
POURQUOI ILS VONT GAGNER …..DE FAÇON CERTAINE……
Et c’est cette nécessité de leur victoire qui précipitera leur chute !
« Tenebrae factae sunt,
dum crucifixissent Iesum Iudaei :
et circa horam nonam exclamavit Iesus voce magna :
Deus meus, ut quid me dereliquisti?
Et inclinato capite emisit spiritum.Et velum templi scissum est a summo usque deorsum
et omnis terra tremuit. » (Mat. Ch 27)
Chers amis lecteurs,
Demain, le Carême, ce temps de pénitence, débutera et s’imposera à nous que nous soyons prêts ou non à en retirer le maximum de fruits.
De toutes parts nous viennent comme un leit motiv les tristes exemples des effondrements de notre malheureuse civilisation. Les forces de l’utopie sont partout triomphantes malgré d’illustres résistances dans ce qu’on nommait jadis la romanité. Nous refusons plus ou moins consciemment d’accepter l’idée que celui qui s’oppose à la venue du Christ-Roi doit d’abord triompher pour être mieux vaincu ensuite… Partout le mal triomphe, même chez les meilleurs…. Les intelligences sont assiégées et souvent conquises dans les détails, ceux précisément dans lesquels le Malin se cache… Il suffit de voir l’état spirituel réel du traditionalisme, notamment français…
La dis-société actuelle met sous le boisseau les véritables élites sociétales et spirituelles ; il leur est impossible de s’épanouir au bénéfice du plus grand nombre et le plus souvent, lorsqu’elles ne sont pas carrément ostracisées voire même persécutées, elles restent tapies dans l’ombre du sérail étroit des cercles de pensée contre-révolutionnaires et anti-libérales.
Pourquoi cette impuissance radicale face à ce messianisme temporel qui meut les forces obscures au service de l’Enfer ?
Nous avons trop oublié que nous sommes les fils de la colère et que sans Lui, l’Homme-Dieu crucifié, nous ne sommes capables que de fabriquer des ténèbres. Ténèbres contre ténèbres… Ténèbres de droite contre ténèbres de gauche…ténèbres conciliaires contre ténèbres faussement traditionalistes…. Ténèbres collectivistes contre ténèbres capitalistes…… Ténèbres révolutionnaires contre ténèbres d’une illusoire et fausse restauration monarchique… Etc…
Bref, nous ne sommes que ténèbres et seul notre incommensurable orgueil peut nous faire croire que nous sommes capables de nous comporter différemment que les Grands Prêtres du Vendredi saint !
Nos colères elles-mêmes ne sont que violence, mauvaise foi, luxure et hypocrisie… Nous mangeons avec délectation les raisins de notre propre colère. Et nous sommes surpris de voir les progrès foudroyants de l’obscurcissement du jugement…même chez les meilleurs ? Allons donc !
Nous n’aimons pas l’humilité de notre Rédempteur car elle nous renvoie à notre absence foncière d’humilité personnelle, absence qui nous empêche de L’aimer dans la droiture de notre conscience…
Nous avons mille excuses pour légitimer nos faiblesses, nos manquements, nos hypocrisies, nos vaines colères et nous tissons, telle une araignée maléfique, tout un réseau de ténèbres qui nous rendent véritablement impuissants à aimer, incapables d’un vrai désir, inconscients de la vraie nature du péché, satisfaits de nous-mêmes au moindre geste prétendument charitable, et comme frappés d’idiotie dès qu’il s’agit de prendre les problèmes du mal et de l’éternité avec la gravité que cela requiert.
Dans le secret, c’est à Lui que nous en voulons…c’est à Lui que nous demandons des comptes…c’est à Lui que nous adressons nos vraies protestations car c’est pratique de ne pas avoir de réponse ou de faire soi-même les questions et les réponses…c’est à Lui que nous adressons nos réclamations afin qu’il allège le fardeau que nous trouvons toujours trop lourd pour nous alors que le prochain l’a bien souvent mérité…c’est encore à Lui que nous reprochons nos élans, nos combats, nos raisons de L’aimer et de Le suivre car nous ne les jugeons pas assez productifs, assez « payants »……
Nous ne cessons de fabriquer la nuit qui va finir par envahir tout notre être et défigurer ce Dieu qui finit par ne plus être qu’une abstraction sans figure humaine, mais abstraction qui reste néanmoins bonne à souffrir à notre place !… Nous ne sommes même plus capables de la moindre gratitude qui nous fait reconnaître ce Dieu crucifié par nous-mêmes, ce Dieu que nous n’osons plus nommer et encore moins proclamer à la face d’un monde qui l’a complètement oublié et occulté…
Durant ce Carême nous devrons méditer ce qui nous paraît peut-être le plus insupportable mais que par peur du jugement d’autrui nous cachons au plus profond de notre cœur, de peur qu’on nous assimile à ces révoltés de Dieu, à ces fils de la colère avec lesquels toute discussion est impossible……je veux parler du SILENCE de Dieu.
Car ce silence, nous ne le trouvons guère chez notre prochain et encore moins dans la société civile ou nous nous mouvons tant bien que mal… Ce silence nous accable, il nous dérange, il nous renvoie à notre propre agitation qu’elle soit extérieure ou…intérieure… Il nous fait mesurer toute l’immensité dans la différence du traitement que fait le Crucifié de la douceur infinie qu’Il use à notre égard lorsqu’Il se retire pour ne pas nous déranger… Tout en Lui est prédication : amour, pardon, patience, bonté et même Sa puissance lorsqu’Il va ressusciter au troisième jour.
À la trahison, il répond par la calme prédication de Son agonie… À la violence de Sa flagellation, il répond par la gémissante prédication de la réparation… À son douloureux couronnement, il répond par ce qu’Il a de plus précieux comme offrande : Son silence… À Sa crucifixion, son héroïsme s’accompagne d’une véritable affection pour les pécheurs…
Dire qu’il en aura fallu des colères et des trahisons de ses créatures, pour faire ressortir la bienheureuse transcendance de Sa bonté ! La Rédemption est à ce prix : le mal de nos péchés, de nos débauches, de nos trahisons, fait littéralement surgir l’infinie Miséricorde de Dieu, la seule qui soit à même de nous apporter un changement de vie à travers des repentirs définitifs…
Notre-Seigneur a déposé Sa vie à nos pieds pour embellir la laideur de la Croix, pour transformer en gestes d’amour les réprobations de la haine et de la colère, pour changer en délicatesse tout ce qu’Il a eu à subir d’humiliations, de honte et de dérisions diverses…
Il a dépassé largement dans ses souffrances la juste gloire de ses miracles : seul un Dieu était capable de cela, car Sa mesure dépasse toutes nos mesures et même toute mesure…
Nous sommes incapables de comprendre à quel point la signature sanglante de ce Dieu Trois fois Saint authentifie jusqu’à la consommation des siècles un Amour qui ne finira pas… Ce qui fait qu’au final nous serons tous jugés sur notre capacité à aimer, que nous le voulions ou pas… Nous sommes à la jonction de l’infinie Miséricorde et de l’infinie Justice… Il nous appartient de prendre le bon chemin !
Dans son auto-immolation, le Christ remplit pleinement son rôle de Souverain Prêtre.
Victime volontaire – contrairement aux deux larrons, exécutés en raison de leurs vilenies – Notre-Seigneur a véritablement offert Sa vie en Sacrifice : ce fut un don d’amour incompréhensible à tous ceux qui ne voient que l’aspect douloureux et visible de cette soumission volontaire aux souffrances inventées par ses créatures !
Sa liberté est entière : en tant que Dieu, il pouvait à tout moment mettre fin à ce supplice et réduire en cendres ses bourreaux et ses accusateurs… Il ne l’a pas fait car le secret d’un rendement vertueux réside précisément dans le consentement, celui qui précisément préside à sa décision d’Amour.
Où seraient nos mérites, chers lecteurs, si nous n’aimions notre prochain que dans la mesure où il nous aime aussi ? Donnant donnant…… Si nous agissons comme cela nous agissons comme des créatures qui n’ont rien appris de ce Dieu qui nous a montré le chemin de l’Amour absolu ! « Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés » : voilà le véritable chemin de l’immolation de soi-même ! Mais pour être féconde et sainte cette immolation doit se faire dans l’humilité et l’imitation de Celui qui nous a montré la Voie…
Car ce n’est pas rien de se transformer en victime volontaire, en sujet obéissant, en adepte du mépris de soi et du renoncement aux plaisirs légitimes… Cela s’appelle la sainteté…c’est ce qui fait que nous renonçons à tout ce qui en nous appelle les secours de la nature, afin de devenir dans une soumission active à l’état passif de l’immolation de nous-même… En dehors de cette sainteté, il n’y a que châtiment …que la malice et l’hypocrisie humaines camouflent en fruit vertueux alors qu’ils ne sont que les fruits vénéneux de notre misérable orgueil…
Peut-on alors être une âme authentiquement aimante si l’on ne prend pas soin de ménager son indépendance ? Sans cette nécessaire indépendance, pas de sacrifice ! Sans une autonomie véritable, pas d’oblation pure ! Pour être soumis entièrement à l’Amour, il faut vouloir imiter le divin Maître et ne pas tenter de faire mieux que Lui ou trouver à l’inverse des accommodements qui vicient notre libre soumission… Ainsi soumission et indépendance vont de pair.
Mais que signifie au juste être indépendant ? C’est ne pas être soumis au mal, au mensonge, à l’illusion, au « qu’en dira-t-on », aux maximes de ce monde, aux attraits trompeurs de la chair, aux sollicitations des esprits inférieurs, etc… On le voit, la plupart d’entre nous sommes encore loin de cette sainte indépendance…
Alors que le Christ, contrairement à tous les martyrs, jouissait d’une éclatante possibilité d’échapper à son sort funeste, nous ne jouissons pas de ce privilège divin d’autonomie… Au lieu d’en retirer quelque acrimonie, nous devons accroître notre humilité afin que la liberté du Rédempteur nous permette de sortir de cette impasse en nous incorporant, par Son Sacrifice, à cette indépendance totale dont Il a toujours joui pendant Sa vie terrestre.
Nature et sacrifice sont antinomiques. Ce que la nature réclame empêche la liberté sacrificielle de s’exprimer. Et ce que le Sacrifice impose d’indépendance et d’autonomie, répugne à la nature de l’homme qui n’aime tant que ses épanouissements intellectuels et corporels. La nature est désarmée et reste sans voix face à un sacrifice aussi total que celui du Crucifié. Dieu montre Sa Puissance divine en imprimant à l’humanité de Son Fils Bien-Aimé un effacement radical préfigurant le Sacrifice cultuel et non sanglant de nos autels. La visibilité humaine du Sacrifice ne devait pas prendre le pas sur celui d’un Dieu qui, par le Sacrifice de Son Fils, montrait à tout le genre humain ce qu’un Dieu est capable de faire à travers l’humanité qu’Il a Lui-même créée avec toutes les conséquences rédemptrices que cela génère… Seul un Dieu peut entraîner l’homme à une semblable folie !
Immoler sa propre nature, en ce temps de Carême, n’est possible que par l’acceptation volontairement consentie d’une indépendance totale et par l’Imitation méditée et priée du Sacrifice de notre Rédempteur. En dehors de cette voie, l’homme court à sa perte par l’illusion, l’orgueil ou les excès en tous genres qui ordinairement menacent tous ceux qui sont laissés sans direction ou qui se laissent ballotter au gré des événements ou des sollicitations de l’histoire humaine…
Pour s’immoler il faut être conscient, sous l’influence de la grâce, des conséquences heureuses de nos sacrifices et nous laisser envahir par la force et la joie, par lesquels on reconnait véritablement la signature de Dieu. De même que le Christ a sauvé le genre humain aux dépens de Son humanité, de même nous devons plier notre nature à cette indépendance suprême qu’est le sacrifice.
Certains lecteurs, à l’âme inquiète, s’interrogeront sans doute sur ce qui fait l’essence même de l’Amour. Oui, je sais, aucun mot n’a été tant repris, déformé, galvaudé et ravalé au rang de nos instincts les plus primaires…
L’Amour, le vrai, c’est l’immolation de ce qu’il y a en nous de moins noble. Par ce que dans l’acte même d’aimer il y a un choix. Choix de l’être aimé tout d’abord, mais aussi choix de sacrifier tout ce qui s’oppose à l’être aimé.
Souvent j’entends dire que de nos jours la vie n’est pas facile… Mais le fut-elle jamais ? Ceux qui ont une vie trop facile, qui vivent dans la richesse, la mollesse et l’orgueil de la vie, ceux-là sont incapables de véritable sacrifice. Or le sacrifice est inséparable de l’amour. On ne peut satisfaire deux maîtres à la fois : la chair avec toutes ses exigences ET l’Amour avec son immolation perpétuelle.
La vie facile ne connait pas l’amour : égoïsme et matérialisme sont souvent ses seules « vertus ». Et si l’on n’aime pas son prochain, qu’on est incapable de se sacrifier pour lui, pourra-t-on prétendre pouvoir aimer Dieu qu’on ne voit pas ? La vie facile range Dieu au placard car il n’est plus une priorité !
Votre vie n’est pas facile ? Réjouissez-vous car, peut-être sans le savoir, vous êtes en exil et cet exil vous rapproche de Dieu. D’aucuns redoutent la solitude car ils n’ont pas pris la mesure du don de Dieu et leur exil non volontaire ne porte alors aucun fruit de sacrifice.
En assumant notre nature humaine, le Christ a sanctifié cette dernière en la rendant capable de se mettre sous l’entière dépendance de Dieu. Cette dépendance est seule capable de restaurer notre nature humaine – corps et âme – dans son intégrité première mais aussi de lui communiquer cette dignité inouïe d’être assumée par une personne divine. Quelle preuve d’amour !
Sans cette dépendance volontaire à Dieu, l’homme n’a pour souci que son petit bien-être matériel, ses possessions et biens matériels et ses affections sensibles. En s’immolant volontairement, Notre-Seigneur a pris le contre-pied de tout cela : à notre orgueil il a répondu par l’humiliation…à nos sensualités il a opposé ses souffrances physiques…à nos faiblesses il a répondu par Sa volonté de tout supporter à notre place…et à nos hésitations coupables il a opposé une irrésistible autorité d’intercession auprès de Son Père…
L’expiation fut totale : en tant que Chef, en tant que Roi, le Christ se devait d’agir pour ses sujets qui ne le pouvaient pas puisqu’ils avaient perdu toute notion d’autorité de sainteté sur Dieu. D’où la nécessité impérieuse de la Rédemption car les cieux étaient fermés à toute l’humanité pécheresse privée depuis la chute de l’autorité de perfection, la seule à même d’être agréée par Dieu.
Ainsi, chers amis lecteurs, on peut conclure en disant que l’amour est une espèce supérieure de la vie. Car aimer, c’est vivre comme Dieu, tout en restant une pauvre créature.
C’est cet amour que je vous souhaite pendant ce Carême 2019, sans oublier que votre indépendance n’a pas de prix et mérite tous vos sacrifices car pour se mettre sous la douce dépendance de Dieu, il faut être le plus possible indépendant des hommes, du monde et de ses mirages en tous genres. (suivez mes regards!)
« Parce Domine, parce populo suo : ne in æternum irascaris nobis. »
Pierre Legrand.