Le problème de l’ “una cum” agite encore une fois le débat depuis quelques jours… Dans la Revue EINSICHT d’août 1980, n° spécial en français, Mgr Guérard des Lauriers a fourni à ce sujet des explications détaillées dans un article intitulé « Christus novum instituit Pascha se ipsum ab ecclesia per sacerdotes sub signis visibilibus immolandum »

 

Ses réflexions sur Wojtyla son bien sûr d’actualité avec tous ses successeurs jusqu’au Clown Blanc actuel… François Ø

 

Étude de Mgr Guérard des Lauriers sur l’ “una cum”

 

Mgr Guérard des Lauriers

 
Un frère bénédictin « voulant le bien » peut-il faire rien de meilleur qu’expliquer la liturgie ? Qui ne s’y laisserait prendre ! Malheureusement, « corruptio optimi pessimum » : la corruption du meilleur, c’est le pire. L’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ? Notre « Benevolens » fait montre d’érudition ; mais il ignore la Doctrine, et ne vise en réalité qu’à « faire l’opinion ».

 

Le vrai sens de l’« una cum » dépend de deux choses, savoir : premièrement, la signification de cette expression latine ; deuxièmement, la portée qu’acquiert cette expression, en fonction du contexte où elle est employée.

  • UNA (adverbe) signifie : ENSEMBLE. Ensemble : dans un même lieu, dans un même temps, dans un même acte. UNA signifie donc, « in directo », l’unité qui existe entre les choses auxquelles cet adverbe est attribué. Tandis que CUM (préposition) signifie : AVEC ; CUM signifie donc, « in directo », le rapport qu’une chose soutient avec une autre chose. Ainsi, UNA et CUM désignent objectivement la même réalité. Mais les deux mots diffèrent par la manière selon laquelle ceux qui emploient ces mots signifient cette même réalité. Un ensemble de choses étant considérées, una en signifie la qualité minimale qui est l’unité ; tandis que cum signifie la nature du rapport qui existe entre ces mêmes choses, chacune considérée en sa singularité.

Il n’est donc pas exact que l’expression « una cum » ne diffère pas, ou guère, d’un simple « cum ». Una cum signifie plus que cum : un « plus » en compréhension. C’est l’unité en acte qui formellement est signifiée par una cum.

 

  • Le second considérant qui norme le vrai sens de « una cum » est le contexte dans lequel cette expression est employée. Le mot « contexte » doit lui-même être précisé. Un même mot peut avoir des sens différents, s’il est intégré dans des propositions différentes. La proposition constitue un contexte sémantique immédiat pour chacun des mots qui la composent. Le mot « contexte » a également une autre acception, celle qui précisément intéresse notre propos. Le contexte concret d’un discours, c’est le but qui l’a inspiré, ce sont les circonstances dans lesquelles il a été prononcé. La PORTÉE, c’est-à-dire le rapport que chaque partie du discours soutient avec la réalité, est conditionnée par le contexte concret.

 

  • « Una cum » signifie « ensemble », même au cours du Te Igitur. Mais « una cum » a alors une portée qui résulte de ce que sont, par nature, les réalités considérées. Le Frère Benevolens tombe, à cet égard, dans une grave aberration. En prétendant juger des prières de la Messe, sans tenir aucunement compte de ce qui leur est propre, il s’interdit à soi-même de discerner la vérité, et ne déploie son zèle que pour aveugler. Ce qui est propre aux prières de la Messe, le Concile de Trente l’a défini (Session XXII, Ch.1) : « Le Christ institua la Pâque nouvelle, Se (constituant) Lui-même comme devant être immolé sous des signes visibles, par des prêtres, dans l’intimation de l’Église ». Tel est donc le « contexte concret » en fonction duquel doit être compris, et éventuellement interprété, chacun des mots contenus dans le Canon de la Messe.

 

  • « Una cum » concerne un complément d’opération. Déterminer quel en est le « vrai sens », requiert d’avoir préalablement précisé quel est au juste le principe de la même opération. « In primis quae tibi offerimus… » : que recouvre, que contient, ce « nous qui offrons » ? Le Concile de Trente répond : « Christus novum instituit pascha seipsum ab ecclesia per sacerdotes… immolandum ». Chaque Messe est offerte conformément à l’acte par et dans lequel le Christ, une fois pour toutes, institua la Messe. Cet acte est « du Christ » qui opère éternellement dans la Gloire. Cet acte est « du prêtre », plus précisément « par le prêtre », « per sacerdotem », qui opère « in personna Christi ». Cet acte est « de l’Église », plus précisément il est « ab ecclesia » ; c’est-à-dire qu’il est intimé, voire même impéré par l’Église.

 

  • La Messe est le Sacrifice du Christ, elle est aussi le Sacrifice de l’Église. C’est cette donnée essentielle que Fr. Benevolens méconnaît complètement. La tradition (bénédictine) remonte pour lui jusqu’à Dom Botte (1953) et au Père Lebrun, mais ni au Concile de Trente, ni à Saint thomas. Benevolens-Maledicens représente typiquement le courant qui s’est introduit dans l’Église et y est devenu dominant à la faveur de la Contre-Réforme. Le volontarisme et l’individualisme ont, en pratique, dégradé la notion même du Sacerdoce et des Sacrements. La Messe est devenue un acte individuel du prêtre, et le cléricalisme a achevé d’en isoler les fidèles jusqu’au milieu de ce siècle. Cette grave errance s’est soldée par une réaction violente, injustifiée mais explicable. Les « fidèles » ont fait irruption dans le « Saint des saints », et ils ont rappelé au prêtre que « offerimus » est un pluriel… ; mais ils ont carricaturé la vérité.

 

  • « Nous offrons ». Qui est ce « nous » ? Ce n’est pas précisément le « peuple de Dieu ». C’est toute l’Église. Car le sacrifice est accompli : « ab ecclesia, per sacerdotem, in personna Christi » : en l’intimation de l’Église, par le prêtre qui est constitué en acte l’instrument du Christ. Voilà ce qu’enseigne le Concile de Trente et qu’il faut tenir présent à l’esprit, si on veut déterminer quel est, au cours du Te igitur, le vrai sens de l’« una cum ».

 

  • Puisqu’en effet c’est toute l’Église qui offre, on comprend pourquoi le Sacrifice est offert « in primis » (primordialement) pour toute l’Église. C’est une norme absolue : qui pose un acte reçoit le fruit spirituel qui est inhérent à cet acte. Et, réciproquement, nul ne reçoit nécessairement le fruit spirituel qui est inhérent à cet acte, s’il ne pose lui-même, personnellement, cet Que la Messe soit offerte pour toute l’Église, que chaque Messe porte nécessairement un fruit pour toute l’Église, cela consignifie que cette Messe est offerte par toute l’Église : « ab Ecclesia », affirme le Concile de Trente.

Récapitulons cette inférence. Cette Messe, actuellement célébrée, est « ab ecclesia », puisque le Concile l’a affirmé. Comment cette qualification doctrinale et dogmatique de la Messe est-elle signifiée liturgiquement ? Elle l’est en ceci que cette Messe est offerte et porte fruit nécessairement « pro ecclesia ». L’acte du Sacrifice est tel que, portant nécessairement fruit « pro ecclesia », il est, par le fait même, « ab ecclesia ». C’est une propriété qui appartient à cet acte, ontologiquement, et par conséquent intelligiblement. Si on comprend cet acte conformément à la Doctrine du Concile de Trente, c’est simultanément qu’il faut lui attribuer d’être « pro ecclesia » et d’être « ab ecclesia ».

 

  • Observons d’autre part que le mot « communion » ne désignerait pas adéquatement le rapport que le prêtre (ou d’ailleurs les fidèles) soutient avec l’Église, en cet acte de l’Oblation. Le prêtre n’est pas seulement « en communion avec l’Église ». Le prêtre est le ministre de l’Église ; il doit expressément avoir l’intention de l’Église : C’est là une condition « sine qua non », pour qu’il puisse agir « in personna Christi ». C’est donc en tant qu’il est ministre de l’Église, c’est au nom de l’Église, que le prêtre déclare uniment : « offerimus pro Ecclesia »« offerimus ab Ecclesia ».

 

  • Voilà donc ce qu’il faut avoir présent à l’esprit, si on veut déterminer quel est, au Te Igitur, le vrai sens de l’« una cum », et partant, quelle en est la portée. C’est à quoi nous pouvons maintenant procéder.

 

  • On vient de nommer l’Église, et de déclarer quel est le double rapport qu’elle soutient avec l’acte d’Oblation : l’Église est pro, en telle façon que nécessairement elle est ab. Ensuite, fort naturellement, on précise ce qui vient d’être affirmé ; et on le fait en nommant, par ordre, les personnes qui, à des titres divers, composent l’Église. Et, bien entendu, cette explicitation ne peut être faite qu’« ensemble avec l’Église », ne faisant qu’un avec l’Église. Les personnes nommées le sont expressément au titre de membres de l’Église, comme étant actuellement dans l’Église (« Au canon de la Messe, on ne prie pas pour ceux qui sont hors de l’Église » St Thomas, Somme Théologique, III, 979, a7, 2m), et pas seulement « en communion avec l’Église » : expression qui consignifie une certaine indépendance ou extériorité. Le « una cum » signifie tout simplement que ce qu’on dit de l’Église, on le dit par le fait même, « ensemble », de tout membre de l’Église en tant que tel, et conformément à la qualité qu’il a dans l’Église.

 

  • La portée de l’« una cum », portée qui en commande « le sens véritable », est donc la suivante. Les deux rapports inséparables pro et ab, que l’Église soutient nécessairement avec l’Oblation du Sacrifice, sont participés par tout membre de l’Église, en même temps (« una cum » : ensemble avec) que par l’Église. Cette participation est évidemment mesurée, pour chaque membre, par la qualité qui est propre à celui-ci dans l’Église : qualification à la fois fonctionnelle et personnelle.

 

  • Le « sacerdoce des fidèles » (regale sacerdotium I Pier.II,9) se trouve ainsi signifié, et exercé, au début du Canon, comme il l’a déjà été, à l’offertoire, d’une manière appropriée.

 

  • Le Roi qui, dans son royaume et à son rang de « fidèle », est responsable de la Gloire de Dieu et du bien spirituel, participe les deux mêmes rapports. Pro : le Roi a droit à l’application (mesurée par ses propres dispositions), du fruit que comporte toute Messe offerte en son Royaume. Ab : le Roi doit promouvoir, au moins indirectement, par tous moyens en son pouvoir, la célébration de la Messe.

 

  • Le Pape est évidemment la première personne qu’il faut nommer « ensemble avec » l’Église ; attendu que l’Église militante, en tant que collectif humain, n’a d’unité visible et pour autant de réalité que dans la personne du Pape. Et pour lui primordialement subsistent les deux rapports pro et ab, que tout membre de l’Église soutient avec l’acte de l’Oblation. Pro : le Pape a droit à une application qui lui est propre, du fruit que comporte cette Messe. Ab : la célébration de quelque Messe que ce soit est impérée par le Pape.

 

  • Il importe de le répéter : on dégrade, et en même temps on falsifie la signification de « una cum », en traduisant « en communion avec ». Le prêtre, en l’acte de la célébration, n’est pas en communion avec l’Église, en ce sens qu’il serait posé en regard de l’Église et uni à elle. Le prêtre est plus qu’« en communion avec » ; il est « ministre de ». Pareillement, on ne dit pas, au Te Igitur, que le Pape serait « en communion » avec l’Église. Car le Pape est le Chef visible de l’Église militante, et, eu égard à l’acte de quelque célébration que ce soit, le Pape est le Pontife souverain : c’est lui qui, soit immédiatement, soit dans la médiation vivante exercée par la hiérarchie, impère cette célébration.

 

  • Ainsi, en vertu même de la Doctrine promulguée par le Concile de Trente, de même que pro Ecclesia consignifie et inclut concrètement ab Ecclesia, pareillement et en même temps (« una cum », ensemble en ce qui concerne l’Église) pro Papa consignifie et inclut concrètement a Papa.

 

  • Nommer J.P.II au Te Igitur c’est donc consignifier, et c’est en réalité déclarer que la célébration à laquelle on procède est impérée par Mgr Wojtyla. Fr Benevolens veut sans doute le bien ; mais il fait le mal en induisant gravement en erreur. Il cite, il est vrai, le commentaire littéralement exact de responsables auteurs ; mais « la lettre tue » (II Cor. III,6). Il y a des conditions de la santé, que seule en fait la maladie rend manifestes. Il y a des implications doctrinales que le vacarme de l’hérésie contraint de dégager. En « temps de crise », il faut remonter aux principes les plus primitifs. Interpréter quoi que ce soit du Canon de la Messe sans tenir compte de la doctrine promulguée par le Concile de Trente, c’est manquer gravement à la vertu de vérité. Telle se présente, trop souvent, la trahison des clercs : celle du Fr Benevolens-Maledicens en particulier.

 

  • Rappelons que, même si on limite arbitrairement et indûment le champ d’application de « una cum » au rapport : Pro, en laissant de côté le rapport ab, Saint Thomas observe qu’« au canon de la Messe, on ne prie pas pour ceux qui sont hors de l’Église » (III. 979, a7, 2m). Mgr Wojtyla ne doit pas être nommé au Te Igitur, puisqu’il est en état de schisme capital. Et c’est un scandale, qui a raison de sacrilège, de déclarer au cours d’une action sacrée que Mgr Wojtyla serait « una cumv Ecclesia tua sancta catholica ». Que la motivation de cette déclaration soit de « prier pour », ou bien de signifier comment la célébration est « impérée par », ne change rien au CONTENU de cette même déclaration. Ce contenu est une erreur, en matière très grave. L’erreur ne doit pas être introduite, encore moins déclarée, au cœur de ce qui est le cœur même de l’Église.

 

M.L. GUÉRARD DES LAURIERS

 

L’écusson dominicain (l’ordre religieux de Mgr Guérard)

L’écusson dominicain (l’ordre religieux de Mgr Guérard)

 

(Cf. Étude publiée dans le journal EINSICHT, en août 1980 : « Christus novum instituit pascha »)