GILETS JAUNES ET CONSCIENCE CATHOLIQUE

…ou une grâce de réflexion pour les catholiques semper idem……

 

“À qui veut régénérer une Société en décadence,
on prescrit, avec raison, de la ramener à  ses origines.”

Léon XIII, Rerum Novarum.

 

 

« Oui, Dieu seul sauvera le monde, et il ne se servira pas d’un bras de chair pour relever la société – les sociétés plongées, ensevelies dans l’iniquité, dans l’oubli de leurs devoirs les plus sacrés et dans l’abandon de Dieu et de ses commandements. Pour l’ordinaire, oui, le Bon Dieu se sert des hommes comme instruments pour relever la société, lorsque dans cette société il y a une certaine crainte de Dieu, du respect pour l’autorité, pour les autorités une certaine souplesse à se soumettre… : mais aujourd’hui que l’orgueil et l’esprit d’indépendance sont arrivés aux nues, aucun homme ne pourra jamais dompter la rébellion effrénée des sociétés. Il nous faut la verge de fer dans les mains de la justice divine. »

(Mélanie Calvat — La Salette) 

 


 

 

Chers amis lecteurs,

 

Le diable est rusé et menteur tout à la fois… Nous le savons déjà ! Il a choisi, sans aucune possibilité de retour, de se séparer de l’Amour infini dans un geste d’orgueil tellement absolu que ses conséquences, elles aussi, sont absolues et retombent sur toute la création blessée par la faute originelle…

 

Depuis plusieurs semaines, chers lecteurs, nous assistons à un déferlement de détournement des âmes des voies ordinaires du salut ! Nos caractères, séparés du point de vue infini de Dieu, ne sont plus l’expression de cette tension irrésistible de nos tempéraments vers l’Être par excellence qui est le Dieu trois fois saint et par qui toute noblesse est en capacité de s’assimiler à ce qui fait l’essence même du Ciel et de la Béatitude éternelle.

 

Nous avons tous nos caractères et nous réagissons, pensons et méditons selon leurs critères intrinsèques qui ne sont pas ceux que Dieu veut pour notre salut ! Nous sommes « pour » ou « contre » les gilets jaunes…épiphénomène transitoire du règne de Satan sur nos sociétés. L’Ange déchu réussit à nous ébranler dans nos sensibilités et notre imaginaire… Pour lui tout ce qui arrive en République, le bon comme le moins bon ou le mauvais est du pain bénit, si j’ose dire !

 

En chacun d’entre nous, réside au plus profond recoin de notre âme ce désir inassouvi d’atteindre et même de choisir le bonheur, quitte là aussi à être « pour » ou « contre » puisque chaque créature a sa conception du bonheur, forgée par toute une vie de préceptes, d’éducation, de règles, d’obligations, de cultures et d’adéquation à des tempéraments aussi différents les uns que les autres. Le problème, c’est que ce supposé bonheur que chaque être a forgé pour ainsi dire dans son mode de vie et d’être, suppose également son contraire et son complément, comme une pierre précieuse a besoin d’être mis en valeur par un entourage de diamants… Sommes-nous encore capables de nous priver, au moins de temps à autre, de l’essentiel ? du superflu ? de ce qui constitue les petits bonheurs sensibles de notre vie de chair ? Sommes-nous capables de passer par le moins pour arriver au plus ?

 

Mais pour arriver à cela, chers amis lecteurs, il nous faut renoncer pour de bon à nos revendications de propriétaires ! Non seulement nous ne sommes que de passage sur cette terre, non seulement rien ne nous appartient en propre dans ce monde matériel consumériste, mais nous ne sommes le plus souvent pas à l’unissons du bonheur que Dieu veut pour nous ! Et ce bonheur — cela semble paradoxal à nos sensibilités charnelles — passe par le sacrifice, la privation volontaire, la pénitence — tant morale que physique — et l’expiation. Un chrétien est perdu s’il oublie cet aspect du bonheur ! Il oublie coupablement l’esprit de renoncement et les souffrances indicibles et expiatoires du Crucifié !

 

Ainsi toute forme de bonheur n’est pas un dû mais une récompense…une récompense certes difficile à atteindre par nos seules forces naturelles épuisées par le péché originel et la concupiscence qui envahit chacune de nos pensées trop humaines. Aimer ce n’est pas se faire plaisir…ce n’est même pas faire plaisir à son prochain, cela va bien au-delà : aimer c’est reconnaître de toutes les facultés de son âme que l’Amour est infiniment plus fort que nos caractères qui ont une fâcheuse tendance à ne raisonner que d’après les attraits des puissances sensibles partout à l’œuvre dans nos vies et dans celles de nos prochains. Dieu a sur chacun d’entre nous une attention déterminée à la mesure de notre état de perfection et de sainteté. Il nous laisse l’entière liberté d’en apprécier les exigences et d’en parfaire l’imitation.

 

Nous ne pouvons nous soustraire aux contraintes de notre vie terrestre. C’est ainsi car Dieu l’a voulu comme ça ! Il nous a donné les moyens et les remèdes, mais il nous laisse libre de nous en servir ou pas, et même d’en faire mauvais usage si nous le désirons ! Que dire d’un Amour qui ne serait pas confiant ?

 

Percevons-nous bien chaque jour de notre vie qui passe, cette confiance que Dieu nous accorde sans répit malgré toutes nos ingratitudes et vilenies ??? Intégrons-nous cette grâce insigne qu’est la confiance de Dieu – et la meilleure preuve qu’il nous aime jusqu’à la mort de la Croix – dans notre action de grâce de chaque jour ? Si la réponse est non, alors il est plus que temps de nous reprendre : nous y gagnerons en sagesse et en mérites. Dieu, par l’acte même de Sa Création, nous érige en surveillants de nous-mêmes ! Qui pourra alors dire que Dieu brime notre liberté et ne contribue pas à nous responsabiliser puisqu’Il nous concède même la liberté de Le refuser, Lui le Créateur de toutes choses ?

 

Cette surveillance suppose l’autorité, notion bien galvaudée de nos jours, puisque nous voyons de bons chrétiens, de bons pères ou mères de famille s’exposer sans motif suffisant à toutes sortes de danger ! cet attrait du danger est dans notre nature blessée, il n’y a pas lieu de nous en étonner… Mais ce qui manque à celui qui s’expose ainsi, c’est le bon conseil, celui qui détourne notre volonté de cet attrait irrésistible pour le danger et qui finit souvent dans une plongée vertigineuse dans les abysses grisants du mal… Le bon conseil est une aide réelle : il n’y a plus guère d’âmes généreuses pour prodiguer à nos contemporains cette inspiration pour prendre les bonnes décisions.

 

Combien de gilets jaunes manquent à l’appel de ces aides, conseils et surveillance d’eux-mêmes ? Dieu seul le sait et la rancœur, le sentiment d’injustice ne suffisent pas à remplacer ce qui peut nous conduire à l’Amour véritable… L’homme ne vit pas seulement de pain et…d’argent…mais de la Parole de Dieu ! Nous savons tous cela ici, mais le mettons-nous en pratique dans notre « actualité » de tous les jours ? Faisons-nous une place exclusive aux seuls avantages temporels dont certains sont tant dépourvus ou donnons-nous toujours la priorité aux conséquences éternelles de nos actes, de nos acquiescements, de nos renoncements, de nos solidarités, de nos inspirations mêmes ?

 

Lorsque la volonté est blessée, la décision s’en trouve corrompue et nous ne pouvons voir l’essentiel dans nos misérables actions humaines car nos intelligences se laissent alors envahir par le doute, poison mortel qui ronge les âmes et les laissent, comme des mauvaises herbes, envahir par tout ce qui est secondaire… Notre foi ne sera agissante que si elle est consciente de sa valeur propre de foi : ce qui veut dire que tout geste, tout rituel religieux se transformera en « superstition améliorée » si nous avons perdu de vue que l’Amour de Dieu est incompatible avec une exacerbation d’émotivité, d’imagination et de sensibilité. Dieu n’est pas notre serviteur pour nous procurer à bon compte des joies spirituelles, des satisfactions intellectuelles ou des gracieusetés matérielles… C’est nous qui Lui sommes redevables en tout et notre amour doit s’orienter uniquement vers Sa Gloire, Gloire dont nous nous approcherons avec tremblement et bonheur ineffable que si nous sommes capables de mettre en branle nos volontés exclusivement tournées vers cet esprit de décision qui nous fait tant défaut. Ce ne sont pas nos faiblesses innombrables qui blessent le plus le Cœur Sacré et adorable de Dieu, c’est notre manque de fidélité, fruit ordinaire de notre ingratitude !

 

Que sont les gilets jaunes ? Des soldats sans solde et sans armure ! Ils bataillent sans le savoir, contre les puissances d’en-bas ! Bien souvent ils ne sont armés ni spirituellement, encore moins surnaturellement, ni intellectuellement pour mener un combat efficace ! Ils ne veulent pas de chefs même si certains émergent ou s’autoproclament « représentants » des gilets jaunes ! Le terme est par trop « boutiquier » et l’on pense invariablement à ces représentants de commerce qui travaillent dur à la fois pour leur patron et/ou leur entreprise mais aussi pour eux-mêmes !

 

Mais je pose la question à nos lecteurs : une armée peut-elle vaincre sans véritables chefs ? la réponse est non et à ceux qui en douteraient, je leur répondrai que tout combat efficace commence par un engagement clair quant à la définition de l’ennemi, à celui de son rôle et à l’évaluation précise de sa capacité de nuisance.

 

Une armée digne de ce nom doit être le résultat d’un accord intelligent entre la puissance intelligente des chefs et la volonté sans faille des troupes. Une armée de gueux harcèle, proteste, revendique et attire tout ce qui dans une société vient des bas-fonds de sa populace, qu’elle soit étrangère ou non. Une armée de gueux ne peut donner qu’une sorte de jacquerie, certainement pas une contre-révolution !

 

Que font les gilets jaunes ? Ils se divisent, pour faire court, en deux grands camps : les « durs » ou « jusqu’auboutistes » qui savent qu’on ne met pas à bas un régime avec des colliers de fleurs (ou des gilets jaunes !) et qui vont même jusqu’à pouvoir accepter — en désespoir de cause — une certaine logique de la violence pour tenter d’atteindre leur but : renverser le gouvernement et faire en sorte que le Président démissionne. Seulement y a-t-il une logique interne à la violence ? qui en fixera les limites ? qui discriminera les « bons violents » des vilains méchants casseurs ? Tout cela n’a pas de sens et nous ramène à la déraison humaine ordinaire… Rendons à César ce qui est à César : il périra par ses œuvres ! Ne forçons pas, n’abrégeons pas, ne présumons pas du bras vengeur de Dieu, qui est lent à la colère car Sa Justice est parfaite comme l’est tout autant Sa Miséricorde…

 

Le second camp c’est celui des gueux, celui des « raisonnables », celui de ceux qui ont compris que l’Élysée serait toujours une forteresse imprenable et qu’on ne fait pas tomber un régime sans la force d’une véritable armée rangée en bataille. Ils préfèrent donc la double tactique de la présence continue et du petit harcèlement…… ce qui aboutit le plus souvent à faire sortir de leurs gonds le « citoyen républicain » ordinaire fort de ses droits (de l’Homme !) et de sa liberté fraternelle et égalitaire de citoyen ! Commerçants, travailleurs, tous ont plus ou moins mauvaise conscience et c’est pour cette raison que les sondages révèlent que 70% des français soutiennent (du bout des lèvres ?) nos braves gueux de gilets jaunes ! Là encore, le régime aura beau jeu, sans trop coup férir, de pratiquer lui aussi son harcèlement policier d’usure pour à moindre coût réduire à une expression plus raisonnable ce mouvement des gilets jaunes… Qui vivra verra….

 

Notre monde est devenu un cloaque de cécité ! Car sur bien des aspects nous sommes devenus aveugles : les plaisirs de toutes sortes, les techniques de toutes sortes, l’ambiance matérialiste et consumériste (notamment pendant les « fêtes », terme réducteur qui nous conduit bien loin des joies surnaturelles de Noël) , l’orgueil de la vie et en même temps une profonde amertume due à nos natures déchues, tout cela fait que nos contemporains ne sont pas heureux. C’est un cercle vicieux : plus ils recherchent ce bonheur que ne peut leur donner notre société laïcisée, apostate et matérialiste moderne, plus ce bonheur leur échappe et plus ils perdent la notion du véritable bonheur. Nos temples intérieurs sont souillés, ravagés, corrompus en permanence par les affres d’une société sans Dieu. Bien peu en sortent indemnes sans une grâce spéciale du Seigneur et bien peu encore possèdent les remèdes de protection nécessaires à ces assauts répétés. Les anges et les saints du Ciel présentent chaque jour leurs supplications au Dieu Trois fois saint pour nous éviter le pire ! Sans notre volonté collaboratrice cela ne sert de rien ! Nous devons rétablir le fil entre le Ciel et nous. Cette communion d’esprit à esprit ne s’accomplira que dans un geste d’allégeance totale à l’Amour infini de Dieu, entièrement tourné vers Sa Gloire. Si nous commençons à attendre quelque récompense que ce soit ou quelque adoucissement du temps présent, nous sommes fichus ! Nous ne rétablirons pas la communication. Tout nous sera donné par surcroît et seuls les saints et les anges pourront mériter pour nous.

 

Pour être un vrai combattant de Dieu, il nous faut renoncer d’abord à nos petits privilèges, à nos petites habitudes confortables, à nos petites revendications du moment car, pécheurs devant l’Éternel, nous ne méritons rien par nous-mêmes à part le châtiment de la Justice de Dieu.

 

Les gilets jaunes ont-ils conscience de leur valeur spirituelle ? Car sans la conscience de cette valeur, leurs combats resteront limités voire infructueux et s’ils ne sont d’abord disponibles à Dieu, Dieu ne permettra pas qu’ils le soient pour leur prochain !

 

On a beaucoup parlé des fameux rond-points et de la convivialité qui en était sortie. À première vue cela peut paraître très sympathique à un observateur impartial, mais ces échanges entre français « qui ne s’aimaient pas » (ou ne se connaissaient pas) suffiront-ils à éclairer ces âmes sur leur propre destinée spirituelle et non pas seulement sur leur volonté revendicatrice et consumériste ? On peut en douter. La disponibilité d’une âme est source de conversion. Sont-elles vraiment disponibles dans un monde sans foi, sans prêtres et sans Église ? Poser la question c’est un peu y répondre !

 

Les vraies décisions, celles qui sont fécondes, ne se prennent que dans le silence du recueillement et le secret de l’âme, et non dans l’agitation des choses de ce monde…

 

Dans un monde ordonné et civilisé, cela, sauf exceptions, incombe tout naturellement au chef, à celui qui a le vrai pouvoir, celui qui vient de Dieu (omnis potestas a Deo) … Qui a le pouvoir de nos jours ? PERSONNE.

 

Lorsque Dieu aura sonné la fin de la récréation, nous le saurons car cela se fera d’une manière instantanée et parfaitement « sécuritaire » ! Tout en Dieu est harmonie, tranquillité, certitude et vraie libération. Il n’y aura pas de colloques, de réunions bavardes, de symposiums ou séminaires prétentieux, non tout se fera à Sa plus Grande Gloire afin d’humilier – pour leur bien – toutes les puissances de ce monde qui auront mis leur espérance en eux-mêmes et en leurs œuvres de chair.

 

Il est vrai que Dieu seul a la solution à tout ! Il suffit de le Lui demander et d’être docile aux inspirations de l’Esprit Saint, en renonçant à tout ce qui est étranger à son esprit à Lui.

 

Nous n’obtiendrons ces secours divins que par le truchement des esprits sanctifiés (anges et bienheureux) qui sont dans le Ciel – et la toute première d’entre eux la Très Sainte Mère de Dieu – car eux seuls possèdent le droit conquis par leurs mérites de présenter à Dieu nos requêtes afin qu’elles soient agréées par Celui qui vit et règne dans l’éternité des siècles.

 

Que l’an 2019, chers amis lecteurs, vous permette de mettre à profit ces humbles réflexions en favorisant votre compréhension de ce qui se passe non pas selon vos vues personnelles et vos a priori humains, mais selon ce que Dieu vous a assigné comme mission personnelle en vue de votre salut. Et même si vous jugez que votre mission est (trop) humble, insignifiante ou même inexistante, sachez que Dieu a toutes les chances de ne pas partager votre avis ou votre ressenti ! Rendez-lui grâce et Il fera le reste !

 

Bonne santé du corps et de l’âme, bonne année de foi et meilleurs vœux de satisfactions familiales et professionnelles, chers lecteurs. Vive l’An de Grâce 2019 !

 

Pierre Legrand.