C’était il y a quelques jours, le 25 mars, l’anniversaire de la mort (et de la « canonisation ») du Saint Bon Larron : n’oubliez pas en effet que, selon la Tradition, le Vendredi Saint fut le 25 mars de l’an 33.

 

Voici une homélie de Saint Augustin à méditer :

Le Sang du Christ accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent.

 

Sermon de notre glorieux Père Saint Augustin
sur
la Passion du Sauveur et les deux larrons

 

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Titien : le Christ et le bon larron

Titien : le Christ et le bon larron

 

§ 1. Jésus, qui ne S’est pas défendu Lui-même, S’est suscité un avocat en la personne du larron repentant. Que s’est-il donc passé dans le cœur de ce brigand pour qu’il se convertisse sur la croix ?

 

Le Seigneur Jésus était attaché à la croix, les Juifs blasphémaient, les princes ricanaient, et bien que le sang des victimes tombées sous ses coups ne fût pas encore desséché, le larron lui rendait hommage ; d’autres secouaient la tête en disant : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même ! » (Matth. XXVII, 10).

 

Jésus ne répondait pas, et, tout en gardant le silence, Il punissait les méchants. Pour la honte des Juifs, le Sauveur ouvre la bouche à un homme qui doit plaider Sa cause ; cet homme n’est autre qu’un larron, crucifié comme Lui ; car deux larrons avaient été crucifiés avec Lui, l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche. Au milieu d’eux se trouvait le Sauveur. C’était comme une balance parfaitement équilibrée, dont un plateau élevait le larron fidèle, dont l’autre abaissait le larron incrédule qui l’insultait à Sa gauche. Celui de droite s’humilie profondément : il se reconnaît coupable au tribunal de sa conscience, il devient, sur la croix, son propre juge, et sa confession fait de lui un docteur. Voici sa première parole, elle s’adresse à l’autre brigand : « Ni toi, non plus, tu ne crains pas ? » (Luc, XXI,  I, 3).

 

Hé quoi, larron ! tout à l’heure tu volais, et maintenant tu reconnais Dieu ; tout à l’heure tu étais un assassin, et maintenant tu crois au Christ ?

 

Dis-nous donc, oui, dis-nous ce que tu as fait de mal ; dis-nous ce que tu as vu faire de bien au Sauveur ?

 

Nous, nous avons tué des vivants, et, Lui, Il a rendu la vie aux morts ; nous, nous avons dérobé le bien d’autrui, et, Lui, Il a donné tous Ses trésors à l’univers ; et Il S’est fait pauvre pour me rendre riche.

 

Il discute avec l’autre larron : Jusqu’ici, dit-il, nous avons marché ensemble pour commettre le crime. Offre ta croix, on t’indiquera le chemin à suivre, si tu veux vivre avec moi. Après avoir été mon collègue dans la voie du crime, accompagne-moi jusqu’au séjour de la vie ; car cette croix, c’est l’arbre de vie. David a dit en l’un de ses psaumes : « Dieu connaît les sentiers du juste, et la voie de l’impie conduit à la mort » (Ps. I, 6).

Le voleur

§ 2. La prière du larron manifeste qu’il a été illuminé par la foi. La réponse du Christ va bien au-delà de ce que le larron a demandé dans sa prière.

 

Après sa confession, il se tourne vers Jésus : « Seigneur, Lui dit-il, souvenez-Vous de moi, lorsque Vous serez arrivé en Votre Royaume ! » (Ps. XXIII, 42).

 

Je ne savais comment dire au larron : Pour que le Christ se souvienne de toi, quel bien as-tu fait ? À quelles bonnes œuvres as-tu employé ton temps ? Tu n’as fait que du mal aux autres, tu as versé le sang de ton prochain, et tu oses dire « Souvenez-vous de moi ! »

 

Larron, tu es devenu le compagnon de ton Maître, réponds donc : J’ai reconnu mon Maître, au milieu des ignominies de mon supplice ; aussi ai-je le droit d’attendre de Lui une récompense. Qu’Il soit cloué à une croix, peu m’importe ! je n’en crois pas moins que Sa demeure, que le trône de Sa justice est dans le Ciel.

 

« Seigneur, dit-il, souvenez-Vous de moi, lorsque Vous serez arrivé en Votre Royaume ! »

 

Le Christ n’avait ouvert la bouche ni en présence de Pilate, ni devant les princes des prêtres : de Ses lèvres si pures n’était tombé aucun mot de réponse à l’adresse de Ses ennemis, parce que leurs questions n’étaient pas dictées par la droiture.

 

Et voilà qu’Il parle au larron sans Se faire attendre, parce que celui-ci Le prie avec simplicité : « En vérité, en vérité, Je te le dis : aujourd’hui même tu seras avec Moi dans le paradis » (Luc, XXIII, 13).

 

Hé quoi, larron ? tu as demandé une faveur pour l’avenir, et tu l’as obtenue pour le jour même ! Tu dis : « Lorsque Vous arriverez en Votre Royaume », et, pas plus tard qu’aujourd’hui, Il te donne une place au paradis !

 

le Christ et le bon larron

 

§ 3. De quelle manière le larron a reçu la grâce du saint baptême.

 

Mais comment expliquer ceci ? Le Christ promet la vie au larron, et le larron n’a pas encore reçu la grâce ? Le Seigneur dit en son saint Évangile : « Quiconque ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit-Saint ne peut entrer dans le Royaume des cieux » (Jean, III, 5). Et le temps ne permet pas de baptiser le larron.

 

Dans sa miséricorde, le Rédempteur imagine à cela un remède.

 

Un soldat s’approche ; d’un coup de lance, il ouvre le côté du Christ, et de cette plaie « s’échappent du sang et de l’eau » (Jean XIX, 31) qui rejaillissent sur les membres du larron.

L’apôtre Paul a dit ceci : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de l’aspersion de ce Sang qui parle plus haut que celui d’Abel » (Hébr. XII, 22-24). Pourquoi le Sang du Christ parle-t-il plus haut que celui d’Abel ? Parce que le sang d’Abel accuse un parricide, tandis que celui du Christ innocente l’homicide et accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent. Ainsi soit-il !

 

Titien : le Christ