
FRANCE CATHOLIQUE ET ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
par Ythier de Nabrué
L’élection présidentielle de cette année 2017 donne lieu à entendre et à lire absolument n’importe quoi. Tout le monde nage dans la plus extrême confusion : « Quand il y a une éclipse, tout le monde est à l’ombre » (Charles Péguy). Il y a pourtant une « boussole » pour y voir clair : la théologie politique catholique sur la France. Voilà qui évitera les erreurs, les choix hasardeux ou sentimentaux ou le choix du « moindre mal »… qui demeure un mal.
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L’autorité, en tant que principe, toute autorité vient de Dieu : Nisi potestas a Deo (S. Paul, Rom, XIII, 1). C’est affirmé par Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, dans sa Passion, à Pilate, représentant du pouvoir impérial romain : « Tu n’aurais sur moi aucune puissance, si celle que tu possèdes ne t’avait été donnée d’en haut » (Jn, XVIII).
Dans l’histoire de l’Église et du monde, cette doctrine fut rappelée solennellement pour la première fois par le Magistère pontifical à… la France, dès le début de la Révolution dite française, dans le Bref Quod aliquantum (10 mars 1791) du pape Pie VI, à propos de la Constitution civile du clergé : « Car telle est la faiblesse de la nature, que les hommes, pour se conserver, ont besoin du secours mutuel les uns des autres ; et voilà pourquoi Dieu leur a donné la raison et l’usage de la parole, pour les mettre en état de réclamer l’assistance d’autrui, et de secourir à leur tour ceux qui imploreraient leur appui. C’est donc la nature elle-même qui a rapproché les hommes et les a réunis en société : en outre, puisque l’usage que l’homme doit faire de sa raison consiste essentiellement à reconnaître son souverain Auteur, à l’honorer, à l’admirer, à lui rapporter sa personne et tout son être ; puisque, dès son enfance, il faut qu’il soit soumis à ceux qui ont sur lui la supériorité de l’âge ; qu’il se laisse gouverner et instruire par leurs leçons ; qu’il apprenne d’eux à régler sa vie d’après les lois de la raison, de la société et de la religion : cette égalité, cette liberté si vantées, ne sont donc pour lui, dès le moment de sa naissance, que des chimères et des mots vides de sens. « Soyez soumis par la nécessité », dit l’apôtre S. Paul (Apost. Epist. ad Roman., cap. XIII, vers. 5) : ainsi les hommes n’ont pu se rassembler et former une association civile, sans établir un gouvernement, sans restreindre cette liberté, et sans l’assujettir aux lois et à l’autorité de leurs chefs. La société humaine, dit S. Augustin, n’est autre chose qu’une « convention générale d’obéir aux rois » (Lib. III Confessions, cap. VIII, tom. I, Oper. edit. Maurin., pag. 94), et CE N’EST PAS TANT DU CONTRAT SOCIAL QUE DE DIEU LUI-MÊME, AUTEUR DE TOUT BIEN ET DE TOUTE JUSTICE, QUE LA PUISSANCE DES ROIS TIRE SA FORCE. »
Cette doctrine infaillible de la Sainte Église romaine, est rappelée, un siècle plus tard, par Léon XIII, dans Diuturnum illud (29 juin 1881) : « Que si l’on veut déterminer la source du pouvoir dans l’État, l’Église enseigne avec raison qu’il la faut chercher en Dieu. C’est ce qu’elle a trouvé exprimé AVEC ÉVIDENCE dans les saintes Lettres et dans les monuments de l’antiquité chrétienne. On ne saurait d’ailleurs imaginer une doctrine plus conforme à la raison, plus favorable aux intérêts des souverains et des peuples. Cette ORIGINE DIVINE DE L’AUTORITÉ HUMAINE EST ATTESTÉE DE LA FAÇON LA PLUS CLAIRE en maints passages de l’ancien Testament : « C’est par moi que règnent les rois, par moi que les souverains commandent, que les arbitres des peuples rendent la justice » (Prov. VIII, 15-16).
En conséquence de quoi, l’autorité ne peut venir d’en-bas, le principe de l’autorité résider dans le peuple, selon le concept de prétendue souveraineté « nationale » ou « populaire », la masse votante, les mandants « démocratiques » déléguant leurs « pouvoirs » à des « représentants » ou les exerçant directement, par la voie du referendum, de la démocratie directe, de la démocratie « participative », etc. Léon XIII, dans Diuturnum illud fait un sort à la « souveraineté populaire » : « Nos contemporains, marchant sur les traces de ceux qui se sont décernés le titre de philosophes, prétendent que tout pouvoir vient du peuple ; que, par suite, l’autorité n’appartient pas en propre à ceux qui l’exercent, mais à titre de mandat populaire et, sous cette réserve, que la volonté du peuple peut toujours retirer à ses mandataires la puissance qu’elle leur a déléguée. C’EST EN QUOI LES CATHOLIQUES SE SÉPARENT DE CES NOUVEAUX MAITRES ; ils vont chercher en Dieu le droit de commander et le font dériver de là comme de sa source naturelle et de son nécessaire principe… L’erreur considérable de ces philosophes consiste à ne pas voir ce qui est pourtant évident ; c’est que les hommes ne constituent pas une race sauvage et solitaire ; c’est qu’avant toute résolution de leur volonté, leur condition naturelle est de vivre en société. Ajoutez à cela que le pacte dont on se prévaut est une invention et une chimère ; et que, fût-il réel, il ne donnerait jamais à la souveraineté politique la mesure de force, de dignité, de stabilité que réclament et la sûreté de l’État et les intérêts des citoyens. Le pouvoir n’aura cet éclat et cette solidité qu’autant que Dieu apparaîtra comme la source auguste et sacrée d’où il émane. »
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La prétendue « souveraineté populaire », la théorie du « contrat social issu de la volonté générale » des citoyens est une théorie totalement non-catholique, en clair une HÉRÉSIE, à laquelle, par conséquent, aucun catholique ne peut adhérer sous peine d’être retranché, ipso facto, de l’Église pour péché d’hérésie. Léon XIII, dans la même encyclique Diuturnum illud (texte revêtu de l’infaillibilité ex cathedra, rappelons-le), poursuit : « Le mouvement que l’on appelle la Réforme eut pour auxiliaires et pour chefs des hommes qui, par leurs doctrines, renversent de fond en comble les deux pouvoirs spirituel et temporel… C’est de cette hérésie que naquirent [au 18e siècle] et la fausse philosophie, et ce qu’on appelle le droit moderne et la souveraineté du peuple, et cette licence sans frein en dehors de laquelle beaucoup ne savent plus voir de vraie liberté. De là on s’est avancé jusqu’aux dernières erreurs, le communisme, le socialisme, le nihilisme… Les Pontifes romains ont rendu un service éclatant à la société par leur vigilance à réprimer l’orgueil des Novateurs, à déjouer leurs desseins, à les signaler sans cesse comme les plus dangereux ennemis des États. » En réalité, la « démocratie moderne » qui n’est pas, comme dans la philosophie classique, une des trois formes de gouvernement, mais une hérésie anti-catholique, est devenue une « erreur socialisée » (ou idéologie dominante) parce que fondant la vie socio-politique des États modernes, comme il est démontré plus haut par Léon XIII ; elle est définitivement prohibée dans son principe (ladite souveraineté populaire), dans ses applications (le vote, par exemple, « suffrage universel, mensonge universel », disait Pie IX), dans ses conséquences (séparation de l’Église et de l’État, divorce, contraception et avortement, euthanasie, toutes les formes de laïcisation…), par la combinaison de trois propositions (condamnées) du Syllabus (annexé à l’encyclique Quanta Cura du 8 décembre 1864) de Pie IX : « Proposition 39. L’État, étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite. Proposition 55. L’Église doit être séparée de l’État, et l’État de l’Église. Proposition 80. Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et faire un compromis avec le « progrès », le libéralisme et la « civilisation moderne. » Sans doute, le conciliabule vatican d’eux a-t-il pu dire « à peu près le contraire du Syllabus » [comme l’avoua un jour le néo-moderniste Yves Congar] ; c’est bien la preuve que l’église conciliaire n’est ni catholique, ni l’Église catholique, « qui ne peut ni se tromper, ni nous nous tromper », en changeant sa doctrine « à tous vents des opinions humaines ».
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Pour nous, Catholiques et Français, cette condamnation de la « démocratie moderne » est encore plus dirimante ; elle a, plus qu’ailleurs dans le monde, des conséquences morales et institutionnelles extrêmement précises et contraignantes, puisque la FORME DU GOUVERNEMENT DE LA FRANCE EST LA ROYAUTÉ CATHOLIQUE SACRALE, qui nous a été donnée comme FORME NORMALE ET PERPÉTUELLE de gouvernement national, par le ministère de l’Apôtre des Francs, Saint Remi, agissant, lors du baptême de Clovis, en la nuit de la Nativité de l’an 496, en qualité de légat du Pontife romain, c’est-à-dire revêtu, en quelque sorte, de l’infaillibilité du Vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ sur terre ; DEUX textes d’origine ecclésiastique, qui sont en mêmes temps des textes « constitutionnels », aux sens étymologique et juridique du terme, énoncent la forme permanente et définitive du gouvernement en France. Le premier texte est le PROLOGUE DE LA LOI SALIQUE :
« La Nation des Francs, illustre, AYANT DIEU POUR FONDATEUR, forte sous les armes, ferme dans les traités de paix, hardie, agile et rude au combat, depuis peu convertie à la foi catholique, LIBRE D’HÉRÉSIE. Elle était encore sous une croyance barbare. Mais avec l’inspiration de Dieu, elle recherchait la clé de la science [sous-entendu théologique, NDLR], selon la nature de ses qualités, désirant la justice, gardant la piété. Alors la Loi salique fut dictée par les chefs de cette nation qui, en ce temps, commandaient chez elle. Puisque lorsqu’avec l’aide de Dieu, Clodwigh le Chevelu, le Beau, l’illustre roi des Francs, eut reçu le premier LE BAPTÊME CATHOLIQUE, tout ce qui dans ce pacte était jugé peu convenable fut amendé avec clarté… Et ainsi fut dressé ce décret : VIVE LE CHRIST QUI AIME LES FRANCS ! QU’IL GARDE LEUR ROYAUME ET REMPLISSE LEURS CHEFS DES LUMIÈRES DE SA GRACE ! QU’IL LEUR ACCORDE DES SIGNES QUI ATTESTENT LEUR FOI, leur joie, la paix, la félicité ! QUE LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST DIRIGE DANS LE CHEMIN DE PIÉTÉ CEUX QUI GOUVERNENT ! Car cette nation est celle qui, petite en nombre, mais brave et forte, secoua de sa tête le dur joug des Romains et qui, après avoir reconnu la sainteté du Baptême, orna somptueusement les corps des saints martyrs que les Romains avaient consumés par le feu, mutilés par le fer, ou fait déchirer par les bêtes… ».
Le second texte est le TESTAMENT DE SAINT REMI lui-même, dont voici l’extrait pertinent :
« Notre Seigneur Jésus-Christ daigne entendre les prières que je fais spécialement, en présence de la majesté divine, POUR CETTE RACE ROYALE, afin que, fidèle aux instructions qu’elle a reçues de moi, elle persévère dans la sage administration de l’État et la protection de la sainte Église de Dieu, qu’aux bénédictions que le Saint-Esprit a versées par ma main pécheresse sur la tête de son chef, le même Saint-Esprit joigne d’autres bénédictions plus abondantes ; que de lui sortent des rois, des empereurs, qui, pour le temps présent ET POUR L’AVENIR, SUIVENT LA VOLONTÉ DE DIEU et l’accroissement de sa sainte Église, soient fortifiés par sa grâce et affermis dans la justice et l’équité ; puissent-ils conserver le royaume et en reculer chaque jour les limites ; puissent-ils être élevés aussi sur le trône dans la maison de David, c’est-à-dire dans la Jérusalem céleste, pour y régner éternellement avec le Seigneur. Ainsi soit-il. »
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Cette « constitution » catholique, sacrale et royale de la France, a été réaffirmée, tout au long des siècles, par la seule autorité, sûre et définitive, qui existe sur terre, la Chaire de vérité infaillible du Pontife romain. DEUX textes (mais il en existe bien d’autres qui tous, sans exception, vont dans le même sens) en apportent la confirmation. Le premier texte est la lettre du 21 octobre 1239, du pape Grégoire IX à Saint Louis, le sommet indépassable de la sainteté assise sur un trône humain, modèle de tous les rois catholiques, proclamé comme tel par la Sainte Église romaine :
« Le Fils de Dieu, auquel obéissent les légions célestes, ayant établi ici-bas des royaumes différents, suivant la diversité des langues et des climats, a conféré à un grand nombre de gouvernements des missions spéciales pour l’accomplissement de Ses desseins. Et, comme autrefois Il préféra la tribu de Juda à celles des autres fils de Jacob et comme Il la gratifia de bénédictions spéciales, ainsi IL CHOISIT LA FRANCE, DE PRÉFÉRENCE À TOUTES LES AUTRES NATIONS DE LA TERRE, pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif, LA FRANCE EST LE ROYAUME DE DIEU MÊME, les ennemis de la France sont les ennemis du Christ. De même qu’autrefois la tribu de Juda reçut d’en-haut une bénédiction toute spéciale parmi les autres fils du patriarche Jacob ; de même le Royaume de France est au-dessus de tous les autres peuples, couronné par Dieu Lui-même de prérogatives extraordinaires. La tribu de Juda était la figure anticipée du Royaume de France. La France, pour l’exaltation de la foi catholique, affronte les combats du Seigneur en Orient et en Occident. SOUS LA CONDUITE DE SES ILLUSTRES MONARQUES, elle abat les ennemis de la liberté de l’Église. Un jour, par une disposition divine, elle arrache la Terre sainte aux Infidèles ; un autre jour, elle ramène l’Empire de Constantinople à l’obéissance du Siège Romain. DE COMBIEN DE PÉRILS LE ZELE DE SES MONARQUES A DÉLIVRÉ L’ÉGLISE ! La perversité hérétique a-t-elle presque détruit la foi dans l’Albigeois, la France ne cessera de la combattre, jusqu’à ce qu’elle ait presque entièrement extirpé le mal et rendu à la foi son ancien empire. Rien n’a pu lui faire perdre le dévouement à Dieu et à l’Église ; là l’Église a toujours conservé sa vigueur ; bien plus, pour les défendre, Rois et Peuples de France n’ont pas hésité à répandre leur sang et à se jeter dans de nombreux périls… Nos prédécesseurs, les Pontifes romains, considérant la suite non interrompue de louables services, ont dans leurs besoins pressants, recouru continuellement à la France ; la France, persuadée qu’il s’agissait non de la cause d’un homme mais de Dieu, n’a jamais refusé le secours demandé ; bien plus, prévenant la demande, on l’a vue venir d’elle-même prêter le secours de sa puissance à l’Église en détresse. Aussi, nous est-il manifeste que LE RÉDEMPTEUR A CHOISI LE BÉNI ROYAUME DE FRANCE COMME L’EXÉCUTEUR SPÉCIAL DE SES DIVINES VOLONTÉS ; Il le porte suspendu autour de Ses reins, en guise de carquois ; Il en tire ordinairement ses flèches d’élection quand, avec l’arc, Il veut défendre la liberté de l’Église et de la Foi, broyer l’impiété et protéger la justice… »
La France est donc la nation « qui a fait ALLIANCE AVEC DIEU aux fonts baptismaux de Reims » (Saint Pie X, Vi ringrazio, 29 novembre 1911), entre les mains de saint Remi, en la personne de Clovis et de sa descendance. Le second texte qui rappelle la constitution fondamentale de la France est également un texte pontifical ; c’est le sermon prononcé par Saint Pie X, le 13 décembre 1908 à Saint-Pierre de Rome, pour la béatification de la Vénérable Jeanne d’Arc — Jeanne d’Arc, « dont la mission était bien de Dieu », envoyée pour rappeler — alors que le laïcisme commence à gagner les États européens —, au « Gentil dauphin » (Charles VII), aux grands et aux petits du Royaume de France, que le Christ en était bien le Roi, le roi terrestre étant son « lieu-tenant, », qui, en Son Nom, « tiendra le royaume en commende » :
« À votre retour, Vénérable Frère, vous direz à vos compatriotes que s’ils aiment la France ils doivent aimer Dieu, aimer la foi, aimer l’Église, qui est pour eux tous une mère très tendre comme elle l’a été de vos pères. Vous direz qu’ils fassent trésor des TESTAMENTS DE SAINT REMY, DE CHARLEMAGNE ET DE SAINT LOUIS — ces testaments qui se résument dans les mots si souvent répétés par l’héroïne d’Orléans : « VIVE LE CHRIST QUI EST ROI DES FRANCS ! » À ce titre seulement, la France est grande parmi les nations ; à cette clause, Dieu la protègera et la fera libre et glorieuse ; à cette condition, on pourra lui appliquer ce qui, dans les Livres Saints, est dit d’Israël : « Que personne ne s’est rencontré qui insultât à ce peuple, sinon quand il s’est éloigné de Dieu… Ce n’est donc pas un rêve que vous avez énoncé, Vénérable Frère, mais une réalité ; je n’ai pas seulement l’espérance, j’ai la certitude du plein triomphe. »
La « Triple Donation » du 21 juin 1429, à Saint Benoît-sur-Loire, entre Jeanne d’Arc et le futur Charles VII est, au seuil des « temps modernes » qui vont devenir des temps d’apostasie laïciste, le renouvellement solennel et public, de cette alliance entre le Christ et le roi de France, lieutenant terrestre du « Roi du Ciel » : « Sire, donnez-moi votre royaume… — Jehanne, je vous donne mon royaume… Écrivez, dit-elle : Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ… Et bientôt après : Jehanne : Jésus-Christ rend le royaume à Charles. » (source : Pape Martin V, Breviarum historiale, in Delisle (Léopold), Nouveau témoignage relatif à la mission de Jehanne d’Arc, Bibliothèque de l’École des Chartes, oct. 1885, pp. 649-668.)
Conclusion
LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE EST UNE HÉRÉSIE
« LA RÉPUBLIQUE ACTUELLE, AVEC SES HOMMES ET SES LOIS, EST LE CHÂTIMENT DE LA FRANCE. La France, nation préférée, fille aînée de l’Église, comblée des dons naturels et surnaturels de Dieu, la France a péché. Dans une même heure de révolte et de folie, elle a renié le Christ, son Dieu, elle a tué son père, le Roi très chrétien. La France est punie. Depuis ce jour de crime, la nation n’est pas seulement divisée, elle est mutilée, décapitée. « C’est en punition du péché que les impies arrivent au pouvoir avec la permission de Dieu. » Ainsi conclut Saint Thomas quand il examine les moyens de remédier à la tyrannie (De regemine Principum, liv. 1, ch. IV). « Il faut cesser de pécher pour que cesse la plaie des tyrans ». Tollenda est igitur culpa ut cesset tyrannorum plaga. Voilà le principe d’où il faut partir pour trouver un remède à nos maux. Tollenda est culpa ! Le péché de la France moderne est double. Il y a en elle un péché d’origine : l’apostasie et le régicide, en un mot, la Révolution. Il y a en elle un péché actuel : la prétention du peuple à la souveraineté, la méconnaissance de toute autorité qui n’émane point de lui ; c’est-à-dire, l’impénitence dans le péché de révolution. Dieu qui aime la France, lui fait sentir le poids de sa colère. Regnare facit hominen hypocritum propter peccata populi. (Job, XXXIV, 30). Le juif et le franc-maçon, l’homme hypocrite, règnent sur nous. Il faut faire comprendre au peuple pourquoi et comment il est puni, si l’on veut qu’il se convertisse et que Dieu lui pardonne. Prêchez donc, vous qui parlez de Dieu, prêchez la grandeur du crime et la justice de l’expiation. Ne laissez pas le peuple oublier qu’il est coupable. Héritier d’un bien mal acquis, il faut qu’il le sache et qu’il le rende : à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu. À César, c’est-à-dire à celui qui gouverne sur terre, le peuple doit rendre le pouvoir souverain, dans l’ordre temporel : l’autorité de faire et d’imposer la loi. À Dieu, le peuple doit de Le reconnaître pour son juge et de professer, comme nation, le culte qu’il a Lui-même institué. Il faut prêcher l’obéissance à Dieu, d’abord, puis à tous CEUX QUI COMMANDENT EN SON NOM ET SUIVANT SA LOI. Il faut que les catholiques apprennent à haïr la Révolution ; il faut la leur montrer sous son vrai jour, avec ses hontes, ses infamies et ses crimes. Il faut que les catholiques apprennent à mépriser « la civilisation moderne, le progrès et le libéralisme », avec lesquels l’Église, leur mère, « ne doit pas et ne peut pas se réconcilier ni transiger » (voir la proposition 80e du Syllabus). Il faut qu’ils ROMPENT, ENFIN, AVEC LES ERREURS ET LES ILLUSIONS DU SIÈCLE, dont la plupart subissent inconsciemment l’oppression. Il faut qu’ils sachent résister autrement que par des paroles ; non seulement en protestant contre les lois impies, mais en les violant. Il faut qu’ils revendiquent les libertés de l’Église, non pas en se plaçant sur le terrain condamné du droit commun, mais au nom des droits supérieurs de la Vérité et de la Justice, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi des Rois. IL FAUT QU’ILS APPELLENT LE PARLEMENTARISME UN MENSONGE, LA LIBERTÉ DES CULTES UN DÉLIRE, LE LIBÉRALISME UNE PESTE ET LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE UNE HÉRÉSIE. LE JOUR OU LE PEUPLE CATHOLIQUE DE FRANCE, SERRE AUTOUR DE SES CHEFS, SAURA PENSER, PARLER ET AGIR DE LA SORTE, LA RÉVOLUTION SERA FINIE ET LA PATRIE SAUVÉE… Dieu comblera la France catholique de Ses dons, et vainqueur de Ses ennemis, nous donnera des maîtres selon Son cœur. Sedem ducum superborum destruxit Deus, et sedere fecit mites pro eis. (Eccli., X, 17). Plusieurs trouveront assurément les lignes précédentes trop mystiques et ne verront rien de moins pratique qu’une telle conclusion pour un tel travail. Vous qui pensez ainsi, VOUS ÊTES L’OBSTACLE AU SALUT. L’OBSTACLE AU SALUT, CE SONT LES CATHOLIQUES QUI SONGENT UNIQUEMENT AUX MOYENS HUMAINS, EN UN PÉRIL OU DIEU SEUL PEUT NOUS SAUVER. Or, les moyens humains, ne sont pas seulement impuissants à nous sauver, ils hâteront notre ruine. Quels moyens avons-nous, humainement, de sauver la religion et la France ? Ceux que nous donne la Constitution. Et quel moyen la Constitution nous donne-t-elle ? Le suffrage universel, seulement. C’est-à-dire, précisément ce qui perpétue et enracine au cœur de la France le péché mortel de révolution. C’est-à-dire, la grâce du peuple souverain, grâce promise au prix de quelles humiliations et de quelles bassesses ! Grâce toujours révocable et sans cesse rachetée. COMMENT JETTEREZ-VOUS L’ANATHÈME SUR LE DOGME DE LA SOUVERAINETÉ POPULAIRE, SI VOUS ATTENDEZ D’ELLE LE SALUT ? Comment proclamerez-vous les droits imprescriptibles et divins de l’Église, si le programme du parti que vous fondez pour la défendre est un programme électoral, destiné à rallier la majorité des hommes de ce temps ? Ô infernale ruse de l’esprit de mensonge qui nous accule dans ce défilé ! Alors les défaillances se préparent ; on s’étudie à gagner l’opinion, on réduit le bagage importun des principes au strict nécessaire ; on est « libéral », ami du « progrès », admirateur passionné de la « civilisation moderne ». « Qu’est-ce que le peuple, dit saint Jean Chrysostome, quelque chose rempli de tumulte et de trouble… Est-il plus misérable que celui qui le sert ? Que des gens du monde y prétendent, cela est tolérable, bien qu’en vérité intolérable ; mais que ceux qui disent avoir quitté le monde souffrent d’un tel mal, cela est plus intolérable encore » (In Joann., Hom. 3, t. I, p. 8). Et parmi ceux qui ont quitté le monde, il en est qui souffrent de ce mal du monde et que le monde n’a pas quittés ; il en est qui prétendent tout concilier, tout unir : la vérité avec le mensonge, la lumière avec les ténèbres, la souveraineté du peuple avec les droits de Dieu. On célèbre déjà le triomphe de leurs doctrines ; tout en restant ennemis de l’Église, ceux qui persécutent se font leurs amis ; les âmes périssent et la paix règne entre les loups et les pasteurs. Il ne faut pas réveiller les colères du peuple, le maître va parler, l’heure des élections approche ; silence ! En nous faisant bien humbles, bien petits, nous tiendrons peut-être l’indulgence dont nous avons besoin, pour nous faire pardonner le crime d’exister encore. Et pendant que l’on se tait, l’erreur parle, les mille voix de la presse déversent sur les âmes un flot de boue et de mensonge, et l’on n’entend plus que le bruit de ce flot, et l’on oublie tout, jusqu’à la langue dans laquelle se parle la vérité ; en sorte que si une voix la proclame, et qu’on l’entende, sa parole inconnue produit un scandale ou se perd dans la nuit. » (Charles Maignen, 1858-1937, docteur en théologie, 1892).
Ythier de Nabrué
En vente aux Éditions A.C.R.F. : https://www.acrf.info/accueil/43-la-souverainete-du-peuple-est-une-heresie-2845196938.html
Paru dans Rivarol n°3280 du 27/4/2017
ÉtiquetéAbbé Maignen, autorité, Bref Quod aliquantum, Charles Maignen, Diuturnum illud, élection présidentielle, France Catholique, hérésie, Loi Salique, Magistère Pontifical, Pape Grégoire IX, Pape Léon XIII, pape Martin V, Pape Pie VI, péché d’hérésie, saint Louis, Saint Pie X, saint Remi, Sainte Église, souveraineté populaire, testament de Saint Remi, théologie politique catholique, triple donation, Vénérable Jeanne d’Arc, Vi ringrazio, Ythier de Nabrué