CARÊME « VIRAL » : CHÂTIMENT DIVIN OU SIMPLE PIQÛRE DE RAPPEL ?

« La morale n’est pas autre chose que l’obéissance aux mœurs,
quelle que soit le genre de celles-ci : mais les mœurs,
c’est la façon traditionnelle d’agir et d’évoluer »
F. Nietzsche 1881

 

Chers amis pénitents et lecteurs,

 

D’aucuns s’offusqueront sans doute de cette citation de Nietzsche ce qui leur permettra d’évacuer un peu vite une juste réflexion sur la nature même d’un châtiment, sur ses causes et sur ses effets.

 

Notre temps, qui n’aime tant que l’inversion des valeurs, n’obéit plus aux mœurs traditionnelles mais à ses caprices et à son imagination pervertie ; et ce que nous rappelle opportunément cet auteur, c’est qu’il n’y a pas trente six façons d’agir et d’évoluer mais une seule : celle traditionnelle héritée de nos pères et de la Révélation †. Ainsi que l’on soit croyant ou pas, la nature se venge dès que la loi naturelle est transgressée de manière sournoise ou maligne…

 

De tous temps, des maladies contagieuses ont décimé les populations.

La peste d'Elliant, Louis Duveau 1849

La peste d’Elliant (Louis Duveau 1849, musée des Beaux-Arts de Quimper)

 

Épidémie, pandémie, ces mots laissent dans nos mémoires collectives des traces indélébiles et depuis la plus haute antiquité les peuples furent terrorisés et décimés par de terribles maladies.

Citons pour mémoire : la lèpre, la peste, la diphtérie, la syphilis, le choléra, la grippe espagnole (40 millions de morts !) , le sida,  l’Ébola, l’hépatite C, le SRAS, le chikungunya….

 

Nous sommes, avec le Coronavirus, encore loin du compte… !

 

Nous autres catholiques, n’échappons pas au réflexe facile et rapide de la notion quelque peu ambigüe de « châtiment divin »…

 

Certes, rien n’arrive par hasard ou, si vous préférez, sans la permission de Dieu. Sa Souveraineté s’étend à toute créature, en tout temps et en tous lieux. Un virus est une créature vraiment minuscule ! Et nous admirons, à travers l’infiniment petit, la puissance du Créateur. Que ce virus ait été créé en laboratoire ou qu’il soit né de manière tout à fait naturelle, réactivé par je ne sais quel processus humain ou non humain, nous avons une certitude : il existe et il peut nous faire du mal…surtout si nous sommes vieux et/ ou immunodéficients !

 

Dieu épuisera tout Son Amour pour nous, à l’image de Son Fis Unique et Bien Aimé, avant que de songer à exercer de manière non univoque Sa Justice.

 

Miséricorde et Justice divines sont en tension permanente avec l’Amour qui les précède et ce sont nos réponses à cet Amour qui sont les seules capables d’instrumentaliser, si j’ose dire, la Miséricorde et la Justice de Dieu.

 

Quand l’homme a besoin d’aide et implore la Miséricorde de Dieu, cela veut dire qu’il a fauté contre l’Amour et qu’il veut se faire pardonner. Le pardon ne lui sera accordé que par Amour et non par vains calculs ou échanges entre la créature et Son Créateur…

 

La Justice ne s’exerce que lorsque Dieu a épuisé toutes les voies de recours en quelque sorte : il y faut un double refus pour qu’elle s’exerce, cette justice divine…refus de l’Amour ET refus de la Miséricorde !

 

Et lorsque Dieu rend Sa Justice, elle est toujours effroyable car « qui est comme Dieu dans toutes Ses Ouvres ? » et toujours implacable car parfaite et trois fois sainte. D’où le cri du damné : « il est terrifiant de tomber entre les mains du Dieu Vivant ». Mais lorsque cette Justice s’est exercée, il est toujours trop tard ! Le verdict est rendu et nulle puissance au monde ou dans les cieux ne saurait le changer.

 

À ce stade de ma réflexion, les esprits catholiques me diront : mais Dieu est en colère…et il a tellement de raisons de l’être !

 

Qu’il soit en colère je vous le concède et on peut tout naturellement le supposer sans pour autant être bachelier en théologie.

 

Alors plutôt que de considérer le coronavirus comme un châtiment, style universel et multiculturel, je préfère quant à moi le voir sous l’angle d’une sérieuse piqûre de rappel…que les créatures que nous sommes nous envoyons à nous-mêmes, hésitant entre l’auto-immunité orgueilleuse et l’autodestruction prétentieuse. La première étant le fait de ceux qui se croient des petits dieux en devenir et la seconde étant l’apanage de ceux qui ont oublié Dieu dans leurs vies…

 

Une piqûre est faite pour à la fois calmer et soigner… Par calme il faut entendre par là celui de la conscience qui a besoin sans cesse de retrouver les vraies valeurs et ce calme qui est essentiel à tout échange d’amour avec Dieu. Un esprit tourmenté ne peut retrouver la paix intérieure qui est nécessaire à toute économie du salut. Notre monde est trop agité ! La technique et même ses bienfaits ont créé de nombreux revers à la médaille du « progrès ». La jeunesse idolâtre son portable et en oublie le silence nécessaire à tout échange civilisé entre les humains que nous sommes… Elle comble ses vides avec de l’artificiel et en oublie l’amour de Dieu qui doit présider à toutes nos actions et à tous nos échanges…

Mais alors… Dieu serait-il une sorte de super toubib qui aime faire des piqûres ? Ne riez pas car la réponse est OUI ! Depuis la chute originelle, nous sommes tiraillés entre nos propres imperfections et tares ET les ennemis invisibles qui cherchent sans cesse à nous dévorer !!!

 

La piqûre peut aussi — et c’est sa finalité principale — soigner l’âme à la dérive, l’esprit en décrépitude et le caractère en déprime. Les âmes chagrines ou mal informées par une spiritualité dégénérée y verront là du châtiment et même de la justice (divine of course !) alors qu’il ne s’agit que de soins prodigués par un Dieu d’Amour.

 

Le jeune enfant craint les piqûres et pleure sans retenue à l’approche de l’infirmière portant fièrement le terrifiant instrument. Il n’est pas encore suffisamment éduqué pour comprendre que la souffrance (une piqûre ça pique !) est souvent le vecteur d’un bien qui échappe aux esprits par trop matérialistes. Ne dit-on pas qu’il faut souffrir pour être beau ?

 

Notre monde pourtant ne rechigne pas à se piquer pour atteindre des paradis artificiels, même si ce n’est qu’une infime partie de la population.

Et nous refuserions la piqûre divine qui est pour notre bien et le salut de notre âme ? Allons donc !

 

Il faut plutôt considérer cette pandémie non pas dans ses effets directs (un nombre de morts encore bien inférieur à des fléaux du passé) mais dans ses…effets collatéraux ! Là est la vraie pénitence, terme bien plus approprié que celui de « châtiment » car c’est l’homme pécheur qui par son refus, sa révolte, son manque d’amour transforme la pénitence en châtiment !

 

Encore une fois, lorsque Dieu châtie personnellement et en Son Nom, il prévient toujours, il envoie des signes précurseurs et laisse une ultime chance au pécheur de se reprendre et d’éviter la géhenne éternelle.

 

L’on oublie trop facilement que notre Dieu est un Dieu d’Amour ! Cet oubli est un péché quand il transforme tout ce qui nous arrive en « châtiment » ! Il n’y a que l’homme qui pèche et il n’y a que l’homme qui puisse être sauvé par le Saint Sacrifice du Calvaire ! N’oublions pas que les démons (les anges déchus) sont damnés pour l’éternité. Ils ne pèchent pas en ce sens que leur péché se réactualise dans le temps pour l’éternité.  Sinon ils ne seraient pas autant obsédés à faire parmi nous le plus grand nombre de damnés ! Ils nous jalousent et leur haine est aussi grande que leur destinée effroyable…

 

D’aucuns me diront encore que c’est Satan qui mène le monde et qu’il est à l’origine aussi des virus qui nous empoisonnent ; Oui le monde lui appartient…mais qui appartient au monde ? Celui qui se laisse volontairement enténébrer et soumettre aux singeries de celui qui a conservé toute la puissance de sa nature angélique…

Un chrétien ne peut se laisser dévorer par le monde ! Si Notre-Seigneur n’a pas prié pour ce monde, c’est qu’il appartient à Son Adversaire ! On prie pour un prochain tant qu’il peut s’amender, mais va-t-on prier pour les démons qui sont déjà damnés ? Non ! cela ne servirait à rien !

De la même manière nous devons prier pour les âmes du purgatoire, mais elles ne peuvent pas prier pour nous car elles sont encore dans l’économie de la Justice de Dieu et n’ont pas en quelque sorte « payé leur dette d’amour » envers le Créateur !

 

 

Les esprits d’orgueil sont la caractéristique du monde pour lequel NSJC n’a pas prié. Et ces esprits ne peuvent avoir que des désirs charnels !

 

La piqûre est faite pour rappeler que ces esprits vont devoir renoncer à quelques plaisirs non légitimes et même légitimes pour certains d’entre eux. La piqûre a véritablement l’esprit du carême ! Cet esprit, qui est de Dieu, est fait pour nous remettre dans la bonne voie de l’acceptation de la souffrance, dans l’esprit de sacrifice pour le prochain et dans l’éclaircissement de nos consciences embrouillées par l’éclipse de l’Église et trois siècles de matérialisme triomphant.

 

Quand tout est trop beau, quand nous nous laissons aller à l’orgueil de la vie, lorsque la chance nous sourit impudemment, lorsque nous pratiquons une sorte de culte du moi qui n’ose pas dire son nom, lorsque nous n’aimons rien moins que de tricher avec la vie et avec nous-mêmes, alors soyons sûr que l’esprit du monde commence à sérieusement nous envahir !

 

Ne vous y trompez pas ! Satan nous séduit encore plus par ce qui en nous aspire au beau, au vrai et au juste autant, sinon plus , par ce qui avilit la nature humaine qui n’a pas toujours besoin des démons pour inventer de nouvelles cruautés ou dépravations ! Le mal est en nous et il nous faut l’éradiquer sans cesse, car, comme une tumeur maligne qui repousse sans cesse, il n’aura de cesse de nous tourmenter jusqu’à la mort !

L’ange des ténèbres sait aussi se faire ange de lumière ! Il en est bien plus redoutable ! Son but est double : la damnation de chacun d’entre nous, particulièrement les consacrés, et la destruction des nations, notamment bien sûr des nations chrétiennes.

 

Comment réagissent les pécheurs qui sentent instinctivement que ces êtres leur veulent du mal ? Par des myriades de « tranquillisants » ! Foi privée de la vérité et de ses pasteurs, mensonges économiques et politiques relayés par une presse aux ordres, modes scandaleuses qui font oublier la loi naturelle, désintérêt croissant pour la notion même de sainteté, inversion satanique de tous les critères de vertu, soumission aux nombreuses idoles qui gouvernent nos nations dites modernes…

 

Et bien entendu, avec tous ces fameux tranquillisants — qui sont ceux du monde — l’humanité est droguée, droguée de son mal-être, droguée de son absence de Dieu… Le remède est bien pire encore que le mal !

 

Si le monde ne renoue pas avec le fil de la sainteté et de ses victimes expiatoires, alors il nous faudra immanquablement être TOUS de plus en plus victimes d’un monde à la dérive et donc en voie de damnation !

 

Tout est à refaire diront certains…tout est perdu diront d’autres….

 

Le salut du monde est entre les mains de chacun d’entre nous ! Accueillons, en ce Carême, et comme il se doit, l’infirmier divin et persuadons-nous que toute piqûre de rappel est avant tout pour notre bien.

 

Ainsi c’est l’Amour et Lui seul qui fera reculer l’emprise du monde et de Satan sur nos âmes et sur nos destinées.

 

Bon Carême chers amis lecteurs et bonnes pénitences !

Pierre Legrand.

 

 

 

*
*     *

 

Mgr de Belsunce consacrant la ville de Marseille au Sacré-Cœur de Jésus

Mgr de Belsunce consacrant la ville de Marseille au Sacré-Cœur de Jésus. Vitrail de la basilique du Sacré-Cœur à Marseille.

 

La peste de Marseille de 1720 est la dernière grande épidémie de peste enregistrée en France.

 

Sur les conseils d’Anne-Madeleine Rémusat, Mgr de Belsunce décide le 1er novembre 1720 de consacrer la ville au Sacré-Cœur de Jésus au cours d’une cérémonie expiatoire sur le cours qui porte aujourd’hui son nom. L’évêque célèbre la messe tête nue, pieds nus et un flambeau à la main.

 

À la demande de Mgr de Belsunce, les échevins font le 28 mai 1722, à la suite de la rechute, le vœu solennel d’aller entendre à chaque date anniversaire la messe au monastère de la Visitation et d’offrir « un cierge ou flambeau de cire blanche, du poids de quatre livres, orné de l’écusson de la ville pour le brûler ce jour-là devant le Saint-Sacrement ». Ce vœu du 28 mai 1722 ne cesse d’être accompli jusqu’à la Révolution. À partir de 1877, la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence reprend le vœu sans qu’il n’y ait plus eu d’interruption jusqu’à nos jours, se chargeant de l’organisation d’une cérémonie religieuse marquée par l’offrande d’un cierge tel que celui décrit en 1722. La cérémonie a lieu dans l’église du Sacré-Cœur du Prado.

 

Dès le début du mois d’août 1722, l’épidémie est enrayée, il n’y a plus ni malades ni décès causés par la peste.