
Admirer, Aimer, Offrir… une trilogie merveilleuse !
Notre carême, quel sens lui donner en 2018 ?
Chers amis lecteurs,
La question qui se pose à nous aujourd’hui est une question d’une immense gravité : sommes-nous oui ou non capables de dématérialiser nos comportements quotidiens pour aboutir au seul sens qui vaille : celui de la qualité. Qualité de la vérité, qualité du don de soi, qualité du réel.
Mais qu’est-ce que le réel ? Ce n’est pas ce que l’on voit car ce que l’on voit dans chacun de nos actes c’est le plus souvent notre intérêt. Même légitime, l’intérêt nous fait perdre de vue que le réel c’est véritablement l’empreinte du Geste de Dieu. Chaque geste de Dieu nous rapproche de la perfection du vrai, du bon, du beau et donc de la qualité absolue.
Chacun d’entre nous est responsable de son propre apostolat et de celui des autres. Ne soyons plus en attente d’un geste spectaculaire de Dieu qui viendrait sauver le monde, mais persuadons-nous que nous avons en nous toutes les qualités pour donner sens à l’expression qui émane de nous, en vertu de l’état de notre conscience, de notre âme et de notre esprit.
Cette émanation positive qui sort de nous peut en effet s’adapter à toutes les situations, à toutes les personnes et à tous les milieux.
Le réel d’aujourd’hui nous empoisonne et nous désole à petit feu ! Pourquoi ? Parce que nous avons perdu le sens de la qualité en dehors de tout intérêt. Nous ne sommes plus capables du don gratuit, nous ne voulons plus être semblables au visage de Dieu, redevenir les petits enfants dont le Seigneur nous a averti que ceux qui ne leur ressembleraient pas n’entreront pas au paradis.
Sommes-nous capables par exemple au-delà de notre répugnance égocentrique, de notre méfiance instinctive, de notre conscience naturaliste, de considérer la personne d’un clochard ou d’un être déchu par la drogue, l’alcool, la débauche, etc…sommes-nous donc, dis-je, capable de voir en cet être le vrai visage du Christ ? Rien n’est moins sûr… Car nous avons en nous bon nombre de réflexes respectables mais proprement humains : notre sensibilité égocentrique…notre jugement individualiste…notre sens moral imprégné lui aussi de sensibilité psycho-affective…et notre réflexe de baptisé qui soudain se remémore le fameux « Ce que vous ferez à l’un de ces petits, c’est à Moi que vous le ferez. »
Dans une journée, nous avons souvent mille occasions de rencontrer Jésus-Christ !
Voyez le réel comme Dieu pourrait le voir à votre place ! Il n’y a rien à ajouter ou à retrancher. Le réel s’impose à nous comme une présence de Dieu sous un autre mode.
Crucifiant, joyeux ou rédempteur, le réel c’est la part de ce Dieu que nous ne voulons pas voir le plus souvent pour préserver nos petits intérêts personnels.
Cette part de Dieu vous ne la rencontrerez plus ou de moins en moins dans les églises, passées avec armes et bagages à l’ennemi, dans ces lieux déconsacrés, infestés de démons aux leurres de plus en plus puissants, mais vous ne la rencontrerez pas dans votre vie quotidienne pourvu que vous fassiez l’effort de bannir autant que faire se peut ce fameux esprit d’intérêt que l’homme se plait à rechercher dans le monde, dans son travail, dans ses plaisirs et amusements, dans ses actes quotidiens.
Aussi se pose le douloureux problème de notre liberté de conscience, douloureux car une conscience qui n’est pas vraiment libre, qui obéit à des intérêts même soi-disant supérieurs, qui se laisse influencer par des groupes, des coteries, des chapelles, des attitudes mondaines, des postures artificielles et convenues, cette conscience-là ne peut pas être véritablement libre car elle ne pourra pas avoir une connaissance suffisamment en résonance avec celle de Dieu, l’Être libre par excellence… Tout est en quelque sorte dans l’intention ! Notre intention est-elle pure, est-elle droite, est-elle indépendante spirituellement et matériellement ? Sommes-nous disponibles pour une indépendance réellement libre ? Sommes-nous disponibles pour une liberté spirituelle et intellectuelle à l’égard de la création et qui nous fait ressembler à Jésus-Christ ? Rien n’est moins sûr……encore une fois !
Même nos échecs peuvent devenir des victoires à condition que nous soyons capables de produire du surnaturel en copiant la qualité spirituelle d’un Dieu qui a jugé bon tout ce qu’il a créé…
Nous sommes devenus des ignorants de Dieu, même ceux d’entre nous qui sont bardés de diplômes… Ce qui compte en notre siècle c’est le clinquant, le qu’en dira-t-on, le paraître de la comédie humaine, c’est d’être les copies plus ou moins conformes de l’esprit du siècle et d’adopter des spiritualités immédiatement « payantes »… Ce faisant nous nous agrégeons, parfois même inconsciemment, à la « massa peccati » évoquée par nos plus grands théologiens des siècles passés (St Thomas, St Augustin).
Nous devons retrouver la qualité secrète des choses et ne pas nous contenter de bénir ce qui nous fait du bien, ce qui nous réjouit, ce qui nous conforte mais aussi et surtout tout ce qui nous contriste, nous contrarie, nous écrase, nous fatigue et nous humilie.
Nos vies sont faites de mille et une contradictions et le plus souvent nous les gérons mal ces contradictions car notre attitude n’est pas la bonne et au lieu de spiritualiser et surnaturaliser le réel, elle, notre attitude, le matérialise et le fait entrer dans le cycle infernal de la non-satisfaction narcissique et égocentrique.
Alors, en cette période de Carême, de jeûne et d’abstinence pour notre corps de péché, serons-capable de pratiquer aussi le jeûne intégral de nos tentations, de nos passions, de nos émotions, de nos bouillonnements intérieurs pour les transformer, sous le regard de Dieu, en refus salutaire, en prière sacrificielle, en humilité agissante, en sourire et en contrôle de soi-même ? Nous ne serons véritablement chrétiens que si nous réussissons ce difficile et exigeant challenge ! Autant dire que de nos jours il ne reste que bien peu de chrétiens véritables et que nous méritons tous les plus grands châtiments. Il nous suffirait pourtant de retrouver le naturel de notre tempérament et de lui rendre sa virginité baptismale pour retrouver au plus profond de nous-mêmes le surnaturel de son expression.
Il est d’urgent d’apprendre à améliorer notre perception du réel afin de transformer notre jouissance des êtres et des choses dans une perspective spirituelle la seule à même de nous permettre d’évaluer ces petites qualités de vérité, de joie, et de bonté qui vont nous élever, nous améliorer, faire de nous des exemples et être des prédicateurs de salut.
Plus que tout autre, nous catholiques semper idem, avons les recettes et les occasions pour exercer cet art divin. Elles ne manquent pas ces occasions ! Elles nous environnent, nous assaillent de toute part et rendent, si l’on n’y prend garde, nos jours très mauvais.
Elles viennent aussi bien de nos ennemis que de nos frères-ennemis ! Et il nous faut les aimer quand même puisqu’ils sont le remède béni à nos postures trop souvent par trop pharisaïques et/ou naturalistes.
Il suffit de voir comment nous abordons le douloureux problème du « nullam partem » pour voir l’immense confusion qui perdure dans nos esprits meurtris et trop souvent égarés vers des voies dans issues pourtant parsemées de milliers de fleurs fraîches et pimpantes…
La liturgie parfois nous est elle-même occasion de péché, lorsque nous l’idolâtrons, lorsque nous l’instrumentalisons pour des causes perdues d’avance ou des buts qui ne sont pas en harmonie avec le visage de Dieu… Prenons garde, tout cela nous sera compté et il est à craindre que notre propre passif surprendra beaucoup de ceux qui attendront le jugement hors de notre camp.
Voulez-vous un signe imparable que vous n’êtes pas encore complètement chrétien ?
C’est l’insatisfaction…celle qui ronge les cœurs et les âmes, celle qui fait oublier l’amour du prochain par absence de l’amour de Dieu, celle qui nous fait nous vautrer dans les jouissance matérielles, celle qui nous fait regarder les pauvres avec mépris, celle qui nous empêche de chanter, celle qui met trop souvent en avant un esprit critique destructeur, celle qui nous empêche de nous réjouir avec les cloches de France, celle qui nous asservit à de fausses respectabilités, à de fausses autorités, celle qui nous oppose à notre prochain parce qu’il est différent, qu’il ne pense pas ou ne croit pas comme nous, celle qui fait passer le paraître avant la qualité de l’être… Mettons-nous en pratique, dans notre vie quotidienne, la volonté de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés ? Pensons-nous un seul instant que nous ferons partie, en vertu de je ne sais quel privilège, de ce tribunal divin et que nous nous arrogerons le pouvoir de juger notre prochain à l’égal de notre Créateur ? Serions-nous déjà désignés auprès du Très-Haut comme je ne sais quel juré intègre ? NON bien sûr…répondez-vous tous en chœur ! Et pourtant combien parmi nous ont tendance à se comporter comme des jurés auto-proclamés et sont prêts à exercer le châtiment suprême et à le réclamer à grands cris ? Alors que pour les erreurs, les hérésies de toutes sortes, les apostasies de notre temps, il n’y a alors plus aucune candidature et les défections abondent …
Votre journée doit être un cri personnel ! N’attendez pas du voisin qu’il condamne ou réprouve telle ou telle chose, faites-le d’abord vous-même en actualisant toutes vos joies et toutes vos peines et en les resituant dans ce qu’attend vraiment Dieu de votre coopération au plan divin pour l’humanité dans les siècles des siècles. Aucun de nous ne sera jugé en groupe mais individuellement. C’est votre oui personnel qui sera à même de vous donner un surcroît d’existence. Pas celui du voisin ou de la voisine.
De nos jours il n’y a plus véritablement d’autorité. Pourquoi ? Parce que les autorités humaines ont été diluées dans le collectif et se sont donc coupées de Celui qui est la source de toute autorité. C’est dramatique mais c’est comme ça ! Avons-nous alors le droit, nous qui nous disons catholiques, d’abdiquer notre propre regard d’autorité à la fois sur nous-même et sur les gestes de notre prochain (j’ai bien dit les gestes et pas sur le prochain lui-même…) ? Non possumus…car ce serait alors renoncer à la régence que Dieu possède sur nous de toute éternité.
Toutes vos prières, confessions, adorations, pensées intérieures ne seront de nul effet si elles ne vous donnent pas ce surcroît d’existence que nous évoquions un peu plus haut.
Vous êtes pécheur ? Certes ! Dieu vous a pardonné ? Soit ! Mais est-ce que cela refait de vous un être ordinaire, un païen qui retourne dans le monde pour re-commettre les mêmes péchés ? Oui et non ! Oui si vous n’avez pas compris qu’un chrétien n’est pas et ne doit pas être tout à fait comme tout le monde et est capable, même par intermittence, de donner un sens surnaturel à tout ce qui éclaire le réel de sa vie… Non, si vous avez précisément su apporter à votre vie la plus terre à terre ce surcroît d’existence qui fait véritablement de vous un enfant de Dieu…
Ce surcroît d’existence sera bien entendu à même de nous apporter, outre la paix de la conscience, une reconnaissance pour tous les dons dont Dieu vous a gratifiés.
Nos jeunes sont bien souvent des mufles qui s’ignorent lorsqu’ils ne savent pas dire merci, ce qui est pourtant le degré zéro de la reconnaissance que d’aucuns appellent aussi la gratitude. Cela s’apprend, d’abord par l’éducation non seulement des manières (savoir-vivre) mais aussi du cœur et de l’esprit. À plus forte raison devons-nous ressentir quelle immense gratitude nous devons avoir envers Dieu qui nous a tout donné, dès notre berceau ! L’existence, un père et une mère, des grâces innombrables mais invisibles à nos yeux de chair, des qualités personnelles et particulières, la foi et la bonne éducation catholique pour ceux qui ont eu cette grâce… Notre dette est immense et l’éternité suffira-t-elle à l’honorer ? …Je l’espère !
À l’heure où l’on ne parle que salaires, CSG et autres joyeusetés fiscales, nous devons être des ouvriers bénévoles qui n’attendons aucun salaire pour diffuser et communiquer à notre prochain et à nous–même la beauté du monde, le bonheur du monde, la bonté du monde…toutes ces choses qui sont au-delà du matériel mais qui nous divinisent car elles proviennent de Celui par qui tout a été fait ! Le bonheur, la beauté, la bonté, ne nous méprenons pas cher lecteurs ne sont pas de celles que donne le monde mais elles appartiennent au monde que Dieu veut nous faire entrevoir par la reconnaissance que nous avons de Son immense Amour pour nous. Serviteurs inutiles nous serons d’autant plus utiles aux yeux de Dieu que nous aurons mis nos petites personnes entre parenthèse de toutes les gloires de ce monde et au service de Son Fils unique Jésus-Christ…
Cette reconnaissance doit être notre cri de ralliement bien au-delà de toutes nos petites querelles et divisions forcément humaines. Avoir une journée de qualité, c’est une vraie mission divine ! Au jour du jugement Dieu tiendra compte et fera la balance entre tous vos gestes peccamineux et ceux que vous aurez accomplis gratuitement, aux dépens de vous-même, pour remettre un peu de ciel sur la terre et faire reculer l’enfer…… Vos gestes de bonté et de reconnaissance désarmeront la Justice divine et feront de vous des élus dignes de ceindre la robe nuptiale sans laquelle l’on ne peut être introduit auprès du trône de Dieu.
Être un écho de Jésus-Christ, c’est, avant même que de vous livrer, même avec piété, à tous les rituels séculaires de notre sainte religion, retrouver en vous-même la qualité d’existence qui vous permettra de servir Dieu dans le secret plein de liberté de votre affection surnaturelle, dans un échange plein de richesses entre ce qui n’est rien et ce qui est tout ! Fort de ce renouveau moral, vos journées prendront une saveur toute particulière comme elles en prendront pour Celui à qui rien n’échappe, pas mêmes nos journées avec toutes leurs misères, leurs chutes mais aussi leurs victoires…
C’est ce que nous pouvons vous souhaiter de meilleur, cher lecteur, durant tout ce Carême et prier Dieu de nous accorder à tous cette liberté réelle des enfants de Dieu et non d’être les sectateurs conformistes plus ou moins passifs d’une religion qui serait comme fonctionnarisée à la fois institutionnellement et spirituellement.
Dieu n’est hélas le plus souvent plus là où l’on avait l’habitude de le trouver : il nous faut Le retrouver à travers les recoins secrets de notre cœur, les replis cachés de nos âmes et les itinéraires torturés de nos esprits et caractères.
Se regarder le nombril c’est consentir à accélérer son vieillissement. Notre monde moderne est frappé de sénescence car il a oublié les vraies valeurs que sont la jeunesse de Dieu !
Tant que les catholiques s’acharneront à faire du vertical avec de l’horizontal, la vieillesse du monde ira croissante…jusqu’à l’extinction finale, salaire du péché…
Alors n’hésitons plus et mettons à profit ce Saint Carême pour redonner un sens surnaturel à nos admirations, nos offrandes et nos amours.
Pour savoir ce que c’est que de vivre, il faut savoir ce que c’est que de croire !
Et n’oublions pas que ce Carême débouche sur la grande fête de Pâques…qui devra d’abord régner dans votre cœur…avant même que de s’exprimer dans des liturgies trop souvent corrompues.
Sans cette verticale de Dieu, nous ne retrouverons pas l’amour mais l’insatisfaction et la tristesse.
Sursum corda !
Pierre Legrand.
Étiquetéabstinence, admirer, aimer, Carême, catholiques semper idem, comédie humaine, contradictions, crucifiant, Fête de Pâques, Geste de Dieu, gestes de bonté, gestes de reconnaissance, ignorants de Dieu, jeûne, joyeux, offrir, pardonner, période de Carême, qualité de la vérité, qualité du don de soi, qualité du réel, quel sens donner, Rédempteur, trilogie merveilleuse, vrai visage du Christ