoile miraculeuse, dont l’éclat plus brillant que le soleil avait illuminé la zone orientale du ciel ;
3° L’arrivée des Mages ; leur entrevue avec Hérode, et la nouvelle qu’ils lui donnèrent de la naissance du roi des Juifs : nouvelle publique qui jeta le trouble dans le cœur d’Hérode et mit en émoi toute la ville de Jérusalem ;
4° Le massacre, inouï dans l’histoire, de milliers d’enfants, ordonné par Hérode, dans le but de faire périr le miraculeux nouveau-né ;
5° L’apparition des anges aux bergers ;
6° Là présentation de l’Enfant-Dieu au temple de Jérusalem, avec la double prophétie d’Anne et de Siméon.
Dans les desseins de la Providence, ces faits avaient pour but d’appeler l’attention de tous les peuples sur la Judée ; de leur communiquer cet ébranlement universel annoncé par les prophètes, comme précurseur de l’arrivée du Désiré de toutes les nations : Movebo omnes gentes : et veniet Desideratus cunctis gentibus (Aggæi, XI, 8) ; et de les appeler à venir, par de nombreuses députations, s’assurer de la réalité des choses. Les vues de la Providence ne furent pas trompées.
À son action directe, se joignaient les anciennes traditions, conservées chez les nations païennes de l’Occident, comme de l’extrême Orient. Ces traditions annonçaient que de la Judée sortirait, vers cette époque, le dominateur du monde ; le saint, le roi, le législateur par excellence. Ces causes réunies mirent le monde dans un mouvement, dont il n’a pas vu et dont il ne verra jamais d’exemple. Il en devait être ainsi. La descente sur la terre de Dieu en personne, sous une forme visible, n’était-ce pas le plus prodigieux événement qui se puisse imaginer ?
De tout cela on nous parle peu, il est vrai ; beaucoup même ne s’en doutent pas. Nous nous imaginons volontiers que Notre-Seigneur a passé sur la terre sans bruit et sans éclat : astre brillant, sans doute, mais promptement obscurci et vu seulement des habitants du petit coin de terre, appelé la Palestine : c’est tout le contraire qui est la vérité.
Les hommes sont toujours les mêmes. Guérir instantanément des malades désespérés ; ressusciter des morts ; nourrir des milliers de personnes avec quelques pains ; marcher sur les flots ; d’un mot apaiser les tempêtes : dans tous les temps et chez tous les peuples, des faits de ce genre, souvent répétés par le même personnage, en présence de milliers de témoins, sont de nature à frapper les esprits, à se répandre au loin et appeler sur les lieux, théâtres de pareils prodiges, des multitudes ardentes de curiosité ou avides de guérison.
Or, pendant plusieurs années Notre-Seigneur sema des miracles sur Ses pas. Le nombre en est tel, qu’un témoin oculaire, saint Jean l’Évangéliste, dit dans une sublime hyperbole : « S’ils étaient rapportés en détail, le monde pourrait à peine contenir les livres dans lesquels ils seraient écrits » (XX, 30).
Aussi l’histoire n’a pas manqué de conserver le souvenir de ce flux et reflux immense de tous les peuples de l’Orient et de l’Occident vers la Judée, pour être témoins des prodiges dont le retentissement arrivait jusqu’aux extrémités du monde et voir les personnages extraordinaires qui les opéraient.
Le père de l’histoire ecclésiastique, Eusèbe écrit :
« Comme les œuvres merveilleuses de Notre-Seigneur avaient rendu Sa divinité célèbre dans le monde entier, il arrivait auprès de Lui, même des régions les plus éloignées de la Judée, des multitudes innombrables de malades et d’affligés de toute nature, dans l’espoir de recouvrer la santé » (Hist., lib. 1, cap. XIII, p. 119, édit. Migne).
Ce n’étaient pas seulement les juifs de la dispersion, qui venaient en foule à Jérusalem, attirés par la renommée de saint Jean-Baptiste et de Notre-Seigneur ; c’étaient les Gentils eux-mêmes, de toutes les parties du monde. Nous en voyons à l’époque de la dernière Pâque, qu’on croit venu d’Espagne, s’adresser à l’apôtre saint Philippe pour obtenir de lui la faveur de voir le divin Maître (Jean., XII, 20, 22).
Au jour de la Pentecôte, il y avait à Jérusalem des habitants de toutes les nations qui sont sous le ciel : Ex omni natione quæ sub cœlo est. Retournés dans leurs pays, ces témoins des miracles les plus extraordinaires ne manquèrent pas de raconter ce qu’ils avaient vu et entendu : cela est dans la nature humaine. Leurs récits plus ou moins exacts donnèrent lieu à l’apparition contemporaine d’un grand nombre d’évangiles apocryphes. On donne ce nom à des relations, sans nom d’auteurs et plus ou moins entachées d’inexactitude, des faits relatifs à Notre-Seigneur et aux grands événements dont la Judée était le théâtre (Luc, Act, I).
Il fallait qu’il en fût ainsi. Le Fils de Dieu n’était venu sur la terre que pour Se faire connaître, aimer et adorer de toutes les nations du monde. Entre toutes, il nous est doux de le répéter, après la Palestine, les Gaules furent les premières instruites de ce qui se passait. Venons aux preuves.
L’historien Josèphe nous apprend que les soldats d’élite ou gardes du corps d’Hérode 1er étaient des Gaulois. Personne, on en conviendra, n’était mieux placé que ces militaires pour connaître les grands événements de la Judée et de Jérusalem en particulier. Pendant que tout le monde en parlait, auraient-ils été les seuls à les ignorer ? Les prédications de saint Jean-Baptiste attiraient les soldats ; qui peut répondre que nos Gaulois n’aient pas été, quelquefois du moins, au nombre de ses auditeurs ? Sans sortir de Jérusalem, n’avaient-ils pas vu, gardiens de la cour, entrer au palais les Rois Mages ? À Dieu ne plaise que je les accuse d’avoir pris part au massacre des Innocents, mais du moins il est hors de doute qu’ils le connaissaient.
On doit en dire autant des prodiges qui signalèrent la naissance de Notre-Seigneur.
Cela étant, supposer que ces soldats écrivant à leurs parents, restés dans les Gaules, ou qu’eux-mêmes venus en congé ou libérés du service et rentrés dans leurs foyers, n’aient pas dit un mot des événements prodigieux dont ils avaient été témoins ; ni de Jean-Baptiste, le prophète du désert ; ni du personnage extraordinaire qui se disait le Fils de Dieu, le Désiré des nations et dont tous les pas étaient marqués par des prodiges, serait heurter de front le sens commun. Car ce serait nier les dispositions intimes de la nature humaine et oublier surtout la propension des soldats à raconter ce qu’ils ont fait, vu ou entendu. Or, ces lettres et ces conversations pouvaient dater des premiers jours de l’ère chrétienne et tenir les Gaules au courant des événements relatifs à saint Jean-Baptiste et à Notre-Seigneur. Nous verrons bientôt que ce n’est pas une vaine supposition.
Voici qui est positif. La cinquante-septième année du règne d’Auguste, Notre-Seigneur étant âgé de seize ans, Archélaüs, fils et successeur d’Hérode, fut privé de son gouvernement et envoyé en exil perpétuel, à Vienne, dans les Gaules, où il mourut six ans après la passion de Notre-Seigneur (Josèphe, Antiquit., lib. XVII, ch. xv).
Il faut dire d’Archélaüs ce que nous avons dit des soldats de son père. Ce prince connaissait les prodiges inouïs qui avaient signalé la naissance de saint Jean-Baptiste et de Notre-Seigneur.
Peut-on raisonnablement supposer que pendant vingt-deux à vingt-trois ans d’exil il n’en ait jamais ouvert la bouche ? On le peut d’autant moins que ces prodiges avaient un grand retentissement, qu’ils intéressaient sa famille et qu’il devait être flatté, lui témoin oculaire, d’en rectifier ou d’en compléter les relations.
Afin de transformer le doute en certitude, ajoutons qu’Archélaüs se trouvait au milieu des Gaulois, peuples les plus curieux de nouvelles et les plus passionnés du monde, comme dit César, pour savoir ce qui se passait dans les pays étrangers (De Bell. Gall., lib. IV, ch. V)
CHAPITRE XVIII – NOUVELLE SUITE DU PRÉCÉDENT.
La dame de Bazas. – Elle va en Palestine. – Recueille le sang de saint Jean-Baptiste. – L’apporte à Bazas. – Histoire de ce sang précieux. – Les amis du Sauveur. – Hérode exilé à Lyon. – Pilate à Vienne.
Que des relations nombreuses des grands événements de la Judée aient été, à cette époque, répandues dans les Gaules, le fait suivant, très curieux et très peu connu, en est la preuve authentique. Nous le trouvons dans Grégoire de Tours, dont l’autorité fait foi parmi les critiques modernes. L’historien le rapporte, non pas, ce qui lui arrive assez souvent, comme un on dit, un fertur, un ferunt ; mais comme une chose de notoriété publique. Il a raison: Voici le fait.
Instruite de ce qui se passait en Palestine, soit par les soldats d’Hérode, soit par les conversations d’Archélaüs, soit par le récit des voyageurs, soit par la rumeur publique, une dame gauloise désira de voir les choses de ses propres yeux, et partit pour l’Orient. Elle était native de Bazas, l’ancienne Vazates des Romains, à douze lieues de Bordeaux. Arrivée en Judée vers le mois de mai de l’an 30 de Notre-Seigneur, la première nouvelle qu’elle apprit fut l’arrestation de saint Jean-Baptiste.
Comme elle voulait le voir à tout prix, elle se rendit au château de Machéron, situé sur les confins de la Judée et de l’Arabie et dans lequel Hérode avait fait enfermer le saint précurseur. Elle se trouvait dans ce château ou dans les environs, vers la fin d’août, lorsqu’Hérode y vint avec toute sa cour, pour célébrer l’anniversaire de sa naissance.
On sait ce qui arriva pendant le banquet du 29 août. Apprenant qu’on allait décoller celui que la Judée axait pris pour le Messie lui-même, elle se présente au licteur chargé de l’exécution. Faisant alors ce que tant d’héroïques chrétiennes ont fait si souvent et ce qu’elles font encore, elle se dépouille de ses bijoux et les donne au bourreau, à la condition qu’il lui donnera en échange une partie du sang du martyr. La condition est acceptée. Dans un petit vase d’argent qu’elle lui présente, le licteur reçoit une partie du sang précieux, que la pieuse dame rapporte à Bazas. Peu après, la noble matrone y fait bâtir une église en l’honneur de saint Jean-Baptiste et place dans l’autel le vase de son sang (Miraculor,. lib. I, ch. XII, p. 717, édit. Migne).
Le pèlerinage de cette dame gauloise et son acte de courageuse piété sont d’autant plus certains, qu’ils se relient à tout un ensemble de faits, pris dans la nature ou consignés dans l’histoire. Quoi de plus naturel qu’un personnage extraordinaire fixe l’attention publique et éveille le désir de le voir ? Si ce personnage est un thaumaturge, quoi de plus naturel encore, que ses miracles attirent auprès de lui tous ceux qui ont besoin de guérison ? Ne savons-nous pas que des multitudes de malades accouraient de toutes les parties du monde, auprès du divin médecin ; car de Lui sortait une vertu qui guérissait toutes les infirmités. Comme nous l’avons vu, des Gentils, qu’on croit venus du fond des Espagnes, ne demandaient-ils pas à l’apôtre saint Philippe l’insigne faveur de voir Notre-Seigneur, le divin thaumaturge ?
Quant au désir d’avoir du sang de martyrs, le plus précieux après celui qui coula sur le Calvaire, l’histoire le constate universel et impérissable. Les catacombes de Rome en sont un témoignage authentique. Des milliers de fois, on a vu soit en Orient, soit en Occident, d’héroïques chrétiennes se glisser sous les échafauds ou dans les amphithéâtres, recueillir ce sang rédempteur, l’acheter quelquefois au poids de l’or, et pour l’obtenir exposer leur liberté et leur vie. Le même fait se reproduit encore au Tonkin, en Cochinchine, et partout, au supplice de nos modernes martyrs.
Afin de constater de plus en plus la glorieuse action de la dame de Bazas, qui se rattache si directement à l’évangélisation primitive des Gaules, nous nous sommes adressés au vénérable curé de cette ville. Les intéressants détails qu’il a bien voulu nous fournir sont consignés dans L’Aquitaine, Revue religieuse de Bordeaux (n° 99, 24 juin 1866, p. 749 et suiv., et Notre-Dame de Soulac, par M. Mazuret). Nous citons :
« Dès l’antiquité la plus reculée, Bazas fut la ville de saint Jean-Baptiste. Saint Jean était tout dans la ville épiscopale et dans la ville municipale. Sa décollation, sa tête dans le plat d’Hérodiade, parent l’écu de la cité, la bannière de la commune et le blason du chapitre. Le sang de saint Jean-Baptiste fut le trésor de Bazas.
« Encore aujourd’hui, chaque année, le 24 juin, on voit accourir les populations chrétiennes des alentours vers l’antique cathédrale ; un cierge à la main, chaque fidèle entend la messe ; puis, avec une fidélité héréditaire, il fait neuf fois le tour du chœur de Saint-Jean, c’est ce qui s’appelle les neuf tours du sang de saint Jean ; ainsi depuis des siècles.
« Vénéré avec un amour égal à leur foi par les premiers chrétiens de l’antique cité, ce gage précieux fut gardé avec soin dans l’autel de Saint-Jean, pendant les jours de paix. L’orage de la persécution venait-il à gronder ; les flots de la barbarie menaçaient-ils de tout emporter ? Aussitôt les évêques, les prêtres et les fidèles s’empressaient de cacher en lieu sûr la sainte relique.
« C’est ainsi qu’elle fut soustraite tour à tour aux violences des persécutions païennes, à la main sacrilège des Vandales, des Goths, des Vascons et des Normands. Reconnue juridiquement par le pape Urbain II, au retour du concile de Clermont, elle fut placée dans l’autel de la nouvelle cathédrale, bâtie en 1233 par Armand de Pins, évêque de Bazas. À cette occasion fut établie la fête de la station du sang de saint Jean, qui se célèbre à Bazas le 13 juillet.
« Comme la vraie croix fut enlevée de Jérusalem par les Perses, et rapportée intacte par l’empereur Héraclius, le vase du sang de saint Jean fut enlevé par les calvinistes en 1562, puis racheté des sectaires au prix de dix mille écus.
« Après avoir traversé tant d’orages et reçu les hommages de tant de siècles, l’inestimable trésor devait périr sans retour à la fin du dernier siècle. En 1792, l’administrateur révolutionnaire du diocèse de Bazas écrivait et signait à la marge même du manuscrit du douzième siècle, qui contenait toute l’histoire de la vénérable relique : « J’ai jeté moi-même cette relique dans un égout de ma maison. »
Ainsi, dès les premiers jours de la vie publique de Notre-Seigneur, et même avant, les Gaules connaissaient les grands événements qui s’accomplissaient dans la Judée ; cette connaissance allait devenir une véritable prédication évangélique. L’an de notre ère, c’est-à-dire deux ans à peine après la mort du Sauveur, abordaient aux côtes de Provence ses plus intimes amis. Il rétrograderait de cent ans, celui qui, de nos jours, oserait révoquer en doute l’apostolat de Lazare, de Marthe, de Madeleine et de leurs compagnons, à Marseille et dans le midi de la France.
Envoyer immédiatement après Sa mort ceux qu’Il avait le plus aimés pendant Sa vie, pour nous tirer de la barbarie païenne et se faire connaître à nous : quelle prédilection pour la France de la part du Sauveur du monde ! Au souvenir de cette tendresse exceptionnelle, notre patrie peut bien dire : Il n’en a pas fait de même pour aucune nation : non fecit taliter onmi nationi.
Comme pour confirmer la mission de Ses amis, le divin Maître allait faire arriver dans les Gaules deux de ses plus grands ennemis. Ces deux missionnaires d’un nouveau genre sont Hérode et Pilate.
L’an 40 de Notre-Seigneur, six ans après la Passion, Hérode, le meurtrier de saint Jean-Baptiste et l’insulteur du Sauveur Jésus, est privé de ses États et de toutes ses richesses par l’empereur Caligula, puis, envoyé en exil dans la ville de Lyon, avec Hérodiade et sa fille Salomé, la danseuse. Quelle impression dut produire non seulement à Lyon, mais dans les Gaules, l’arrivée de ces odieux personnages ! À combien de questions et de commentaires donna lieu leur présence !
Comme tout ce qu’on racontait de leurs crimes et de leur disgrâce, était de nature à populariser de plus en plus la connaissance des faits évangéliques dont la Judée était le théâtre ! Nous disons populariser de plus en plus ; car depuis cinq ans que les amis du Sauveur étaient en Provence, prêchant l’Évangile et faisant des miracles, la lumière du christianisme éclairait déjà une bonne partie des Gaules.
Hérode était depuis un an dans notre patrie, lorsqu’un nouveau personnage, plus célèbre encore, vint par sa présence annoncer l’Évangile. L’an de Notre-Seigneur, Pilate fut rappelé de la Judée, dépouillé de toutes ses dignités, banni à perpétuité et relégué dans les Gaules, dans la ville de Vienne, appelé alors le Carcer Romanorum, la grande prison des Romains, ou la prison des grands coupables Romains. Il y resta environ trois ans, et finit par se suicider (7).
Nier, ou seulement mettre en doute que, pendant ce laps de temps, Pilate, livré à lui-même, ait parlé de Notre-Seigneur, serait plus que puéril. Comment ? Pilate qui avait envoyé à Tibère la relation détaillée de la vie du personnage extraordinaire dont tout le monde s’occupait, dont les actes avaient jeté un si grand éclat sur son gouvernement et dont la mort associait son nom à celui de l’auguste victime : pouvait-il rester muet sur de si prodigieux événements ?
Ceux qui l’approchaient ne devaient-ils pas être avides de recueillir de sa bouche, tous les détails sur ce qui s’était passé, d’autant plus que ces hommes étaient des Gaulois, le peuple du monde, comme nous l’a dit César, le plus passionné pour les nouvelles ? Pilate lui-même, soit pour les intéresser, soit pour se justifier, ne devait-il pas revenir souvent, dans ses conversations, sur un sujet dont il était plein et qu’il avait connu mieux que personne ? Tout cela est vrai, parce que tout cela est dans la nature.
De tout ce qui précède il résulte que, par une disposition particulière de la Providence, les Gaules avaient entendu parler de Notre-Seigneur, dès les premières années de Sa vie, et que, depuis Sa mort, cette connaissance y était largement répandue, avant l’arrivée de saint Pierre en Occident, pour annoncer l’Évangile.
CHAPITRE XIX – INJURE ET PRÉJUDICE DONT SONT COUPABLES LES HYPERCRITIQUES.
Injure aux Apôtres et à saint Pierre en particulier. – Injure à Notre-Seigneur. – Injure à nos ancêtres. – Passages remarquables de Pierre le Vénérable. – Préjudice causé
Au chapitre treizième, nous avons avancé que les négations de nos critiques à outrance étaient insensées : la preuve en est faite. Nous avons ajouté qu’elles étaient malsaines. Nous maintenons le mot et nous allons le justifier. Oui, malsaines, parce qu’elles sont injurieuses à tout ce qu’il y a de plus respectable, et funestes à la France
Injurieuses aux Apôtres. Reculer après le premier siècle, l’évangélisation des Gaules, c’est accuser les apôtres et les premiers disciples du Sauveur d’avoir manqué de zèle pour le salut des âmes ; ou d’obéissance au divin Maître qui leur avait ordonné de prêcher l’Évangile à toutes les nations ; ou de mensonge en écrivant que leur prédication avait fait le tour du monde ; ou d’injustes préférences, puisqu’ils auraient eu plus d’amour pour les nègres de l’Éthiopie, les barbares de l’Inde, les hordes nomades de la Thrace et de la Scythie, que pour les Gaules, nation florissante et nombreuse, établie aux portes de l’Italie et avec qui Rome était en communication habituelle.
L’injure faite aux apôtres en général, tombe de tout son poids sur saint Pierre en particulier. Lui, le chef de l’Église, spécialement chargé de la conversion du monde, serait, comme nous l’avons déjà remarqué, demeuré vingt-cinq ans à Rome, sans envoyer un missionnaire dans les Gaules, ou sans y venir lui-même ! Est-ce admissible ?
Outre celles données plus haut, deux nouvelles preuves montrent l’absurdité d’une pareille supposition. La première nous dit que saint Pierre, bien que fixé à Rome, comme évêque, s’en absentait très souvent comme apôtre, afin de porter l’Évangile dans les différentes provinces de l’empire romain ; notamment le Pont et la Bithynie. Et il n’aurait pas eu la pensée de venir dans les Gaules !
La seconde, qu’il était réellement absent de Rome lorsque saint Paul écrivit sa lettre aux Romains, puisqu’il n’y est pas nommé. Ainsi s’explique naturellement le silence du grand Apôtre. Demandera-t-on pourquoi saint Pierre était absent ? La réponse s’impose d’elle-même : il était en mission. Comme il ressort de l’Épître de saint Paul, l’Église de Rome était fondée, et par l’ardeur de sa foi, connue du monde entier, elle rivalisait avec l’Église de Jérusalem. Il en résulte qu’elle pouvait, momentanément du moins, se passer de son chef, dont la propagation de l’Évangile réclamait la présence en d’autres lieux (De Roman, die Petri itin. et Episcopat. Exercit. IV, p. 83).
Injurieuses à Notre-Seigneur. Celui qui est tout ensemble l’infaillible vérité et la puissance infinie avait dit aux apôtres : Allez, enseignez toutes les nations ; vous Me rendrez témoignage jusqu’aux extrémités de la terre. Fort de Lui-même et sûr de l’obéissance de Ses envoyés, Il avait ajouté que Son ordre serait littéralement exécuté, en sorte qu’avant la ruine de Jérusalem, l’Évangile aurait fait le tour du monde.
De quel droit les adversaires de nos traditions les plus vénérables, viennent-ils donner un démenti à ces divines paroles ? Retarder l’évangélisation des Gaules au delà du terme divinement fixé, n’est-ce pas outrager le Fils de Dieu dans Sa véracité, ou dans Sa puissance, ou dans Sa charité pour toutes les nations rachetées de Son sang : redisons encore, et dans Sa tendresse particulière pour la France, destinée de toute éternité à devenir la fille aînée de l’Église ?
Injurieuses à nos ancêtres qu’on accuse d’ignorance ou de fourberie. Tandis que les autres nations se glorifient de leurs antiquités et les défendent avec vigueur, on se demande quel intérêt peuvent avoir nos critiques français, à décapiter nos églises, dénicher nos saints et nous laisser barboter dans le paganisme, deux cents ans de plus que les autres parties du monde ? Rien n’est-il plus antinational qu’une pareille conduite ?
« Je ne puis m’empêcher de me plaindre, écrivait le savant archevêque de Marca, en voyant l’injure faite à la France, non par des étrangers, mais par des Français, aveuglés par le vain désir de passer pour savants. Au lieu de voir la vérité qui brille à tous les yeux, ils imaginent qu’ils doivent la chercher comme si elle était cachée au fond d’un puits.
Ils savent très bien que les apôtres ont porté l’Évangile dans l’Éthiopie et dans les Indes, et ils nient qu’ils l’aient fait pour les Gaules. Comme si les plus florissantes nations et les plus voisines de Rome, la capitale du monde, consacrée par le sang de saint Pierre et de saint Paul, leur avaient été moins chères que ces régions très éloignées et situées au delà des frontières romaines. Telle ne fut pas la pensée des apôtres. À peine arrivés en Italie, leur premier soin fut d’évangéliser les Gaules » (Epist. ad Henric. Oales).
Apporter ici les preuves de cette évangélisation apostolique, c’est-à-dire démontrer qu’en y croyant indubitablement, nos ancêtres n’ont été ni trompés ni trompeurs, serait recommencer le travail que nous avons fait précédemment. Contentons-nous de citer le témoignage de Pierre, le vénérable abbé de Cluny, au douzième siècle. Par sa date, comme par l’autorité de son auteur, ce témoignage ajouté à tant d’autres ferme la bouche tous les négateurs.
Écrivant contre les pétrobrusiens, le saint religieux s’exprime ainsi :
« Quant aux premiers apôtres de notre France, que votre impie fatuité et votre fate impiété vous a jusqu’ici empêchés de connaître, je vais en parler avec quelques détails, sur le témoignage même de l’antiquité et l’autorité des histoires, que nous ont laissés de saints personnages.
« Je dirai donc que non seulement nous, mais encore tous les peuples chrétiens, petits et grands, anciens et nouveaux, se moquent de votre folie et tiennent pour absolument certain qu’Irénée a été l’apôtre de Lyon ; Crescent, de Vienne ; Ursin, de Bourges ; Paul, de Narbonne ; Saturnin, de Toulouse ; Austrémoine, de l’Auvergne ; Martial, de Limoges, de Bordeaux et de Poitiers ; Fronton, du Périgord ; Eutrope, de la Saintonge ; Gatien, de Tours ; Julien, du Mans ; Denys de Paris ; Potentien et Savinien, de Sens ; Lucien, de Beauvais ; Andoche, d’Antun ; Bénigne, de Langres : et qui pourrait nommer tous nos glorieux apôtres et pères dans la foi » ? (8)
Le dénigrement systématique de nos critiques à outrance, n’est pas seulement injurieux aux apôtres, à Notre-Seigneur et à nos ancêtres, il est de plus funeste à la France et constitue un crime de lèse-patrie. En effet, il sépare la France de son glorieux passé, il la désarme, il ouvre la porte à l’hérésie et au rationalisme.
Il sépare la France de son glorieux passé. Nous l’avons dit et nous le répétons : l’infaillible moyen de perdre un peuple, c’est de lui faire oublier son histoire. Vrai de tout peuple, cela est vrai surtout d’un peuple chrétien. Or, un peuple oublie son histoire et en l’oubliant perd l’esprit de son origine, lorsqu’on lui supprime ses traditions, ou qu’on les livre au mépris : ce qui est tout un. Voilà ce qu’ont fait tous les novateurs, depuis la renaissance du paganisme, jusqu’à nos jours. Comme l’homme lui-même, le peuple est un être essentiellement traditionnel. Le résultat de leurs coupables efforts, est ce que nous voyons.
Et que voyons-nous ? Les nations modernes déracinées du sol, sans point d’appui, tournant à tout vent de doctrines, dupes de toutes les utopies, toujours en travail de sectes nouvelles, de constitutions nouvelles, de politique nouvelle, de philosophie nouvelle, pour aboutir à des déceptions nouvelles et à des révolutions incessantes. Ainsi ont été détachés de l’antique souche catholique, par le paganisme, par le protestantisme, par le césarisme, par le libéralisme, les nations de l’Europe, aussi bien que celles de l’Afrique et de l’Asie.
Comme en toutes choses la vérité est ancienne, tandis que l’erreur est nouvelle, les sociétés modernes ne retrouveront le repos et la vie, qu’en renouant la chaîne de leurs antiques traditions, criminellement brisée par les novateurs en religion en histoire, en philosophie, en littérature, en toutes choses.
Oublieuses du précepte, fondement de la société aussi bien que de la famille : « père et mère honoreras, afin que tu vives longuement », elles portent la peine du mépris des ancêtres. En ce qu’il tombe sur les traditions religieuses, ce mépris revêt un caractère particulier de gravité. C’est pourquoi, nous le combattons de toute la force dont nous sommes capables.
CHAPITRE XX – SUITE DU PRÉCÉDENT.
La France désarmée. – Oubli de ses Protecteurs. – Belles paroles de Baronius. – Dévotion de nos ancêtres à saint Denys.
2° Le dénigrement systématique de nos traditions désarme la France. — Une nation n’est pas gardée seulement par les armes de ses soldats : nous en avons la preuve. Elle l’est surtout par les saints protecteurs que Dieu lui a donnés. On lit dans le martyrologe des Gaules, ces paroles qu’on ne saurait trop méditer :
« Les saints premiers apôtres des Francs, non seulement les ont soutenus étant sur la terre, par leurs prières, par leurs sacrifices et autres actes, gages de leur affection, afin qu’ils s’affermissent dans la foi ; mais encore après qu’ils sont sortis de ce monde pour aller à Dieu, ils se sont puissamment intéressés à écarter les principaux dangers et malheurs du Royaume, se montrant visiblement protecteurs de cet État, qu’ils avaient arrosées de leurs sueurs et de leur sang.
« Mais, pour jouir de ces faveurs, il faut suivre la maxime donnée par l’auteur des actes de saint Saturnin : « Ne négligeons pas les amis de Dieu et Ses bien-aimés, comme s’ils étaient morts ; mais honorons-les comme vivants. Il est de foi indubitable que si nous demandons fidèlement leurs suffrages nous éprouverons heureusement leur protection. Le bonheur du royaume de France est né et s’est accru par le culte des saints du pays. Quand ce culte est venu à se refroidir, la gloire des lys a diminué » » (Apparatus ad martyrol., ch. XXI).
Baronius reconnaît hautement que depuis leur conversion, les Francs se sont illustrés par des exploits incroyables et au-dessus des forces humaines, à cause de leur piété envers Dieu et de leur vénération pour les saints, dont ils recherchaient les reliques avec une avidité extrême. Le père Chifflet leur donne cet éloge :
« Les chevaliers français après tant de travaux accomplis pour la conquête de la Terre sainte ne rapportèrent autre chose des dépouilles de l’Orient, que des reliques de saints, qu’ils estimaient plus que tous les trésors de l’Inde (9).
Après avoir rapporté le testament du vieux roi Robert, et les pressantes recommandations qu’il fait à son fils d’honorer les saints, le même Baronius ajoute :
« Vous voyez, lecteur, pour emprunter les paroles de Job, sur quelles bases solides est établi le royaume des Francs. Ces bases sont les saints, en sorte qu’on peut avec raison dire de ce royaume : Ses fondements sont sur les saintes montagnes. On peut aussi lui appliquer ce que dit l’Évangile : qu’il a résisté jusqu’ici aux violences des tempêtes, des vents et des fleuves, parce qu’il est fondé sur la pierre et qu’il durera toujours, tant que ses fondements demeureront immuables. Mais il tombera certainement si, ce qui à Dieu ne plaise, l’impiété vient à l’arracher de ses fondements » (An. 1029, n. 11).
De là vient que nos anciens rois, glorieux fondateurs du plus beau royaume après celui du Ciel, se montrèrent toujours si religieusement fidèles au culte des saints protecteurs de la France. Ils étaient si éloignés de vouloir, comme les critiques modernes, les bannir de leur royaume, qu’eux-mêmes n’osaient en sortir sans leur permission, quoique pressés par de grandes nécessités.
Voici ce qu’écrit l’historien Jean Villani :
« Lorsque Charlemagne devait sortir du royaume, il avait coutume d’en demander la permission à saint Denys et de lui recommander le royaume. Telle était sa formule : « Mon seigneur saint Denys, je vous demande la permission de m’absenter et je vous confie la France, afin que selon Dieu vous en preniez soin et la protégiez ».
« Cette coutume fut, pendant de longs siècles, très religieusement observée par les rois ses successeurs ».
Lorsque devant s’absenter du royaume ils allaient prendre l’oriflamme à Saint-Denys.
« De là, le nom donné à saint Denys, dès l’origine de la monarchie : Sentinelle toujours éveillée qui veille sur la France : nunquam dormiens excubitor Galliæ » (Syncelle, dans Millet in Vindiciis)
De là, cet autre nom donné plus tard au vénérable aréopagite, par lequel nos rois se déclaraient ses vassaux : Mon seigneur le Baron saint Denys.
De là, l’usage, en partant pour prendre l’oriflamme à Saint-Denys. De là enfin, le cri de guerre de nos chevaleresque aïeux : Montjoie, saint Denys. S’il est vrai que ces faits glorieusement traditionnels sont de nature à faire rougir nos hypercritiques, leur conduite a de quoi nous faire trembler. La calomnie est un crime. Le fils qui s’en rend coupable à l’égard de son père ou de sa mère, appelle les châtiments du Ciel sur sa tête et sur la tête de ses complices. Or nos critiques calomnient leur mère, la grande Église des Gaules en l’accusant, à la face du monde entier de s’attribuer des saints qu’elle n’a pas, et de s’être forgé des histoires pour se maintenir dans sa possession frauduleuse.
De plus, en appelant, comme ils ne rougissent pas de le faire, nos saints apôtres, des saints imaginaires, sanctos umbratiles, ils font cesser les hommages de reconnaissance, de vénération et de confiance que la France leur doit à tant de titres. En abolissant leur culte, ils la privent de leur protection, et renversent le rempart, si miséricordieusement élevé par la Providence autour de son royaume privilégié.
Autant qu’ils ont pu, ils ont banni de la France les plus illustres personnages du christianisme primitif, Lazare, Marthe et Madeleine de Marseille ; Trophime d’Arles ; Martial de Limoges ; Lin de Besançon ; Denys l’Aréopagite de Paris, et beaucoup d’autres hommes apostoliques, des lieux arrosés de leur sang. N’est-ce pas l’acte le plus antipatriotique et le plus coupable ?
De cette criminelle expulsion des protecteurs de la France et l’ingratitude nationale qui en est la conséquence, que pouvons-nous attendre, si ce n’est un abandon suivi de toutes sortes de calamités ? Quand les anges gardiens du temple de Jérusalem se furent éloignés, arrivèrent la destruction et la ruine.
CHAPITRE XXI – CONCLUSION DU PRÉCÉDENT.
Le matérialisme, conséquence de l’oubli des Saints. – Recours aux remèdes purement naturels. – Abandon des anciens pèlerinages. – Maladies incurables. – La critique moderne a ouvert la porte à l’hérésie et au rationalisme. – Nécessité de la combattre. – Les Biographies évangéliques.
Les négateurs de nos traditions nationales ont démantelé la France et appelé sur elle les fléaux de Dieu. Insistons sur ce fait plein d’une douloureuse actualité. Voyons ce qui se passe.
Aujourd’hui les multitudes courent aux quatre coins de la France, pour demander aux bains de mer, aux eaux thermales de Vichy, de Barrège, de Plombières, de Luxeuil, que sais-je ? la guérison de leurs infirmités. Nos pères allaient plus droit au but ; malades, ils s’adressaient aux saints, honorés de génération en génération dans les Gaules. Pour obtenir la santé, ils croyaient les amis de Dieu plus puissants que les créatures matérielles.
De là, sans négliger entièrement le recours aux causes secondes, les nombreux pèlerins qui sillonnaient si souvent les provinces de France, pour se rendre au tombeau de quelque saint ou de quelque sainte, en vue d’obtenir la guérison de telle ou telle maladie. Les ex-voto qui tapissaient les vénérables sanctuaires, devenaient les témoins perpétuels de la puissance des saints et de la foi des malades.
Dans les royaumes de la terre, les rois ont plusieurs ministres, dont chacun est chargé d’une branche particulière de l’administration. Il en est de même dans le royaume du ciel, archétype de tous les royaumes. Les anges, dit saint Paul, sont des esprits administrateurs, dont chacun a mission de procurer le bien spirituel et temporel des héritiers du Ciel (Hebr. 1, 14).
Il en est de même des saints : chacun a son département à administrer : c’est-à-dire des besoins spéciaux, spirituels ou temporels, à soulager. On peut voir dans le grand martyrologe des Gaules, Martyrologium Gallicanum, la nombreuse liste des sanctuaires où l’on allait en pèlerinage, pour telle ou telle maladie. Comme nous l’avons dit, les ex-voto témoignent que la confiance des malades n’était pas vaine. Oh ! que nos pères étaient de braves gens ! braves non seulement sur les champs de bataille, mais braves dans leur fidélité aux enseignements de la foi.
Dans les calamités publiques, c’était mieux encore. On peut douter si jamais le soleil éclaira un spectacle plus magnifique et plus touchant, que ces grands pèlerinages, accomplis par nos ancêtres pour tenir la cessation de quelque fléau. Voyez-vous les populations entières, prêtres, nobles, magistrats, bourgeois, hommes des ateliers et hommes des campagnes se rendant à pied, en bel ordre et en priant vers un sanctuaire vénérable, éloigné quelquefois de plusieurs lieues et même de plusieurs journées de marche, afin d’obtenir la cessation d’une peste, d’une sécheresse ou de telle autre calamité? Leur foi ne restait pas sans récompense : la parole du Tout-Puissant était engagée.
Et nous, leurs enfants, quelle est notre conduite ? Grâce aux démolisseurs de nos traditions, pères des libres penseurs, nous trouvons de bon goût de nous moquer de la foi simple et naïve de nos pères. Cependant les fléaux de Dieu tombent comme la grêle sur la France coupable, plusieurs même sont endémiques. Depuis longues années, les pommes de terre sont malades. Au lieu de guérir, la vigne empire de jour en jour. Atteinte d’abord de l’oïdium, elle s’est vue attaquée par la .pyrale ; et comme complément, elle est aujourd’hui ravagée par un ennemi plus redoutable que tous les autres : l’imperceptible, le mystérieux, le terrible phylloxéra.
Au moment où ces lignes sont écrites, quarante trois de nos départements vinicoles sont envahis. Cette année, 1878, la récolte en vin n’est plus que d’un tiers. L’année prochaine, si l’insecte continue ses ravages, elle ne sera plus que d’un quart, peut-être moins. Quand le mal s’arrêtera-t-il ? Le savant l’ignore, mais le chrétien le sait. Le savant l’ignore, parce que, ne connaissant pas la cause du mal, ou ne voulant pas la connaître, ses remèdes sont impuissants. Les fléaux de Dieu ne s’apaisent pas avec du souffre ou du carbone. Le chrétien le sait, parce que, connaissant la cause du mal, son remède est infaillible.
Quelle est cette cause ?
« Parce que tu ne veux pas écouter Ma voix, dit le Seigneur, tu planteras la vigne, tu la soigneras et tu ne mangeras pas de son fruit ; elle ne produira rien, parce qu’elle sera dévorée par les vers » (Deut. XXVIII, 15-59).
Quel est ce remède?
« Si tu écoutes la voix du Seigneur ton Dieu, Il ouvrira Son plus riche trésor et te fera abonder en toute sorte de biens » (id. 1-12 11).
Voilà qui est clair. Le remède au phylloxéra, c’est de revenir à la foi simple et naïve de nos pères, et de dire comme eux dans la sincérité de notre cœur : Nous avons pêché ; nous le reconnaissons humblement : mais c’en est fait, nous nous convertissons. Comme la cessation de tous les autres fléaux, la destruction du phylloxéra est à ce prix : sinon, non.
3° Le dénigrement insensé des critiques modernes a ouvert la route à l’hérésie et au rationalisme.
Un fléau plus terrible que le phylloxéra ravage aujourd’hui la France. Tout le monde nomme l’incrédulité, montée jusqu’à la négation radicale de toute vérité, religieuse et même sociale. En grande partie du moins, qui en porte la responsabilité devant Dieu et devant tout homme impartial ? Les négateurs de nos traditions nationales. Un de leurs ancêtres, Érasme, disait : « J’ai pondu l’œuf, Luther l’a fait éclore : Ego peperi ovum, Lutherus exclusit ». De là cet adage devenu historique : « Où Érasme fait signe, Luther accourt : Ubi Erasmus innuit, Lutherus irruit ».
L’erreur est comme la goutte d’huile tombée sur un vêtement. D’abord, point imperceptible, elle devient bientôt une tache considérable. Les négations particulières des critiques dont justice a été faite, sont devenues, par voie de conséquence, la négation universelle. Poursuivant l’œuvre de leurs devanciers, les rationalistes modernes sont arrivés jusqu’à nier la réalité des personnages et des faits évangéliques.
En voyant la France et l’Europe, expirant victimes du doute, on se demande avec effroi, comment après dix-huit siècles de foi chrétienne, le monde en est arrivé là. Ce qui est, émane de ce qui fut. Les fontaines font les ruisseaux ; les ruisseaux font les rivières ; les rivières font les fleuves et les fleuves vont se répandre et se perdre dans les océans. Il en est de même de l’erreur, on ne saurait trop le répéter.
Que les critiques à outrance, jansénistes et gallicans, se rendent compte de ce qu’ils ont fait. Négateurs de nos traditions religieuses et nationales les plus vénérables, peuvent-ils se laver les mains et dire comme Pilate : « Nous sommes innocents des erreurs qui tuent le monde actuel et la France en particulier ? » L’Église a mis nos premiers missionnaires dans ses martyrologes et dans ses offices, avec le titre d’apôtres et de disciples immédiats des apôtres ; et vous leur refusez ce titre glorieux, et en le leur refusant vous décapitez nos églises!
Cette première négation, sachez-le bien, a fait planche à d’autres négations de plus en plus radicales. Combien de saints n’avez-vous pas attaqués, au mépris de l’autorité de l’Église qui les a placés sur ses autels ? Plusieurs des vôtres ne sont-ils pas allés jusqu’à dire que les papes inscrivaient dans leurs bulles ce que quelque charlatan leur avait suggéré ; ou qu’ils ont eu des suppôts de ténèbres, pour forger des bulles en leur nom ? (Launoy, apud Quesnæum 1. P. Censura in critic. Lipsanon ; et in bulla sabbatina C. IV, p. 76, édit. 1655).
Condamner ainsi les témoignages de l’antiquité, touchant les premiers apôtres des Gaules, n’est-ce pas convier les hérétiques et les mécréants à rejeter les traditions de l’Église elle-même ? N’est-ce pas, en effet, la critique des seizième et dix-septième siècles qui apprit aux protestants à mépriser et nos saints, et leurs reliques, et leurs sanctuaires, et le culte que leur rendaient nos ancêtres ? Pouvait-il en être autrement, quand ils voyaient parmi les catholiques de prétendus savants penser comme eux ? N’est-ce pas elle enfin qui, livrant à la dérision la foi de nos pères, a jeté le doute et la confusion dans l’esprit des fidèles, refroidi ou éteint leur piété envers les protecteurs de la France ?
Conduite insensée autant que coupable ! Toutes les grandes églises des Gaules chantent leur origine apostolique, les martyrologes la racontent, les docteurs l’enseignent, d’innombrables monuments la perpétuent, les vrais savants la démontrent : et dans l’orgueil d’une science qui ne doute de rien, parce qu’elle ne se doute de rien, les hypercritiques viennent troubler de leur voix discordante cet harmonieux concert !
Inqualifiable au triple point de vue de la science, de l’honneur national et de la religion, cette conduite est tout à la fois un outrage aux apôtres, à Notre-Seigneur Lui-même, à nos ancêtres, et un crime de lèse-patrie.
Au risque de nous répéter sur quelques points, nous allons raconter brièvement la généalogie des modernes critiques, dont on vient de voir les funestes tentatives ; c’est le moyen de montrer ce qu’ils sont et ce qu’ils valent. Nous espérons le montrer mieux encore dans un ouvrage, terminé depuis longtemps, et qui n’attend pour paraître que des jours meilleurs.
Sous le titre de BIOGRAPHIES ÉVANGÉLIQUES, cet ouvrage contient l’histoire, à peu près inconnue, de tous les personnages nommés dans le Nouveau Testament, depuis l’Évangile de saint Matthieu jusqu’à l’Apocalypse, inclusivement. Étant donnée la guerre actuelle, guerre sans merci contre la religion et contre la société, guerre qui conduit le monde à la barbarie, nos biographies entrent naturellement dans les conditions de la défense.
Là, se trouve leur principale raison d’être et de leur à-propos. Le catholique d’aujourd’hui doit être bardé de fer, afin d’être invulnérable et armé de toutes pièces, pour ne céder à l’ennemi ni un pouce de son territoire, ni une pierre de ses forteresses.
Venons à la généalogie des hypercritiques.
Après quinze siècles de christianisme, il s’est rencontré au sein des nations baptisées, des hommes assez insensés pour nier les faits, d’où est sortie la civilisation du monde, et assez impertinents pour délivrer, sans façon, un brevet de démence à l’élite du genre humain. Comment cela s’est-il fait ? et quelle est l’origine de cette race inconnue de l’antiquité ?
Il y a aujourd’hui un fait visible comme le soleil, et que nous avons plusieurs fois annoncé dans nos écrits : Depuis longtemps, il s’opère à l’égard du christianisme, dans l’ordre historique et traditionnel, non moins que dans l’ordre philosophique et politique, un travail incessant d’élimination. Sous le nom de science positive et de critique éclairée, on a fait main basse de toutes, ou presque toutes les traditions des églises particulières. Aux douces croyances succède la sèche négation. Dépouillé de son auréole, le christianisme n’est plus le soleil levant dont le rayonnement s’étend au loin : on dirait une montagne isolée qui cache son sommet dans des brouillards éternels.
Autrefois il n’en était pas ainsi. Autour de la grande tradition catholique, se rangeaient de nombreuses et belles traditions particulières. Les personnages évangéliques, dont nous entreprenons d’esquisser l’histoire, étaient connus autant qu’ils peuvent l’être. Des oratoires, souvent des églises et monastères marquaient le lieu de leurs prédications, le théâtre de leurs miracles, le champ de bataille où ils avaient conquis la palme du martyre. Des pèlerinages, donnant un corps à la tradition, la fixaient dans les habitudes de la vie.
Ce que la parole transmettait à l’oreille, les arts le redisaient aux yeux. Qu’étaient les verrières, les bas-reliefs, les peintures murales des anciennes églises, sinon l’histoire détaillée des premiers prédicateurs, à qui on se croyait redevable de la foi ? Fondées sur tant de titres, consacrées par le temps, les églises des Gaules, des Espagnes, de la Germanie, de la Grande-Bretagne, se faisaient gloire d’avoir eu quelques-uns de nos personnages évangéliques, pour fondateurs ou pour coopérateurs de leurs premiers apôtres.
Chacune d’elles pouvait dire de ses origines apostoliques, ce que l’Espagne a dit des siennes par la bouche d’un de ses illustres enfants : « Nous tenons pour presque aussi certain qu’un article de foi, que saint Jacques est venu en personne prêcher dans ce royaume » (10).
Chapitre XXII – GÉNÉALOGIE DES HYPERCRITIQUES.
La Renaissance. – Le Jansénisme. – Le Gallicanisme. – Le Rationalisme. – Mouvement de réaction.
Au milieu d’un riche cortège de traditions, si vénérables et si émouvantes que leur histoire même est de la poésie, l’Église catholique, semblable à une reine environnée de sa cour, s’avançait tranquillement à travers les âges, lorsque, après de longs siècles de paisible possession, des hommes se levèrent pour lui disputer ses gloires.
Littéraire, artistique, traditionnel, historique même, l’héritage du passé, ou fut répudié tout entier, ou accepté sous le bénéfice du plus partial inventaire. Le caractère particulier d’un miracle, le silence d’un historien, une erreur de date, l’altération d’un texte, des fautes de copistes, quelques variantes dans les manuscrits, l’absence de classicisme dans le langage, et surtout l’ombre d’une intervention surnaturelle furent autant de fins de non-recevoir.
Les récits, jusqu’alors les plus autorisés, furent traités de légendes, et ceux qui les écrivirent, de cuistres et de robins. Ce qui avait obtenu la foi des contemporains les plus respectables, devint le produit de cerveaux malades, transmis à la postérité par des esprits trompés ou trompeurs.
Survint le protestantisme, fils des hypercritiques de la Renaissance : Ego peperi ovum, Lutherus exclusit. Contempteur de la tradition universelle, à plus forte raison des traditions locales, il prétendit circonscrire la discussion sur le terrain de la Bible. On lui fit d’imprudentes concessions. Sous prétexte de sauver le cœur de la place, on abandonna les ouvrages avancés. Alors se produisit, dans l’ordre intellectuel, quelque chose d’analogue aux ravages successifs des arbres et des plantes, décrits par un prophète (Joël, 1, 5).
Au protestantisme succéda le jansénisme qui dévora le résidu du protestantisme. Au jansénisme succéda le voltairianisme, qui dévora le résidu du jansénisme. Au voltairianisme succéda le rationalisme qui dévore aujourd’hui le résidu du voltairianisme : insecte à la dent d’acier qui ne laisse intact aucun fait de l’histoire religieuse.
Mais autant ils sont audacieux, autant les rationalistes modernes sont insensés. Prétendre que l’Évangile est une invention humaine, quand la divinité de ce livre, devant lequel pâlissent tous les livres des hommes, s’impose d’elle-même à la foi des plus grands génies de l’Orient et de l’Occident ; quand des flots de sang généreux ont coulé et coulent encore pour soutenir les vérités qu’il enseigne ; prétendre que l’Évangile est une fable, quand on trouve dans ce livre plus de cent noms propres, noms de personnages, dont plusieurs sont célèbres dans l’histoire profane, aussi bien que dans l’histoire sacrée : n’est-ce pas le comble de l’aberration et la juste punition de l’orgueil ?
Grâce à nos biographies, on verra que ces noms, les faits qui s’y rattachent, soudent si fortement l’histoire sacrée à l’histoire profane, qu’il faut tout admettre ou tout nier. Mais tout nier n’est pas seulement anéantir l’histoire, c’est nous conduire au pyrrhonisme universel, par conséquent à la mort de l’intelligence. Hélas ! quelle multitude d’âmes sont déjà ensevelies dans ce tombeau, creusé par le rationalisme !
Ainsi, combattre par tous les moyens le rationalisme homicide, n’est pas seulement un devoir religieux, c’est un devoir social. Tout libre penseur est un libre faiseur. Tout libre faiseur est l’ennemi né de tout ce qui l’empêche de faire ce qu’il veut. De là, sa haine à outrance de tout droit et de toute autorité.
Cependant, dénigrer n’est pas raisonner ; nier pas prouver. Traiter notre histoire et nos traditions comme font les rationalistes n’est pas de la saine critique, mais de la critique malsaine et de la fausse science. Dans cette fièvre continue de négation, il faut voir l’influence du père du mensonge et une maladie de l’esprit humain.
En effet, cette prétendue critique repose sur l’oubli de cinq choses essentielles :
Elle oublie : 1° que nos aïeux avaient, pour le moins, autant de bon sens que nous et autant de crainte du mensonge : Rien ne prouve le contraire ;
Elle oublie : 2° qu’étant plus rapprochés des événements, ils étaient mieux que nous, à même d’en juger ;
Elle oublie : 3° qu’avant la Renaissance et l’invention de l’imprimerie, la tradition n’était pas livrée au gaspillage des premiers venus ; qu’il n’y avait ni journaux pour la falsifier, ni faiseurs de livres à tant la ligne pour la tourner en ridicule ; mais qu’elle se conservait à l’ombre du sanctuaire, dans le calme des monastères, au paisible foyer des familles patriarcales. Cela veut dire que le patrimoine de tous était confié à la garde de la classe la plus savante et la plus vertueuse de la société.
Elle oublie : 4° que les miracles sont les lettres de créance de l’apostolat ; que dans la vie des saints, surtout des premiers âges, le surnaturel devient le naturel ; et que la place de l’homme, assez impertinent pour refuser à Dieu le pouvoir de faire des miracles, n’est ni à l’Académie, ni à l’Institut, mais à Charenton.
Elle oublie : 5° que les anciens possédaient des détails ignorés aujourd’hui et des monuments que nous n’avons plus. Il est notoire qu’un grand nombre de documents ont péri dans les invasions des barbares, dans les guerres locales, dans les guerres peuple à peuple, surtout dans les guerres de religion, qui saccagèrent tant de bibliothèques, tant de monastères, et même tant de villes en France, en Suisse, en Angleterre et dans tout le nord de l’Europe.
On peut juger quels étaient ces trésors d’érudition et d’histoire, dont quelques débris, providentiellement retrouvés, suffisent aujourd’hui à la science catholique, pour refaire toute une biographie inconnue ou méconnue ; assurer l’authenticité d’un fait résolument nié et donner pleine raison à des traditions dédaigneusement rejetées par la nouvelle école.
Citons seulement comme exemple les Monuments inédits de l’apostolat de saint Lazare, par M. Faillon ; la Fondation apostolique de l’église de Limoges, par M. Arbellot ; l’Apostolat de saint Bénigne à Dijon ; de saint Front à Périgueux ; de saint Trophime à Arles ; la Défense de l’Église, par M. l’abbé Gorini, ouvrage dans lequel sont démontrées les erreurs de MM. Thierry, Guizot, Ampère et autres, regardés comme les princes de la science historique à notre époque.
Un heureux mouvement de réaction contre la fausse critique s’est donc manifesté. En France surtout, des hommes de cœur et de savoir ont rouvert le glorieux tombeau de notre antiquité chrétienne. Ils ont révisé bien des procès, dont ils ont fait appel à l’opinion mieux informée. Leur travail n’a pas été vain. Bien des bouches parlant le mal, ont été obturées, obstructum est os loquentium iniqua. Beaucoup d’illustres mémoires ont été réhabilitées.
Honneur à ces grands ouvriers ! Puissent-ils achever leur courageuse entreprise ! Venger l’Église sur le terrain de l’histoire et de la tradition, comme d’autres l’ont vengée sur le terrain de la géologie et des sciences naturelles tel est le but qu’ils poursuivent il n’en est pas de plus noble.
« Je voudrais, dit M. le chevalier de Rossi, le célèbre révélateur actuel des catacombes romaines, que les origines de chaque église, les premières traces de la foi chrétienne dans chaque ville, dans chaque bourgade, les preuves de l’épanouissement de la foi dans chaque province ou région du monde antique, fussent dévoilées devant nous… Alors nous aurons un orbis christianus monumental, qui sera tout à la fois une immense consolation pour les fidèles, un invincible argument contre l’incrédulité et un magnifique triomphe pour le savant ».
Plaise à Dieu que notre travail biographique, si humble qu’il soit, contribue en quelque chose à la construction du grand édifice ! Il est vrai, raconter et non discuter : voilà notre but. Toutefois, nos biographies sont loin d’être dénuées de preuves. Elles se basent, au contraire, sur des faits bien connus ou sur des traditions autorisées. Nous appelons de ce nom celles qui reposent sur les anciennes liturgies, sur le témoignage des grands biographes de l’Occident et de l’Orient, sur les monuments du moyen âge ou sur les ouvrages qui les résument. De ce nombre est, pour les Gaules en particulier, le consciencieux martyrologe de Du Saussay.
Si c’est un tort, nous devons l’avouer : en général, ce qui est moderne a pour nous peu d’attrait ; c’est la vérité qui est ancienne, et l’erreur est moderne. Tout ce qui est nouveau en théologie, est hérétique ; tout ce qui est nouveau en philosophie est absurde ; tout ce qui est nouveau en politique est révolutionnaire ; tout ce qui est nouveau en histoire est roman.
Mais nous aimons ce qui est vieux ; et nous avons un faible particulier pour les vieux livres. Bon ou mauvais, notre goût est exprimé d’une manière si naïve dans la lettre suivante d’un ancien auteur, que nous cédons au plaisir de la citer presque en entier.
« De ma nature je suis ennemy de la nouvelle opinion, et grand amy de vieux livres, que j’ai rapportés et cherchés avec diligence en diverses contrées. Me toucher à eux, c’est m’arracher les yeux. Car si Job a dit chapitre XII, verset 12 : In antiquis est sapientia, la sagesse se trouve chez les anciens ; j’ai aussi opinion que le sçavoir se trouve plus ès vieux livres qu’ez hommes chenuz.
« Le bon roi Alphonse, qui prit Naples, disait que c’était grand soulagement à l’homme vieil, d’avoir vieil cheval pour chevaucher, vieux bois pour brûler, vin vieil pour boire, vieux amis pour converser et vieux livre pour lire.
« Les vieux livres ont plusieurs avantages sur les nouveaux, c’est qu’ils contiennent vérité, ont gravité et montrent autorité » (Lettre d’Antoine Guerara à l’évêque de Badajoz).
Par cela même que nos biographies sont tirées des monuments anciens, elles auront, la plupart, tout l’intérêt de la nouveauté. À ce titre, elles seront, nous aimons à l’espérer, une lecture aussi agréable qu’instructive, et, nous ajoutons, plus utile aujourd’hui que jamais. On se ferait difficilement une idée de l’ignorance dans laquelle nous vivons, relativement à nos antiquités chrétiennes. Le goût, le temps, la volonté, manquent pour les étudier.
Déjà nous l’avons dit ; à l’exception de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la sainte Vierge, des apôtres, de saint Jean-Baptiste et de quelques autres, l’Évangile se contente presque toujours de nommer les personnes, mêlées aux faits qu’il rapporte : et le nombre en est grand.
Souvent même il ne prononce pas leur nom. Elles paraissent et disparaissent sans que le texte sacré dise ce qu’elles sont devenues. Entre autres exemples, on peut citer les Bergers de Bethléem, les Mages, l’Aveugle-né, la Samaritaine, la Chananéenne, les Centeniers de Capharnaüm et du Calvaire. Le chrétien réfléchi comprend ce silence divin et il l’adore.
Toutefois en exprimant ici notre pensée, nous croyons traduire la sienne. Comme la nôtre, sa pieuse curiosité trouverait une douce satisfaction à posséder quelques détails historiques sur les êtres privilégiés qui eurent l’insigne bonheur d’avoir des rapports personnels avec le Fils de Dieu, conversant parmi les hommes. Quoi de plus légitime ?
Si les moindres circonstances des grands événements de l’histoire acquièrent une importance proportionnée à la grandeur même des événements, on avouera sans peine qu’un intérêt bien autrement puissant s’attache aux simples actions du Verbe éternel, revêtu de la nature humaine.
Si les personnes dont la vie s’écoule côte à côte d’un homme célèbre, témoins intimes de ses actions et confidents de ses pensées, ou même qui n’ayant eu avec lui que des rapports transitoires, furent néanmoins honorés de sa bienveillance, deviennent l’objet d’une curiosité jalouse ; sans comparaison plus noble et mieux justifié est le désir de connaître les personnes assez heureuses pour avoir conversé avec Dieu Lui-même, L’avoir entendu de leurs oreilles, vu de leurs yeux, touché de leurs mains, mangé avec Lui, et sur qui Sa bonté répandit des faveurs plus que royales.
CHAPITRE XXIII – UTILITÉ DES BIOGRAPHIES ÉVANGÉLIQUES.
Intérêts qu’elles présentent au point de vue historique et religieux, – au point de vue de la santé morale de notre époque. – Règle à suivre en les lisant.
Si rien n’égale en intérêt la connaissance de nos origines chrétiennes et l’histoire des admirables fondateurs de la grande nation catholique, qui brille au milieu de toutes les autres sociétés, comme le soleil au milieu des étoiles du firmament; si cette connaissance est tout ce qu’il y a au monde de plus propre à éclairer l’esprit, à élever le cœur, à produire l’héroïsme de la vertu et à faire progresser les sociétés humaines dans la voie de la prospérité et du bonheur; il faut l’avouer avec douleur : rien n’est plus étranger à notre siècle.
Qui de nos jours étudie sérieusement la religion dans ses merveilleuses origines, dans ses institutions, dans ses gloires, dans ses grands hommes, dans ses immenses bienfaits ? L’Évangile même, cette unique charte de l’humanité, ce code civilisateur des nations, cette lumière de la vie, cette loi divine sur laquelle nous serons tous jugés : qui le connaît ? Qui même l’a lu d’un bout à l’autre ? Combien seraient bouche close, si on leur demandait le nom des quatre évangélistes, à plus forte raison celui des douze apôtres, ou le nombre des épîtres de saint Paul ? Si on connaît si peu le foyer, comment supposer qu’on en connaît le rayonnement ? Or, les détails, objets de notre étude, sont comme le rayonnement de l’Évangile.
Par ce rayonnement, nous entendons la divine influence de Notre-Seigneur sur les personnes nommées dans le Nouveau Testament. On sait ce qu’elle produisit sur les apôtres ; elle en fit les propagateurs intrépides de la vérité dans le monde entier. Tout nous dit que c’est pour une mission analogue, et non pas seulement pour leur sanctification personnelle, que la plupart des autres personnages, moins connus, furent appelés auprès du divin Rédempteur. Nous le voyons par l’exemple des soixante-douze disciples, de Lazare et de ses sœurs.
Il faut donc croire, avec toute la tradition, que ces mortels privilégiés, Juifs ou gentils, venus des différentes parties du monde, témoins des enseignements du divin Maître ou des prodiges du Cénacle et reconduits par la Providence, ou dispersés par la persécution, en Orient et en Occident, répandirent autour d’eux, comme un parfum, ou comme un reflet de lumière, la connaissance du Dieu-homme, de Sa bonté, de Ses miracles, de Sa doctrine et de Sa divinité. Ils devinrent ainsi, dans une sphère inférieure à celle des apôtres, les propagateurs de l’Évangile et le premier noyau des chrétientés naissantes. On doit en dire autant des disciples choisis par les apôtres eux-mêmes.
Or, les détails qui concernent ces humbles mais admirables ouvriers de la civilisation du monde, ne se trouvent pas dans le texte sacré. Il faut les chercher dans l’histoire de l’Église et dans la tradition, On ne peut les découvrir qu’en consultant avec patience les monuments primitifs, les Pères apostoliques, les hagiographes et les commentateurs. Qui fait ce travail général ? Qui en a la pensée, le goût, le loisir et la volonté ?
Ah ! s’il s’agissait de l’antiquité païenne, des disciples de Thalès ou de Pythagore, de la vie et de la mort de quelque petit grand homme de Rome ou d’Athènes, des champs de bataille de Marathon ou de l’emplacement d’Alésia, on trouverait à qui parler. Hommes et choses nous seraient servis avec mille détails historiques, philosophiques, topographiques, philologiques. Vous pourriez dessiner les lieux et peindre les hommes. Quant aux saints personnages de l’Évangile, nous le répétons, il est loin, bien loin d’en être ainsi. À défaut d’autre avantage, le travail destiné à les faire connaître aura donc, pour le plus grand nombre, tout l’intérêt de la nouveauté.
Le texte sacré nomme d’autres personnes qui eurent avec le divin Rédempteur des rapports d’une nature bien différente. Nous voulons parler de Ses persécuteurs. Il nous a paru bon de faire aussi leur biographie. Les châtiments exemplaires dont ils ont été frappés sont une preuve de la divinité de leur victime et une leçon, toujours ancienne et toujours nouvelle, pour les ennemis du christianisme. Est-ce seulement pour contenter une louable curiosité, ou pour donner une leçon à des hommes qui n’en profiteront guère, que nous entreprenons cette nouvelle tâche ? Ce serait quelque chose, sans doute, mais pas assez. Sauf erreur, ce modeste travail nous semble être d’une utilité réelle et ne pas manquer d’à-propos.
Quand on a longtemps vécu dans une atmosphère corrompue par les exhalaisons fiévreuses des marais, ou empoisonnée par les miasmes mystérieux du choléra, quel est le plus grand besoin si on veut échapper à la maladie ou à la mort ? Quel est le premier conseil des médecins ? N’est-ce pas de changer d’air ?
Dans quelle atmosphère vivons-nous aujourd’hui et même depuis longtemps ? Nourris d’une littérature frivole et malsaine, enfoncés dans le rationalisme ou semi-rationalisme, dans le matérialisme et dans le sensualisme, si nous analysons l’air que nous respirons à pleine poitrine, c’est à peine si, sur dix parties, il se trouvera, surtout dans les villes, deux parties d’élément vital. Aussi quelle est la santé morale de la société ?
La réponse est sous nos yeux. Il faut en conclure qu’un des besoins les plus puissants du monde actuel, c’est de changer d’air. Mais où trouvera-t-il air vivifiant qui lui rendra la santé ? Où le monde païen, auquel nous ressemblons sous trop peu de rapports, le trouva-t-il ? Dans l’Évangile.
Les rappeler à l’étude de l’Évangile est donc un service incontestable rendu aux nations modernes. Comment atteindre ce but ? Un bon moyen, ce nous semble, serait de rendre une semblable étude attrayante, comme toute étude historique. Cette pensée a donné naissance à nos Biographies.
Composées de faits intéressants, et la plupart inconnus aujourd’hui, elles forment un petit commentaire du texte sacré : commentaire agréable à lire, facile à comprendre et dont chaque ligne donne un corps au fait énoncé dans l’Évangile. Par elles et avec elles, on se trouve reporté au foyer même de la vie chrétienne.
On respire le parfum si pur, si puissant et si doux des temps apostoliques. La sève de foi qui, aux jours de l’Église naissante, produisit tant de miracles de détachement du monde, de dévouement pour Dieu, et de courage dans les luttes de la vie, cette sève, trop longtemps arrêtée, reprend son cours. On se sent renaître à une existence nouvelle, dont le charme mystérieux vous subjugue et vous sanctifie. Ainsi se vérifie de la manière la plus heureuse le proverbe connu : Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es.
Afin de ne pas troubler l’esprit du lecteur, par des études critiques, notre récit passe sous silence les variantes d’une importance secondaire, et même certaines oppositions qui peuvent se rencontrer dans des traditions moins autorisées que les nôtres. Un labeur de conciliation nous entraînerait trop loin. Cependant, pour faire entrer peu ou beaucoup ce modeste travail dans les conditions de la lutte actuelle, nous indiquons avec soin, à la fin de chaque biographie, les sources d’où elles sont tirées. Ce n’est pas seulement une preuve de conscience littéraire, c’est encore, ce nous semble, un service rendu à l’érudit et un moyen de contrôle offert au critique.
Quoi qu’il en soit, nous aimons à croire que tous se rappelleront ce principe régulateur des esprits de bonne foi : Dans les choses d’une vérité certaine, unité ; dans les douteuses, liberté ; dans toutes, charité : In necessariis, unitas ; in dubiis, libertas ; in omnibus, charitas.
[1] Taraud, De l’état des Gaules ; voir aussi : Vie de saint Martial, par le P. Bonaventure de Saint-Amable, 1ère part., liv. VI, ch. v ; Chronique de Verdun, par Hugues de Flavigny ; Annales d’Avignon, par Bordein, arch. de cette ville ; Dupleix, Histoire de Clovis ; Gabriel du Préau, Histoire de Pépin ; Pamelius, in Tertull. lib. adv. Judæos, ch. vii, etc.
[2] Le plus judicieux des critiques, le père Honoré de Sainte-Marie, prouve que les critiques modernes se sont fait bien souvent des règles à plaisir, qu’ils les ont observées ou négligées suivant leurs caprices, et que, par conséquent, on fait très bien de revenir sur plusieurs de leurs jugements. Réflexions sur les règles et l’usage de la critique, t. II, p. 7.
[3] Voir entre autres : Hugo Ménard. Diatrib. in Sulpit. Sever ; le P. Bonaventure de Saint-Amable, Apostolat de saint Martial ; M. Faillon, Monuments inédits de l’apostolat de sainte Madeleine, etc. M. l’abbé Arbellot, Sur saint Martial ; MM. Davin et Darras, Vie de saint Denys l’aréopagite, etc., etc.
Lorsqu’il y a quelques années, le diocèse de Paris revint à la liturgie romaine, on présenta le nouveau Propre à l’approbation du souverain pontife. Pie IX fit effacer des leçons ce qui paraissait contraire à l’apostolat de saint Denys l’Aréopagite, comme premier évêque de Paris. « L’église catholique, dit-il, n’a jamais connu qu’un saint Denys, missionnaire dans les Gaules, celui qui fut disciple de saint Paul et à qui vous devez le don de la foi ». Telle fut aussi la constante tradition de la France, attendu que l’église de Saint-Louis des Français à Rome, bâtie à la fin du XVIè siècle, est dédiée à la sainte Vierge, à saint Denys l’Aréopagite, apôtre de Paris, et à saint Louis, roi de France.
[4] Voir : De l’autorité de Grégoire de Tours, par M. Lecoy de la Marche, de l’école des Chartes.
[5] Voir Baronius, an. 46, n. 2 ; Pamelius, Not. 30 à 51 in Tertullianum, lib. advers. Judæos, édit. in-fol., p. 177, 179 ; et les auteurs que nous citerons à la fin de chaque biographie.
[6] Dieu nous garde de parler de la sorte pour diminuer le mérite de Sulpice Sévère et de Grégoire de Tours, dont les ouvrages sont précieux à plus d’un titre. Nous le faisons uniquement pour sauvegarder les droits de la vérité et le respect dû à notre vénérable antiquité.
[7] Au témoignage très explicite de saint Adon, évêque de Vienne, cité dans notre biographie de Pilate, ajoutons celui d’Eusèbe. Neque vero illud prætereundum est, Pilatum ipsum qui Servatorem nostrum morti addixit, post modum, imperante Caio, in tantas incidisse calamitates, ut mortem sibi conscisceret suorurnque ipse scelerum vindex esse coactus fuerit : divina scilicet justifia in illum, ut par erat, sæviente.
[8] Comme il le dit, le saint abbé ne fait qu’une énumération sommaire des apôtres des Gaules. De la vient qu’il ne mentionne ni Lin de Besançon, ni Materne de Cologne et de Trèves, ni Lazare de Marseille, bien que leur apostolat ne soit pas moins certain, que celui des illustres missionnaires dont il donne les noms.
[9] Jacobus Chifflet de Linteis sepulcralibus Servatoris, ch. x, p. 59, in-4°, Antuerpiae, 1624. – Nous avons de Pierre Chifflet deux ouvrages très intéressants sur saint Denys l’Aréopagite : Dissertatio de uno Dionysio, Prirnum Areopagita et Episcopo atheniensi, tum deinde Parisiorum apostolo et martyre, in-12, Paris, 1627, 147 pages. De sancti Dionysii ætate, in-12, Paris, 1629, 62 pages.
[10] Isella, Regul.milit. s. Jacobi, ch. III.
On peut appliquer ici les sages paroles de Chateaubriand sur la visite des lieux saints : « Les premiers voyageurs étaient bienheureux, ils n’étaient point obligés d’entrer dans toutes ces critiques ; premièrement, parce qu’ils trouvaient dans leurs lectures, la religion qui ne dispute jamais avec la vérité ; secondement, parce que tout le monde était persuadé que le seul moyen de voir un pays tel qu’il est, c’est de le voir avec ses traditions et ses souvenirs.
« C’est, en effet, la Bible et l’Évangile à la main que l’en doit parcourir la Terre Sainte. Si on veut y porter un esprit de contention et de chicane, la Judée ne vaut pas la peine qu’on aille la chercher si loin. Que dirait-on d’un homme qui, parcourant la Grèce et l’Italie, ne s’occuperait qu’à contredire Homère et Virgile ? Voilà pourtant comme on voyage aujourd’hui, c’est un effet de notre amour-propre qui veut nous faire passer pour habiles, en nous rendant dédaigneux ». Itinéraire, t. II.