L’ange Gabriel descendit au milieu d’une lumière céleste. La lumière enveloppa la Vierge, et l’ange avait un vêtement si lumineux que je ne peux rien lui comparer sur la terre.
Lorsqu’elle vit la lumière des yeux de son corps, elle se leva et fut saisie de crainte. Quand elle regarda l’ange, elle retrouva sur son visage le reflet de sa chasteté. Elle était debout dans une attitude pleine de modestie, prêtant l’oreille et tenant ses sens attentifs.
Alors l’ange la salua et lui annonça la volonté de Dieu ; ses paroles plurent au cœur de la Vierge, remplirent ses sens et embrasèrent son âme ; cependant, sa pudeur virginale et son amour pour Dieu la poussèrent à demander une explication.
Lorsqu’elle fut instruite, elle ouvrit son cœur en toute bonne volonté, puis elle s’agenouilla et dit : « Je suis la servante de Dieu, que vos paroles s’accomplissent. » Alors la Trinité tout entière avec la puissance de la Divinité, la bonne volonté de l’Humanité et la noblesse de l’Esprit-Saint pénétra tout son corps virginal.
Sainte Mechtilde de Magdebourg (†1282)
MECHTILDE (Mathilde) DE MAGDEBOURG (sainte allemande, dominicaine, v. 1207-v. 1282) : Connue par ses visions du paradis, de l’enfer et du démon, elle « voit » aussi la vie de Jésus et de Marie. Ses « révélations » ont été notées par son directeur spirituel, le dominicain Henri de Halle et rassemblées dans ses Révélations ou Lumière ruisselante de la divinité (Offenbarungen der Schwester Mechtild von Magdeburg, oder das fliessende Licht der Gottheit…, éd. par Gall Morel, Regensburg, 1869 ; le manuscrit allemand est conservé à la bibliothèque de l’abbaye d’Einsiedel, ms 277, 221 f°).
Elle évoque ainsi sa vision de l’Annonciation :
« Elle [la Vierge] priait ainsi dans sa solitude :
« “Seigneur Dieu, je me réjouis à la pensée que vous deviez venir d’une manière si noble qu’une vierge soit votre Mère. Seigneur, je veux vous servir par ma chasteté et par tout ce que j’ai reçu de vous.” » (Offenbarungen, t. V, 23, cité par AnceletHustache, 162.)
Puis : « L’ange Gabriel descendit au milieu d’une lumière céleste. […] Lorsqu’elle vit la lumière des yeux de son corps, elle se leva et fut saisie de crainte. Quand elle regarda l’ange, elle retrouva sur son visage le reflet de sa chasteté. Elle était debout, dans une attitude pleine de modestie, prêtant l’oreille et tenant ses sens attentifs. Alors l’ange la salua et lui annonça la volonté de Dieu […]. Lorsqu’elle fut instruite, elle ouvrit son cœur en toute bonne volonté, puis elle s’agenouilla et dit : « “Je suis la servante de Dieu…” » (Offenbarungen, t. V, 23, cité par Ancelet-Hustache, 162-163).
À Noël :
« Lorsque Marie vit son bel enfant, elle se pencha sur son visage et dit :
« “Soyez le bienvenu, mon innocent enfant et mon puissant Seigneur à qui toutes choses appartiennent.” » (Offenbarungen, t. V, 23, cité par Ancelet-Hustache, 166.)
Mechtilde décrit l’étoffe vulgaire des langes de Jésus que son âne porte sous la selle :
« Sa mère l’apaisait : c’étaient là la volonté du Père et les délices de l’Esprit-Saint. La Vierge s’inclinait, pleine d’amour maternel et de virginale modestie, sur son enfant affligé et lui donnait le sein » (id., V, 23).
Elle « dialogue » également avec Marie :
« Où est Joseph ?
— Il est allé jusqu’à la ville nous acheter des petits poissons et du pain grossier » (ibid.).
Mechtilde s’indigne :
« Ô Notre-Dame ! vous devriez manger le plus beau pain et boire le vin le plus précieux.
— Non, ce sont là des mets de gens riches qui ne conviennent pas à la pauvreté de notre vie » (ibid., cité par Ancelet-Hustache, 168).
Elle évoque longuement la vie quotidienne à Nazareth :
« Marie fit à son Enfant Jésus une robe cousue de telle sorte qu’elle pouvait l’allonger et l’agrandir quand elle devenait trop courte ou trop étroite […]. Marie cousait et filait des vêtements pour tous trois. » (Cité par Ancelet-Hustache, 171.)
Elle ne dit presque rien de la vie publique de Jésus, mais décrit longuement sa Passion. La Vierge lui dit :
« […] Au pied de la Croix, j’étais si pitoyable que le glaive des souffrances corporelles de Jésus traversa spirituellement mon âme » (id., t. I, 22, cité par Ancelet-Hustache, 175).
Il est difficile de déterminer à quelle catégorie de visions appartiennent ces descriptions mystiques, comme chez Anne-Catherine Emmerick. Mechtilde se méfiait elle-même des visions : « On ne peut comprendre les dons de Dieu par les sens naturels, et c’est pourquoi se trompent ceux qui n’ont pas l’esprit ouvert à l’invisible vérité. Ce qui peut se voir avec les yeux du corps, entendre avec les oreilles du corps, exprimer avec la bouche du corps, est aussi différent de la vérité qui se manifeste à l’âme aimante que la clarté d’une chandelle de la lumière du soleil. » (Ibid., t. VI, 36, cité par AnceletHustache, 88.) Le contenu des images, les thèmes abordés (l’humanité du Christ, Noël…) évoquent à la fois spiritualité cistercienne et sensibilité franciscaine aux récits évangéliques, dont Mechtilde demeure la contemporaine et l’héritière. Écrite en langue vulgaire, son œuvre traduit son accès au-delà des voies traditionnelles à la mystique sensible des béguinages, qu’elle rejoint vers 1230.
B. : La Lumière fluente de la divinité, Grenoble, Jérôme Millon, 2001 ; J. AnceletHustache, Mechtilde de Magdebourg (1207-1282). Étude de psychologie religieuse, Paris, Honoré Champion, 1926 ; E.A. Andersen, The Voices of Mechtild of Magdeburg, Berne, 2000 ; Fl. Bayard, « Mechtilde de Magdebourg », DMEC, 2002, 516-517 ; P. Dinzelbacher, Vision und Visionsliteratur im Mittelalter, Stuttgart, 1981 ; A. Farinelli, « Misticismo germanico e « le rivelazioni » di Matilde di Magdeburg », Bilychnis, Rome, septembre 1921, vol. 18, 3 ; M. Schmidt, « Mechtilde de Magdebourg », DSp, t. X, 1980, col. 877-885. P.S.
in Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie
Par René Laurentin, Patrick Sbalchiero
— Mechtilde de Magdebourg (v. 1208-1282/97)

Née dans l’archevêché de Magdebourg, Mechtilde, encore jeune, quitte la maison familiale pour mener une vie de pénitence comme béguine à Magdebourg même. Pendant trente ans — sa vie mystique ayant commencé dès l’âge de douze ans —, elle ne dit rien sur ses expériences mystiques : c’est sur l’insistance de son confesseur, Henri de Halle (dominicain du couvent de Halle dont le frère de Mechtilde, Baudouin, est le sous-prieur), qu’elle se met à les rédiger. L’œuvre de Mechtilde, dont le titre lui-même lui est révélé, ‘Das fließende Licht der Gottheit’ La lumière ruisselante de la divinité, comprend six volumes. Un septième, plus contemplatif, sera ajouté lorsqu’elle sera à Helfta. En effet, en 1270, elle entre au monastère cistercien d’Helfta et y trouve des guides spirituels comme Mechtilde de Hackeborn et Gertrude la Grande. Au centre de sa spiritualité se trouve son amour ardent pour Dieu « qui est mon Père par nature, mon Frère par son humanité, mon Époux par l’amour ».
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